LA TÔLE COMME ÉCOLE DE VIE

Sale gosse de la périphérie de Birmingham, le puncheur de Watford s’en est sorti malgré un père instable, de nombreuses conneries et même un séjour derrière les barreaux.

Le bras droit de TroyDeeney résume son enfance. Sur le haut, on retrouve la tombe de son père, PaulAnthonyBurke. En dessous, la date de sa naissance et de sa mort en 2012. Un père qui aurait pu mourir bien avant et d’autre chose qu’un cancer de l’oesophage, tant l’homme a déconné durant toute sa vie.

La prison de Birmingham, il la connaissait comme sa poche. Ses séjours à l’ombre, il les déguisait en business trip ou en vacances. Et Troy le croyait. Il ne lui en veut d’ailleurs pas.  » J’ai toujours senti qu’il était là pour mes frères, mes soeurs et moi « , disait-il au DailyMail.

Son paternel n’est d’ailleurs pas son géniteur. Ce dernier a lâché sa mère à la naissance de Troy. Deeney est le nom de sa mère.  » Mon père (Burke) ne voulait pas qu’on prenne son nom à cause de son lourd passé. Il ne voulait pas qu’on y soit associé.  »

Cela n’a pas empêché le gamin de faire (presque) les mêmes conneries que son père à Chelmsley Wood, un quartier désoeuvré de Birmingham. Pourtant, malgré un père régulièrement en prison et une mère qui doit combiner trois jobs pour nourrir ses rejetons, Deeney ne considère pas avoir vécu une enfance difficile. Son HLM de 19 étages, il ne crachera jamais dessus.

Tout a donc débuté à Chelmsley Wood. Il y apprend le foot et la vie mais n’aspire à rien, à part traîner avec ses potes du quartier. Et un peu à taper le ballon.  » On jouait au foot à la rue puis on allait causer avec les filles « , explique-t-il au Times.  » On ne se douchait pas. Un coup de Lynx (la version anglaise d’Axe, ndlr) et c’était bon. Je voulais juste être avec mes gars.  »

Et quand, à 15 ans, Aston Villa lui envoie un courrier avec un planning pour un test d’une semaine, il n’a pas le déclic.  » Il était noté entraînement durant 6 jours et match le 7e. Je n’ai été qu’au dernier. On a même reçu à manger. C’était sympa. Bon, vous pensez bien que je n’ai pas été retenu.  »

 » I WAS THE MAN  »

Comme trop d’enfants, le manque d’encadrement lui coûte une carrière à la trajectoire longiligne. Et encore, d’autres ont nettement plus déconné que lui lors de ce test. L’une des plus grandes promesses du football a été poussée vers la sortie après avoir tenté de voler la montre d’un joueur de l’équipe A.

 » Il pensait qu’il pouvait juste la prendre et aller la vendre. Je l’ai récemment croisé sur la route. Il conduisait un van. Je me suis dit  » wow « , car si seul le terrain avait compté, ce gars serait multimillionnaire.  »

C’est dans la brique que se poursuit la trajectoire de Deeney. Maçon et footballeur amateur, il est repéré par Walsall alors qu’il atteint la majorité et pense avoir réussi lorsque Watford dépose un demi-million de pounds sur sa tête alors qu’il a 22 ans.

Mais encore une fois, un fusible lâche dans sa tête.  » Je me prenais pour JohnnyConcrete (un surnom qu’il se donne a posteriori pour souligner son côté arrogant invincible, ndlr). I was theMan. Je sortais tous les week-ends à Birmingham et j’embarquais tous mes potes avec moi.  »

Jusqu’à la nuit du 29 février 2012, lorsqu’à deux pas du Bliss Nightclub de Birmingham, un pote l’appelle en disant que son petit frère Ellis (également footballeur) est pris dans une baston. Il se retourne et voit la mêlée.

 » J’ai oublié qui j’étais « , lâche-t-il au DailyMail.  » Les seules personnes que je n’ai pas touchées sont celles que je connaissais, les autres étaient des cibles.  » Il étale un des gars et lui assène un nombre incalculable de coups de pieds.

 » Il aurait pu mourir « , concède le bonhomme de 90 kilos pour 183 centimètres. Le tout filmé par les caméras de surveillance.  » Je n’ai pas osé regarder la vidéo quand les policiers me l’ont collée sous le nez. Je n’avais pas conscience de mes agissements.  »

BRACELET ÉLECTRONIQUE SUR LA PELOUSE

La sentence tombe un peu plus tard : 10 mois de prison ferme. Il sera finalement libéré au bout de moins de 100 jours. Bien assez pour réaliser une énorme introspection.  » Aller en tôle fut la meilleure chose qui me soit arrivée. Avant, je pensais être un homme car je sortais, je buvais et je payais pour tout le monde. Je suis revenu à la réalité, je ne voulais plus de mon ancien style de vie.

J’étais embarrassé quand j’ai vu quelques personnes à la maison pour mon retour. Je voulais être seul avec ma famille. J’avais honte. Ma femme, Stacey, est restée avec moi dans tous ces moments. Elle m’a aidé, mes prétendus amis non. Quelques-uns m’ont rendu visite et mon équipier AdrianMariappa aidait ma femme quand elle avait besoin d’argent.  »

Sa mère a également joué un rôle crucial dans son redressement. Tout comme son club, Watford. À peine 10 jours après avoir quitté sa cellule, Deeney remonte sur la pelouse des Hornets avec un bracelet électronique de surveillance attaché à la cheville.

 » J’étais tellement déterminé que je ne le voyais même pas.  » Depuis, lors, la vie de Deeney s’est transformée en success-story. En trois saisons, il claque en moyenne plus de 20 buts et ne rate jamais un match ou presque. Chaque année, la Premier League se bat pour obtenir ses services mais jamais il ne trahira Watford qui l’a tant aidé.

Et puis, il s’y sent bien et ça n’a pas de prix. Les clubs sont pourtant prêts à sortir les liasses de livres. Leicester en a proposé 12 alors qu’Everton, Swansea, Aston Villa et Newcastle sont venus aux nouvelles. Peu lui importe. Il a choisi de prolonger son bail avec le club du nord de Londres jusqu’en 2020. Il aura alors tout juste 32 ans et aucun regret car il aura, enfin, pu goûter à l’élite anglaise. ?

PAR ROMAIN VAN DER PLUYM – PHOTO BELGAIMAGE

 » Avant, je pensais être un homme car je sortais, je buvais.  »

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