La tête et les mains

Le départ en fanfare de Saint-Trond, c’est aussi l’ouvre d’un gardien qui crève l’écran.

Une base : 193 cm, 89 kg et de vraies paluches de gardien de but. Simon Mignolet (21 ans) est l’une des stars trudonnaires du début de saison. Sur le banc, il y a un Guido Brepoels sorti de nulle part. Dans l’entrejeu, un Cephas Chimedza qui fait tourner la boutique. En attaque, un Ibrahima Sidibe qui flambe. Et dans le but, ce Mignolet qui joue la tête des classements individuels dans une bonne partie de la presse. Portrait d’un intello de notre D1.

Sa formation

Trudonnaire pur jus, Mignolet a commencé le foot dans deux petits clubs voisins avant de s’affilier au STVV à l’âge de 10 ans.  » Et pourtant, j’ai bien failli ne jamais faire carrière ici « , dit-il.  » Je jouais médian défensif : j’adorais cette place-là car je touchais plein de ballons et j’en avais besoin pour me sentir bien. Mais j’ai subitement commencé à grandir et forcément à prendre du poids. Cela s’est retourné contre moi : j’ai perdu ma pointe de vitesse. J’étais vraiment à la ramasse sur les premiers mètres. Mon entraîneur m’a expédié dans le but : il estimait que je serais un peu plus utile comme gardien mais il n’était pas convaincu de mon niveau et le club m’a dit que je devais aller voir ailleurs. Je me suis retrouvé au Sporting Alost, où j’ai continué à jouer comme gardien. Saint-Trond m’a suivi et m’a rapatrié après une seule année. A ce moment-là, j’ai compris que j’avais bien fait d’abandonner mes espoirs de jouer dans le champ car tout s’est rapidement enchaîné : je me suis retrouvé en équipe nationale des -17. Depuis lors, j’ai toujours été repris en sélection, jusqu’aux Espoirs où je suis aujourd’hui un incontournable du noyau. Je souffre moins de la concurrence maintenant que chez les plus jeunes : j’avais toujours Sinan Bolat dans les pattes. Je n’ai pas été fâché quand il a décidé d’opter pour la Turquie !  »

L’aventure internationale de Mignolet, c’est aussi une courte présence dans le noyau de Frankie Vercauteren avant la Kirin Cup, l’été dernier : la blessure de Stijn Stijnen lui a permis de participer à quelques entraînements.  » Une chouette expérience mais je me doutais dès le départ que j’avais peu de chances d’aller au Japon.  »

Ses souvenirs de supporter

Simon Mignolet ne ratait pas un match de Saint-Trond quand il était gosse :  » J’ai gardé des souvenirs forts de la période où l’équipe était entraînée par Jacky Mathijssen. Deux fois par mois, c’était la fête ici. Danny Boffin était un des meilleurs médians du championnat et il y avait mon idole en attaque : Désiré Mbonabucya. A eux deux, ils mettaient le feu au stade. L’équipe faisait souvent du yoyo au classement : ça marchait bien une année, c’était beaucoup moins bon la saison suivante. Mais l’enthousiasme était toujours là, sur le terrain et dans les tribunes : que l’équipe termine quatrième ou treizième, la moyenne de spectateurs variait à peine. Les ressemblances entre le Saint-Trond actuel et l’équipe de l’époque sont frappantes alors qu’il ne reste plus qu’un seul survivant : Peter Delorge. C’est toujours la même ferveur, toujours le même football engagé, la même furia pour empêcher l’adversaire d’imposer son jeu et se retrouver le plus vite possible près du rectangle adverse. Comme du temps de Mathijssen, nous avons quelques joueurs capables de faire la différence sur une action individuelle, des gars qui savent y aller seuls mais aussi devenir des pièces plus anonymes du collectif quand les circonstances s’imposent : Alex Da Silva, Cephas Chimedza, Ibrahima Sidibe, Jonathan Wilmet.  »

Ses débuts en D1 et sa consécration en D2

Mignolet a joué deux matches durant la saison 2006-2007, puis il fut titulaire (25 matches) la saison suivante, celle de la chute en D2. Un cadeau empoisonné ?  » Pas du tout. La pression était forte, évidemment. Je n’avais pas 20 ans, je me faisais canarder chaque semaine et le fantôme de la D2 se rapprochait de semaine en semaine, mais je me sentais bien. J’avais mes certitudes : j’avais toujours rêvé d’être dans le but de Saint-Trond, et pour moi, un premier cap était franchi. Je me sentais un peu coupable suite à la descente, comme les autres joueurs, mais tout le monde n’était pas persuadé que j’avais mal bossé. La preuve, c’est qu’on a fait de moi le titulaire incontestable pour le championnat de D2. Et la saison dernière, j’ai été élu meilleur joueur de Saint-Trond par les supporters, qui votaient après chaque match. Etre le plus apprécié de l’équipe championne, c’est significatif pour moi. « 

Son autocritique

 » Quand tu arrêtes de progresser, tu régresses « , lance Simon Mignolet.  » Je sais que j’ai quelques solides points forts. Par exemple, je prends pas mal de points en faisant jouer mes réflexes sur ma ligne. Mais je suis aussi conscient qu’il me reste plein de choses à améliorer dans mon jeu. Il faut être fou pour dire le contraire à 21 ans. Ma relance est encore fort perfectible. Et quelques autres aspects du jeu aussi.  » Ses exemples hier étaient Michel Preud’homme et Peter Schmeichel. Aujourd’hui, Edwin van der Sar et Iker Casillas.  » En Belgique, le gardien auquel on me compare le plus souvent est Daniel Zitka. Je suis assez d’accord, en ce qui concerne le style en tout cas. Je ne dis pas que j’ai son niveau mais je pense dégager le même calme que lui sur ma défense. Je crois aussi être un gardien fiable. Et comme Zitka, je suis tout sauf explosif quand je m’envole.  »

Son match référence et son cauchemar en quatre jours

Lors de la septième journée de championnat, Simon Mignolet a tout arrêté à Courtrai (victoire 0-1). Quatre jours plus tard, il a bu la tasse contre Genk (défaite 2-4).  » Courtrai reste mon match référence en D1. En sortant du vestiaire, j’ai dit à tous ceux qui me lançaient des fleurs : -Je vous préviens que ce ne sera pas comme ça chaque semaine. Je ne pensais pas que je me planterais aussi vite ! Dès les premières minutes, dès mes premières interventions, je sens si ça va bien se passer ou pas. A Courtrai, j’ai rapidement compris que ce serait très dur pour eux de marquer. Tout me réussissait. Contre Genk, j’ai directement saisi que j’allais vivre un cauchemar : très vite 0-1, puis un deuxième but et un troisième. Dans ma tête, je suis préparé à des soirées pareilles où rien ne va. Après Courtrai, un journal flamand a écrit que si on envoyait une compilation de mes arrêts à Barcelone, au Real ou à Liverpool, il y aurait rapidement des scouts de ces clubs à Saint-Trond. J’ai pris ça avec beaucoup de recul. Je ne plane pas, il y en a d’autres qui le font pour moi ! C’est encore plus dommage d’avoir pris une raclée pareille contre Genk, vu la rivalité qui existe entre les supporters des deux clubs. J’aurais préféré me planter contre Roulers ou Lokeren. Ici, tu soutiens Saint-Trond ou Genk, mais jamais les deux équipes. Si ce club disparaissait, nos supporters se rabattraient sur Hasselt par exemple, mais jamais sur l’ennemi juré. Impossible.  »

Son nom cité plus haut

Mignolet au Club Bruges. Mignolet à Genk. Mignolet à Utrecht. Toutes des rumeurs de l’été dernier.  » J’en ai entendu parler mais il n’y a rien eu de concret. De toute façon, je ne serais jamais parti dans un de ces clubs pour y être le numéro 2. Quand on a la chance d’être titulaire en D1 à mon âge, il faudrait être cinglé pour accepter une place sur le banc n’importe où ailleurs. Je raisonnerai autrement à 35 ans, mais là, je veux jouer. Chaque semaine. Sans me prendre la tête. On dit aujourd’hui que Saint-Trond a assez de qualités pour jouer le Top 6 ? N’importe quoi ! Notre objectif est toujours le même qu’il y a deux mois : le… Top 14 ! Le maintien et tout le monde sera très content ici. « 

Sa double vie

Il y a plusieurs étudiants dans le noyau de Saint-Trond. Denis Odoi termine ses humanités, Giel Deferm (fiscalité) et Pieter Thijs (économie) suivent des études supérieures. Et il y a aussi Mignolet, un cas parmi les footballeurs pros. Il est en troisième année de sciences politiques à l’université. Le diplôme de bachelier est pour dans quelques mois. Puis il continuera pour le grade de master.  » La première année, je suis allé aux cours de temps en temps. Il fallait bien que je voie un peu comment ça se passait ! La deuxième année, j’y mettais parfois les pieds le lundi, quand nous étions en congé. Maintenant, ça va être encore plus compliqué. Je m’en sors en me plongeant seul dans mes syllabus, et quand j’ai un problème, j’envoie des e-mails à mes profs pour leur poser des questions. Mon programme n’est pas du tout adapté : ni à l’université, ni au club. Mais ça se passe bien parce que c’est une branche fort théorique. Et je n’en fais même pas lourd pendant l’année : c’est au moment où les examens approchent que je commence vraiment à ouvrir mes livres. Mes études, c’est une manière d’en savoir plus sur un domaine qui m’a toujours beaucoup intéressé : la politique en général. C’est aussi une façon de me protéger : si je me blesse gravement demain, j’aurai une roue de secours. Et ça m’empêchera aussi de tomber dans le fameux trou noir quand j’arrêterai de jouer au foot.  » En fin de saison dernière, Mignolet a fait la fête avec ses coéquipiers le soir du titre. Il est rentré à 3 heures du matin. Il était à une émission de radio locale à 7 heures. Puis il est parti à Louvain pour passer un examen d’anglais qu’il a réussi les doigts dans le nez… Il n’a jamais connu de deuxième session.

Par Pierre Danvoye

« Dans les sélections de jeunes, j’avais toujours Bolat dans les pattes. Je suis content qu’il ait opté pour la Turquie. « 

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