» LA SUISSE, C’EST UN COMBAT PERMANENT « 

Rencontre avec Geoffrey Mujangi Bia, l’un des deux Belges actifs au FC Sion. Sa saison, son avenir, la vie chez les Helvètes, Pelé Mboyo et les Diables rouges : l’ancien Standardman dit tout.

Certaines montagnes suisses sont encore un peu blanchies par la neige en ce début mai. Elle ne devrait toutefois pas faire long feu car depuis quelques jours, le ciel est bleu et les températures remontent du côté de Martigny-Croix, dans le canton du Valais.

C’est là, à une vingtaine de kilomètres du stade du FC Sion, que se trouve le centre d’entraînement de l’équipe de Geoffrey Mujangi Bia. Ce dernier y a déposé ses valises à la fin du mercato estival 2015 avec Pelé Mboyo, son ami.

Les deux cousins connaissent des fortunes diverses chez les Helvètes. Le médian se tire plutôt bien d’affaire quand il est aligné, alors que l’attaquant n’a pas encore presté une seule seconde pour son nouveau club, victime de gros pépins physiques.

Il est 10 h 12, ce lundi matin, au complexe de la Porte d’Octodure quand l’ancien Standardman vient à notre rencontre, décontracté. Prêt à répondre au feu nourri de nos questions.

Geoffrey, quel est ton ressenti après huit mois au FC Sion ?

GEOFFREY MUJANGI BIA : Il m’a fallu un temps d’adaptation car tout était nouveau ici. J’ai eu quelques bobos aussi, qui m’ont tenu écarté des terrains pendant deux mois et demi. Après, il y a eu la longue trêve. Le stage avec l’équipe m’a fait du bien. Je suis de nouveau dans le coup.

Tout avait bien commencé pour toi en septembre avec deux buts lors de tes deux premières apparitions. Puis, tu n’as plus joué que par petites périodes de 4 rencontres.

MUJANGIBIA : J’ai été blessé assez tôt dans la saison. À chaque fois, ça a duré un mois. J’ai donc raté pas mal de matchs. Appelons ça la faute à pas de chance. Je préfère regarder devant et oublier ce qui s’est passé pour aider l’équipe à bien terminer le championnat.

 » EN MATIÈRE DE TEMPS DE JEU, JE RESTE SUR MA FAIM  »

Toutes compétitions confondues, tu en es à 6 goals et 4 assists. En avril, tu as délivré 3 passes décisives et marqué 3 fois. Quand tu es là, tout va bien, finalement ?

MUJANGIBIA : Quand je joue, j’essaye d’apporter un plus. C’est pour ça que je suis venu ici. On peut dire, effectivement, que mes stats plaident en ma faveur. Et le plus important, c’est qu’elles ont souvent rapporté quelque chose au groupe. Soit un match nul, soit une victoire. C’est ça qui est vraiment positif car c’est toujours l’équipe qui prime, finalement. En revanche, d’un point de vue temps de jeu, ce n’est pas suffisant. Je reste sur ma faim.

Y a-t-il eu beaucoup de matchs pour lesquels tu étais à 100 % de tes capacités ?

MUJANGIBIA : A vrai dire, je ne l’ai pas encore été une seule fois de la saison ! C’est ça qui m’énerve un peu. J’espère que je vais gagner en rythme en enchaînant les prochaines rencontres. Depuis que je suis ici, je n’ai pas encore fait quatre fois 90 minutes d’affilée. À chaque fois, c’était des rentrées car j’avais une petite gêne par-ci par-là.

Malgré tout, tu es décisif. C’est un peu paradoxal, non ?

MUJANGIBIA : Ce n’est pas parce que tu n’es pas en pleine possession de tes moyens que tu es nul. Le problème, c’est au niveau physique. Je ne vais pas pouvoir faire les mêmes efforts ni les répéter comme si j’étais à 100 %. Mais, en tant que joueur, je connais mes qualités techniques. En forme ou pas, elles sont là. Je sais encore faire des passes ou marquer des goals.

Que t’inspire le championnat suisse ?

MUJANGIBIA : Il y a quelques joueurs qui valent le détour comme Hoarau, l’ancien du PSG, l’ex-Ajacide Sulejmani ou le jeune Suisse de Bâle, Embolo, notamment. Question jeu, c’est totalement différent. Ici, c’est beaucoup plus physique. Toutes les équipes vont à l’abordage. C’est un combat chaque week-end. Les joueurs font aussi plus de fautes inutiles, comme les tirages de maillot. Il y avait moins ça en Belgique. Peut-être que c’était dû au respect de l’adversaire.

Trois mois après ton arrivée, tu disais que les gens ne vivaient pas pour leur équipe. Malgré le fait qu’il n’y ait pas ici cette ambiance que tu as connue au Standard, tu prends autant de plaisir à jouer ?

MUJANGIBIA : C’était difficile au début car, en tant que joueur, tu as besoin de ces supporters et de l’atmosphère pour faire monter l’adrénaline et la pression. De ce point de vue-là, c’était un peu décevant. Mais même si les supporters ne sont pas 30.000 à chaque match, ils sont quand même toujours là à chanter jusqu’à la dernière minute, que ce soit en championnat ou en Coupe d’Europe. Je suis bien tombé car les fans sédunois sont parmi les plus chauds du pays. À côté de ça, ta motivation, tu dois la trouver dans tes ambitions personnelles.

 » ICI, ON DIRAIT QUE LES GENS N’ONT PAS DE SOUCIS  »

Tes ambitions personnelles, quelles étaient-elles quand tu as décidé de rejoindre Sion ?

MUJANGIBIA: Je voulais rester dans la continuité de mes deux dernières saisons au Standard. Malheureusement, à cause de soucis physiques dus à ma mauvaise préparation estivale, je n’ai pas pu. J’ai donc revu mes ambitions de départ à la baisse. Mais là, rien ne m’empêche de bien finir.

Tu considères ton aventure comme un pas en arrière pour mieux sauter par la suite ?

MUJANGIBIA : Pas spécialement. Evidemment, certains ont dit « il est parti en Suisse à Sion, ilva régresser « . Mais le club avait un chouette projet. Il ne faut pas simplement regarder le championnat ou le nom du club où on signe. Il faut aussi regarder le challenge qui s’offre au joueur.

Quand on parle de projet, c’est rarement sur une saison. Ça veut dire que tu te vois encore ici l’année prochaine, voire dans deux ans, vu tes trois années de contrat ?

MUJANGIBIA : On ne va pas trop parler de ça. Quand je parle de continuité, c’est toujours dans le but d’arriver le plus haut possible.

C’est quoi ton objectif ultime ?

MUJANGIBIA : Retourner dans un grand championnat. L’Angleterre, l’Italie, l’Espagne, l’Allemagne… Pour arriver là, il faut être performant dans la durée dans une compétition de moindre envergure.

Une année comme celle-ci pourrait te lancer sur une nouvelle aventure ?

MUJANGIBIA : Ma préparation, mes blessures : ce sont des choses qui arrivent. Une saison comme je suis en train de faire ne change pas le joueur que je suis. Je sais que j’ai les qualités pour ce genre de championnat. Mais il y a des décideurs dans les clubs. Et je n’en suis pas un.

Tu étais parti du Standard à cause d’un couac avec l’ancien entraîneur, Slavo Muslin. Désormais, beaucoup de choses ont changé à Liège. Un retour là-bas, tu y penses ?

MUJANGIBIA : Pas du tout. Mais je n’exclus rien. Honnêtement, ce n’est pas un truc qui m’est passé par la tête.

La vie en Suisse, ce n’est pas la même chose qu’en Belgique. Qu’est ce qui t’a marqué ici ?

MUJANGIBIA : Les gens sont différents. On dirait qu’ils n’ont pas de soucis. Tu peux tout laisser traîner dans ta voiture, on ne va rien te voler. L’éducation, la propreté, la sécurité, la nourriture, c’est nickel.

 » JE NE CONNAIS PAS DU TOUT L’ÉQUIPE NATIONALE SUISSE  »

Tu connais un peu plus le football suisse désormais. Il t’arrive d’évoquer, avec tes coéquipiers, le match amical face à nos Diables Rouges, fin mai ?

MUJANGIBIA : Non. Je ne connais pas du tout leur équipe nationale. Il y a des bons joueurs, mais je n’ai aucun intérêt à la suivre. La Belgique est largement favorite sur papier. Elle doit gagner.

Comment tu sens l’EURO pour les Diables ?

MUJANGIBIA : Je pense qu’ils peuvent aller au bout. Tout va dépendre de l’état d’esprit des joueurs. Ils ont été encensés pendant pas mal d’années. Mais on sait comment on est au pays. Parfois, on a tendance à vite s’emporter et croire que tout est déjà fait.

Par rapport à des gros collectifs comme l’Allemagne ou l’Espagne, tu penses que ce sera possible ?

MUJANGIBIA : Il faudra peut-être un petit plus lors de ce championnat d’Europe pour pouvoir arriver au niveau des meilleures nations. Ce déclic, il peut arriver en gagnant un match un peu plus difficilement ou avec un brin de chance. C’est grâce à ça qu’on parvient à se sublimer.

Ton ami et coéquipier, Pelé Mboyo, passe une saison noire à Sion.

MUJANGIBIA : Ce n’est pas facile pour lui. En tant que compétiteur, tu veux être sur le terrain, t’entraîner, exploiter ton talent et te faire plaisir. Surtout quand tu arrives dans un nouveau club. Il n’avait pas tout à prouver mais il devait entamer un nouveau chapitre dans sa carrière. Sportivement, c’est difficile pour lui, mais mentalement, il est très fort. Il fait le maximum tous les jours pour revenir. La seule chose qu’il a en tête, c’est de remonter sur la pelouse et faire taire ses détracteurs.

Tu as un rôle important cette saison par rapport à lui, en tant que proche ?

MUJANGIBIA: Il n’a pas besoin de beaucoup se confier. Reste qu’il serait important pour l’équipe, avec ses qualités. Il doit persévérer dans sa revalidation, même si le processus est long et difficile. Mais il en veut !

PAR VALENTIN THIÉRY, À SION – PHOTOS VALENTIN THIÉRY

 » Ici, tu peux tout laisser traîner dans ta voiture, on ne te volera rien.  » GEOFFREY MUJANGI BIA

 » La motivation, il faut la trouver dans ses ambitions personnelles.  » GEOFFREY MUJANGI BIA

 » Mes stats plaident en ma faveur.  » GEOFFREY MUJANGI BIA

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