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La skieuse tout-terrain

Il ne se passe pas de mois sans que Mikaela Shiffrin (23 ans) établisse un nouveau record. Au Mondial de Suède, qui débute mardi, la skieuse américaine compte bien rappeler que le slalom est sa discipline de prédilection. Un portrait en trois dimensions.

Du slalom aux épreuves de vitesse

Mikaela Shiffrin a effectué ses débuts en Coupe du monde à quinze ans, en 2011. Un an plus tard, elle était championne d’Amérique en slalom. A 17 ans, elle enlevait sa première épreuve de Coupe du monde et le premier de ses trois titres mondiaux en slalom. A 18 ans, en 2014, elle devenait la plus jeune lauréate olympique de la discipline. Fin décembre 2018, elle est aussi devenue la première femme à franchir le cap des 50 victoires en Coupe du monde avant l’âge de 24 ans.

Shiffrin y a ajouté de nombreuses victoires en slalom, la discipline dans laquelle elle va bientôt améliorer le record historique de 40 succès d’ Ingmar Stenmark. Peu d’observateurs doutent que l’Américaine batte même un jour son record de 86 succès en Coupe du monde, toutes disciplines confondues. De même, elle va probablement devenir la skieuse la plus complète, un titre qui appartient actuellement à sa compatriote Lindsay Vonn, qui raccroche ses lattes au terme de cette saison.

Comme Vonn, spécialiste du Super-G et de la descente, Shiffrin ne cesse de repousser ses limites mais en sens inverse : du slalom vers les disciplines de vitesse. L’hiver dernier, Mika a remporté sa première descente à Lake Louise. Cette saison, elle a obtenu son premier triomphe en Super-G sur les mêmes pentes. L’Américaine est ainsi devenue la première, tous sexes confondus, à s’adjuger une manche dans les six disciplines de Coupe du monde. Son prochain objectif : gagner une course dans chaque discipline au cours de la même saison.

Les superlatifs ne manquent déjà pas. Le sextuple médaillé olympique Bode Miller qualifie Shiffrin, qui aura 24 ans en mars, de meilleure skieuse qu’il ait jamais vue.  » Mikaela fait paraître tous les mouvements aisés. Sa technique et son management du risque sont inégalés. Sur le plan physique, elle a quelque chose de LeBron James.  »

Shiffrin travaille son corps de 1m70 tous les jours dans sa pain cave, elle sprinte en tirant des pneus. Ou elle les lance. Même ses obligations de star ne l’ont pas détournée de la salle de musculation cet été. L’Américaine, qui a fait graver les lettres ASFTTB ( Always Ski Faster Than The Boys) sur ses skis, veut continuer à progresser, même si elle admet qu’elle ne franchira jamais la ligne d’arrivée au terme de la course parfaite, puisqu’elle ne cesse de déplacer cette norme. Même quand elle pense avoir confiné à la perfection, elle découvre ensuite des erreurs, ici et là.

Je suis maîtresse de mon sort. Je suis le capitaine de mon âme.  » Mikaela Shiffrin

Pour l’heure, il lui est égal d’être entrée dans l’histoire.  » Peut-être cela m’intéressera-t-il dans dix ans, après ma carrière « , a-t-elle confié au New York Times.  » Pour le moment, mon principal objectif, c’est ma séance de stabilité, dans ma salle de gym.  »

La gamine devenue star

Quand Mikaela Shiffrin a décroché ses premiers succès, encore adolescente, elle se réjouissait de l’arrivée de l’été. Dans la maison de ses parents, au Colorado, elle pouvait regarder ses séries TV favorites. L’été dernier a été très différent. Elle est partie en vacances dans les Caraïbes avec son ami, le skieur français Mathieu Faivre, elle a co-présenté les ESPY Awards de la chaîne ABC, elle est apparue dans les Nickelodeon Kids’ Choice Sports 2018, elle a posé pour le Hot 100 du magazine Maxim (en tenue de ski, pas en bikini) et elle a rencontré Roger Federer à la Laver Cup – les deux sportifs sont sponsorisés par Barilla, le fabricant de pâtes -. Elle en a profité pour étudier son idole et la manière dont le Suisse gérait ses relations publiques.  » C’est instructif « , a déclaré Shiffrin, qui a ensuite lancé le hashtag #BeLikeRoger.

L’Américaine est consciente de l’importance de son comportement en dehors des pistes. Elle est devenue une marque, le porte-drapeau de nombreux sponsors et le visage du ski féminin, d’autant que l’heure de la retraite va sonner pour Lindsay Vonn.  » Je me considère comme un investissement. Beaucoup de sportifs s’intéressent trop peu à cet aspect « , déclare Shiffrin, qui prend soin d’offrir à ses 700.000 suiveurs sur Instagram des coups d’oeil réguliers sur sa vie privée.

Fini, le stress !

 » Oh my god ! Je dois vomir !  » Début novembre 2016, juste avant le slalom de Levi, en Finlande, Mikaela Shiffrin a un accès de panique. Elle parvient à se maîtriser mais dans les manches suivantes de Coupe du monde, elle doit en effet vomir. Le stress ! Comme elle skie dans toutes les disciplines, elle ne parvient pas à s’entraîner de manière optimale, surtout pour le slalom. La perfectionniste qu’elle est le vit très mal. Ça ne l’empêche pas d’enfiler les victoires, certes en skiant très défensivement, de son propre avis, ce qui en dit long sur sa domination.

Le revirement s’opère à la Coupe du monde de Zagreb, début janvier 2017. Après sept succès d’affilée en slalom, elle n’est qu’à une victoire du record de Vreni Schneider et de Janica Kostelic mais elle sort de piste. C’est une délivrance. On ne va plus l’ennuyer avec ce record. Elle prend conscience que les attentes des gens ont influencé son mode de pensée. Un psychologue l’aide à contrôler ses émotions. Avant le Championnat du monde 2017, elle poste sur Instagram les versets du célèbre poème Invictus de William Ernest Henley.  » Je suis maîtresse de mon sort. Je suis le capitaine de mon âme.  » Son psychologue lui conseille d’inscrire sur ses gants  » I am « , avant le Mondial. C’est efficace car elle conquiert son troisième sacre mondial en slalom, sans vomir.

Elle est libérée du stress et avant les Jeux de PyeongChang 2018, elle adopte une chanson du rappeur Eminem comme nouveau mantra : Guts over fear, audace et agressivité plutôt qu’angoisse. L’Américaine remporte le slalom géant olympique. Mais sur son slalom, elle loupe le podium, peut-être à cause d’une nuit écourtée par la cérémonie protocolaire de la veille. Les critiques pleuvent, aux USA, mais Shiffrin ne s’en occupe pas. Parce qu’en 2017, elle contrôle ses émotions.  » Il est normal d’être nerveuse et de ne pas gagner toutes les épreuves « , déclare Mika au début de cet hiver au Denver Post.

Son bilan depuis les Jeux, en slalom ? Huit victoires en neuf manches de Coupe du monde. Elle n’a failli qu’à Flachau, le 8 janvier dernier, terminant… deuxième. En riant, elle a déclaré qu’elle y survivrait. Parce qu’elle est maîtresse de son sort.

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