La simplicité par excellence

La profession de foi du professeur de Glasgow.

Martin O’Neill, qui fut sélectionné 64 fois en équipe nationale d’Irlande du Nord entre 1971 et 1984, était un médian excellent et avisé. Le point culminant de sa carrière, qui comprit des périodes à Manchester et à Norwich, fut la victoire en Coupe d’Europe avec Nottingham Forest en 1980, contre le SV Hambourg, à Madrid.

Après sa carrière de joueur, Martin apprit son métier d’entraîneur, franchissant progressivement tous les échelons. Il prit en mains Wycombe Wanderers en Football League puis, après un bref séjour à Norwich City, il reconstruisit Leicester City, permettant à ce club d’accéder à la Premiership, de remporter la Coupe de la Ligue et d’obtenir une place UEFA.

En 2000, il rejoignit le FC Celtic Glasgow et enchanta les supporters (ils sont plus de 60.000 à suivre la plupart des matches de l’équipe à domicile) en réalisant le triplé lors de sa première saison, le titre de champion national l’année suivante, puis, la dernière saison, en atteignant la finale de la Coupe UEFA ûpremière finale du Celtic depuis le succès de 1967 en Coupe des Champions européens.

Après la finale de la Coupe UEFA à Séville, les supporters du Celtic, qui avaient été des milliers à se déplacer en Espagne, reçurent le prix du Fair-Play de l’UEFA pour la manière dont ils avaient soutenu leur équipe et s’étaient comportés d’une manière générale tout au long du match.

Pour Martin O’Neill, l’intense rivalité avec les Glasgow Rangers, un club avec une histoire et un soutien identique et le poids des attentes du public, rendent son métier au Celtic à la fois fascinant et extrêmement exigeant. Son enthousiasme pour le football, son expérience en tant que joueur sous la houlette du légendaire Brian Clough et son approche avisée dans l’art de diriger l’ont aidé à connaître le succès sur le plan national et sur le plan européen. Il porte les espoirs de la moitié d’une ville (et de nombreuses personnes au-delà de celle-ci) et il dirige pour la deuxième fois le FC Celtic en Ligue des Champions.

Quand avez-vous songé pour la première fois à devenir entraîneur ?

Martin O’Neill : C’est une question intéressante parce que j’ai toujours été quelqu’un qui donnait des conseils aux autres personnes mais je n’ai jamais songé à mon avenir en ces termes. Je me souviens avoir demandé à certains de mes anciens coéquipiers s’ils avaient songé à leur avenir après leur carrière de joueur. Mais je n’avais pas pensé à ça en ce qui me concernait. Malgré l’éducation que j’avais reçue au collège et à l’université, j’ai commencé à réaliser qu’au moment où je cesserais de jouer, j’aurais des difficultés car je ne m’étais pas moi-même préparé pour l’avenir. Le football m’a toujours passionné mais je l’ai toujours vu à travers des yeux de joueur à l’époque. Pas une seule minute, je ne l’ai vu à travers les yeux d’un entraîneur. Sauf quand j’ai commencé à parler avec Brian Clough, mon manager à Nottingham Forest. Je suppose que j’étais un joueur qui réfléchissait sur le jeu mais au moment où j’ai cessé de jouer, j’ai soudainement réalisé que je pourrais devenir manager et entraîneur. C’est vraisemblablement parce que j’ai été élevé à l’époque du type du manager traditionnel que je me suis vu davantage dans ce moule plutôt que d’entraîner les joueurs quotidiennement. Bien sûr, j’ai travaillé sous la direction d’un des plus grands managers de football, Brian Clough, qui était aussi entraîneur ; et ce bien qu’il eut souvent dénigré la notion de coaching. C’était en fait un très bon entraîneur parce que les choses qu’il nous enseignait ont subi l’épreuve du temps. J’aurais dû penser un peu plus à tout ça avant d’arrêter de jouer. Mais le plaisir que procure le football et le besoin de rester engagé dans le football ont certainement été les raisons pour lesquelles j’ai saisi ma chance et embrassé le métier de manager. Pour moi, le football était la vie par excellence et je désirais simplement en faire toujours partie.

Quelles sont les valeurs que vous revendiquez dans la façon de diriger et d’entraîner ?

Bien sûr, j’ai apporté ma propre expérience et toutes les petites choses que j’ai apprises de ceux avec lesquels j’ai travaillé. Mais, et je suppose que ceci vaut pour tous les milieux, c’est votre propre caractère et votre propre personnalité qui importent. J’ai repris beaucoup des autres, mais ne me demandez pas d’appliquer ces éléments de la manière dont ils l’ont fait. Ce dont vous avez besoin, c’est d’avoir votre propre style. Je dois ajouter que l’aptitude à communiquer est capitale. J’ai rencontré des gens qui étaient pleins d’idées mais qui ne pouvaient les exprimer. Vous n’avez pas besoin d’être un grand orateur public mais vous devez être capable de parler avec les joueurs de telle manière qu’ils vous comprennent. Les qualités de communicateur ne sauraient à elles seules vous maintenir dans la profession mais c’est un départ, une nécessité.

Remember Brian Clough

Vous avez cité Brian Clough. Diriez-vous qu’il a été celui qui a eu le plus d’influence sur votre carrière de dirigeant et d’entraîneur ?

Sur le moment, j’ai pensé que c’était un privilège douteux de travailler avec lui mais j’ai réalisé plus tard que c’était un énorme privilège. Sans tenir compte de ce qu’il pensait de moi personnellement, je dois admettre que ce qu’il a fait pour le club de football de Nottingham Forest a été extraordinaire, en particulier avec autant de joueurs jeunes et inconnus. Pendant une certaine période, nous avons eu un parcours incroyable qui a atteint son point culminant dans deux finales de Coupe d’Europe û nous n’avions fait que rêver de telles choses, nous pensions que ce niveau n’était réservé qu’à des joueurs de la trempe de Puskas et Di Stefano. Brian Clough a fait preuve de simplicité dans son langage, de simplicité dans ses idées ; c’était un brillant communicateur. Vous n’aviez jamais le moindre doute sur ce que devait être votre travail û parfois, il était impitoyable et parfois incroyablement sympathique. C’était un homme complexe, qui simplifiait le football tout comme le font tous les grands joueurs et tous les grands entraîneurs. Il ne nous disait jamais quelque chose que nous ne pouvions comprendre. Il rappelait des détails spécifiques et il faisait de petits compliments à ceux qui avaient contribué au succès de l’équipe. Nous désirions désespérément son approbation. C’était une grande célébrité û c’était un génie du football.

Les supporters du Celtic ont été récompensés du Prix du Fair-Play de l’UEFA pour leur remarquable performance à Séville. Quel effet cet énorme soutien a-t-il eu sur vous et sur votre équipe ?

Je suis enchanté qu’ils aient fait l’objet d’une telle reconnaissance. C’est un prix extraordinaire, bien que ce soit une consolation pour notre défaite à Séville. Je sais que nos supporters ont reçu ce prix avec un énorme plaisir. Ils ont fait des efforts extraordinaires pour pouvoir venir en Espagne et ils se sont magnifiquement comportés dans des conditions difficiles. Ça a non seulement été bon pour notre club mais a donné une impulsion au football écossais et, avec les qualifications à la fois des Rangers et de nous-mêmes pour la Ligue des Champions cette saison, le moral est élevé à Glasgow. Les attentes énormes des supporters sont quelque chose que vous devez gérer. Ils étaient déçus que nous n’avions transféré aucune grande vedette cet été mais cela ne saurait freiner leur enthousiasme pour l’aventure européenne. Je leur suis éternellement reconnaissant du soutien dont nous bénéficions, même si nous ne devons jamais nous laisser griser par le soutien de tant de gens. Il ne fait pas de doute que voyager dans toute l’Europe a constitué une dimension supplémentaire pour eux.

Suspects habituels

Quelles sont, selon vous, les équipes qui vont dominer la Ligue des Champions cette saison ?

Je pense aux  » suspects habituels « . Par exemple, Arsenal a eu parfois de la peine à tenir la distance. L’équipe est aussi forte que n’importe laquelle autre mais parfois, en football, ce n’est tout simplement pas votre jour. Ottmar Hitzfeld, qui est allé trois fois en finale, meurt d’envie de ramener le Bayern Munich au sommet et je pense que nous pourrions assister en l’occurrence à une réapparition. Alex Ferguson, un gagneur né, ne se reposera pas avant d’avoir atteint de nouveau la finale. Les grandes équipes espagnoles et italiennes seront, comme d’habitude, des prétendantes. Le Real Madrid sera une fois de plus brillant en attaque. La question est de savoir comment l’équipe va s’en sortir en défense… Néanmoins, ce serait agréable de voir l’un des clubs des plus petits marchés briser le moule et atteindre les derniers stades de la compétition. Je pense que la nouvelle formule, qui ne comprend qu’une seule phase par groupes, et qui prévoit ensuite une élimination directe, pourrait être à l’avantage de clubs comme le nôtre.

Quelles sont aujourd’hui les difficultés qu’on rencontre en s’occupant d’une équipe de l’élite ?

Il ne fait pas de doute que les grands entraîneurs du passé auraient pu s’occuper des vedettes d’aujourd’hui mais je dois dire qu’ils auraient trouvé plus difficile de travailler dans cet environnement moderne. Heureusement, la plupart des joueurs veulent encore jouer. Ils n’ont pas envie d’être mis à l’écart de l’équipe. Toutefois, progressivement, on a accepté l’idée qu’une rotation au sein du contingent était nécessaire. Les grands joueurs sont ceux qui souffrent le plus parce que le calendrier, si vous y incluez les matches internationaux, est extrêmement éprouvant. Aujourd’hui, en tant qu’entraîneur, vous devez vous préparer un mois à l’avance pour chaque match. Il faut donc chaque fois se concentrer sur le prochain rendez-vous en ayant une vue d’ensemble.

Qu’espérez-vous obtenir en football ?

J’ai été associé cette année au Forum des entraîneurs d’élite de l’UEFA et j’ai eu des discussions avec quelques-uns des meilleurs entraîneurs du monde. J’aimerais faire partie de cette catégorie en luttant régulièrement pour la conquête des trophées européens.

Quels sont les principaux problèmes auxquels doit faire face un club comme le Celtic pour être compétitif en Ligue des Champions ?

L’argent. Quand j’étais à Nottingham Forest, il y a 20 ans, il y avait un plus grand choix de joueurs de haut niveau. Nous aurions transféré des joueurs réputés. Aujourd’hui, un club de province ne peut pas le faire. Il ne peut pas rivaliser avec les grosses cylindrées.

Que pensez-vous de la Ligue des Champions ?

La compétition s’est améliorée au point d’être méconnaissable depuis l’époque où je me trouvais à Nottingham. C’est une compétition magnifique et j’approuve Alex Ferguson quand il dit que c’est LA compétition. Chacun aspire à y participer, aussi bien les entraîneurs que les joueurs û c’est simplement ce qu’il y a de mieux.

Si vous deviez émettre quelques v£ux, quels seraient-ils ?

Je demanderais que l’entraîneur soit autorisé à se tenir dans la zone technique et puisse faire son travail sans avoir à s’asseoir ou à être l’objet de pressions de la part du quatrième arbitre. Je pense aussi qu’une vraie pause hivernale serait une excellente idée pour que les joueurs et les entraîneurs puissent récupérer, recharger leurs batteries et se préparer pour la phase finale, la partie décisive de la saison.

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