La semaine infernale

Comment le sphinx rouche a géré ses émotions et son football entre des matches de tous les dangers : analyses et révélations en photos au cour des inquiétudes de Sclessin.

I don’t like Mondays… Il y a des lundis à oublier au plus vite comme le chantent les Boomtown Rats. Pas question de paroles aussi dramatiques que celle de Bob Geldof à Sclessin mais il y a des débuts de semaine plus agréables qu’après avoir été fusillé sans pitié à Anderlecht. Ce drame-là restera longtemps gravé dans la chair des Liégeois. Tell me why I don’t like mondays quand les doutes envahissent tout : les plans d’avenir, le regard du coach, les certitudes des joueurs, la ligne médiane, l’attaque, le travail au quotidien, etc.

Les blagues en rouge et blanc circulent sur le net et une rumeur fait son chemin à Liège : si Ariel Jacobs se retire en beauté au terme de la saison, il n’est pas impossible que Michel Preud’homme y prenne sa succession après avoir fait le plein de pétrodollars. Le Clasico se joue tous les jours, sur la pelouse ou au hasard des conversations. MPH à Anderlecht ? Qui ne frissonnerait pas d’effroi chez les Rouches si ce bruit devenait réalité ?

Mais laissons là cette hypothèse car entre la visite à Anderlecht et le repas du dimanche partagé avec Zulte-Waregem, le Standard a fait le gros dos pour lister soigneusement l’étendue de ses défis. Novembre n’est pas loin et une partie du public a déjà préparé les pots de chrysanthèmes qu’elle destine à José Riga. Le coach liégeois a bien entendu les premières incitations à la démission au stade Constant Vanden Stock. Etrange quand même : il n’a quelques mois pour reconstruire les pyramides de Sclessin alors que la précédente direction a mis 10 ans avant de trouver les solutions gagnantes.

Après le tsunami vécu à Anderlecht, les messages du lundi d’après rappelèrent sous le feu de la critique que ce Standard en reconstruction figurait quand même dans le Top 6 et ne se défendait pas mal dans le concert européen. Le nom de Poltava fleurissait dans les conversations comme pour tourner la page. Poltava, médicament du Standard à la recherche de son style ?

En se reposant il y a dix jours, les joueurs l’espéraient. La pression marquait Riga et la lecture des journaux au lendemain du Bloody Sunday ne lui aura pas rendu un grand sourire. Les médias en avaient assez du style rentre-dedans de Dominique D’Onofrio et de Sergio Conceiçao. Riga propose autre chose : un discours expliqué, partagé dans la richesse d’un échange permanent. Mais un théoricien, un remarquable pédagogue peut-il être un chef de meute où l’émotionnel l’emporte souvent sur le rationnel ? DD avait misé entre autres sur les décharges d’adrénaline. Son duo avec un râleur comme Conceiçao puait plus le football du haut niveau souvent sans gêne que le brave axe Riga- Peter Ballette. Bref, l’approche de Riga devait-elle remise en cause ? Comment résoudre tous les problèmes (joueurs sans réaction à Anderlecht, un puis deux essuie-glaces, le seul Mémé Tchite en pointe, un flanc droit dépassé par les événements, pas de jeu ) ?

Crise ? Quelle crise ?

Mardi, deux jours après la débâcle chez les Mauves, le directeur technique du Standard, Jean-François de Sart est monté aux créneaux pour défendre son T1.

 » Sa mission n’est pas facile : nous le savions dès le début « , a-t-il affirmé.  » Notre confiance à son égard, y compris l’ensemble de son staff technique, est intacte. Nous mesurons la qualité de leur travail au quotidien. L’équipe a été profondément bouleversée : quand on se sépare de toute une ligne médiane, rien n’est facile. Il faut du temps mais cet effectif a atteint un de ses objectifs : être présent dans les poules de l’Europa League où on ne figurait pas la saison passée. L’autre ambition passe par la présence dans le Top 6 à la fin de la phase traditionnelle du championnat. Même si tout n’a pas été parfait, comme à Anderlecht où nous étions tous très déçus, il n’y a pas péril en la demeure. Nous y arriverons avec une autre approche qui assurera l’avenir de ce club. Je suis serein car nos choix sont bons. Il n’est pas question de crise mais mentalement, nous sommes trop fragiles. Un Real Madrid a aussi essuyé des orages contre Barcelone… Cela arrivera encore. « 

Le Standard faisait bloc dans toutes ses composantes. A part Michel Preud’homme, tous les coaches du Standard depuis 1998 ont été mis sous pression par le public : Tomislav Ivic, Jean Thissen et Henri Depireux, Robert Waseige,Dominique D’Onofrio, Johan Boskamp, Laszlo Bölöni et maintenant Riga. Le Standard de Lucien D’Onofrio a végété avant de trouver la bonne formule. En 2006, n’avait-il pas envisagé de tout laisser avant que les jeunes ne sauvent la mise ? Toutes proportions gardées, Riga se trouve dans la même situation qu’Ivic en 1998 ou Boskamp en 2006 : tout est à refaire. Johan a longtemps attendu avant la venue de Steven Defour et son effectif fluctua trop avant sa mise à l’écart au profit du DT Preud’homme. Qu’est-ce qui attend Riga ? Une trajectoire Ivic ou destin Boskamp ?

La lourde défaite essuyée à Anderlecht a accentué le sentiment que les Rouches (fantomatiques en déplacement : 5 matches, 3 défaites, 2 nuls, 3 buts marqués, 13 encaissés) ne progressent plus, mais, au contraire, régressent dans leur jeu. L’Europe a constitué leur bouée de sauvetage avec des matches référence comme à Helsingborg ou Hanovre. On se souviendra que l’Europe fut le paravent derrière lequel Bölöni, puis DD, cachèrent la désintégration de leur équipe en 2009-10.

Le public s’exprime

Cette saison, l’air frais venu d’Europe s’est chargé de nouveaux soucis après le match signé contre Poltava. La veille, le mercredi, l’inquiétude se lisait sur le visage de Jelle Van Damme et de Riga. Malgré le travail de déminage de de Sart, ils avaient besoin de se rassurer avant l’important rendez-vous ukrainien de jeudi passé.

Riga :  » Poltava est une excellente équipe et ce troisième rendez-vous dans le cadre de notre groupe d’Europa League nous offre la possibilité de corriger le tir. J’ai montré à mes joueurs les différences évidentes entre le visage qui fut le nôtre à Anderlecht et la qualité de nos dernières performances européennes. Je le répète : le Standard se reconstruit et nous avons raté un étage. Maintenant, notre équipe a besoin de solide et de collectif. « 

Van Damme ajouta :  » Il faut se regarder dans la glace : l’organisation a été mauvaise à Anderlecht. Quand on encaisse deux buts en un quart d’heure, c’est dur. La confiance a été ébranlée et c’est à ce niveau-là que nous devons réagir.  » Une critique à l’égard de son coach chargé d’organiser l’équipe ?

Le match contre Poltava n’apporta pas les réponses attendues. Face à un adversaire plus que modeste, le Standard ne tricota pas bien son jeu : peu de lien, pas d’idées géniales dans la ligne médiane, quelques occasions tombées du ciel mais qui n’étaient en rien le fruit de belles phases de jeu, des pertes de ballon évitables, une attaque maigrelette sans Mémé Tchité blessé, une confiance sur la pente savonneuse. Pierre François tempéra les déceptions au micro d’AB3 mais le public ne s’y trompa pas : ce Standard-là a plus de pain sur la planche qu’on le pensait.

Le 0-0 final a été accueilli par un concert de huées et de reproches.  » Le public a le droit de s’exprimer mais il semble qu’il a été trop dur et n’a pas retenu nos occasions de but « , disait François.

Certains joueurs ont été ébranlés alors qu’un succès lui aurait offert un total de 7 points et une pole position très intéressante. Le Standard reste malgré tout en tête au virage des trois rencontres. Maigre satisfaction comme cela se voyait dans le regard des joueurs. Ils ont mis du temps à venir à la rencontre de journalistes dans la zone mixte pas à cause de la trouille, mais parce qu’ils devaient d’abord avaler… leur plat de pâtes après le coup de sifflet final ! ( » Après l’effort, il y a une fenêtre métabolique idéale « , signale Guy Namurois.  » Les sucres passent directement dans les muscles. Le corps en a besoin tout de suite et ne les emmagasine pas. « )

Mais pâtes ou pas, diététique moderne ou pas, le Standard a été en mal de tout contre Poltava. Blessé, Tchité a cédé sa place à Gohi Bi Cyriac Y a-t-il un problème Tchité ? Oui. Il ne marque plus, c’est anormal. Il est évidemment le premier à payer l’absence d’une véritable doctrine dans la ligne médiane. Sans bons ballons, il ne peut rien faire. La saison passée, il était sans cesse ravitaillé par Axel Witsel ou Steven Defour. Qui a pris leur relais et appuie l’attaquant de pointe ? Personne pour le moment car toute la ligne médiane se contente de jouer en largeur. La peur paralyse les médians qui ne jouent profond que sur les phases arrêtées. Le dernier but de plein jeu date du déluge. Tchité avait mis le doigt où cela fait mal après le voyage à Gand. Il en avait ras le bol de galoper partout en pure perte. Il n’était pas du tout d’accord avec son coach qui l’estimait un peu fatigué.

En été, le Club Bruges a approché Tchité sans avoir averti la direction du Standard qui n’apprécia pas la démarche. Aux dernières nouvelles, Bruges est toujours aussi intéressé et ferait en janvier une proposition pour Tchité. Il n’est pas certain que les Liégeois accepteront un deal avec les Brugeois !

La ligne médiane a sombré face à Poltava

Le Standard a toutes les raisons du monde de se méfier des dérives sur le marché des transferts. Porto ne se serait acquitté que de 10 % du montant convenu pour les transferts de Defour et d’ Eliaquim Mangala. Le Standard a entamé les démarches juridiques nécessaires pour obtenir son dû mais dans les coulisses, on affirme que Lucien D’Onofrio serait à la base de ces man£uvres de ralentissement. Pour priver son ex-club de moyens financiers nécessaires pour son budget et les achats de l’hiver ? Pour se venger de ne pas avoir pu garder le club ? Pour soutenir son frère, Dominique, qui réclame 800.000 euros à titre de rupture de contrat ?

Pierre François estime que l’ancien T1 a quitté le club, repris ses affaires à l’Académie, rendu sa voiture, annoncé en conférence de presse que le chapitre Standard était clos pour lui. Toujours selon le Standard, DD n’a pas repris son rôle de directeur technique sans quoi il aurait participé à la recherche d’un T1. Les tribunaux trancheront.

La ligne médiane a sombré face à Poltava. Si William Vainqueur y a trouvé sa place (même s’il joue trop bas et trop latéralement), cela bouge trop autour de lui. Riga hésite sans cesse entre un et deux pare-chocs. Il doit trancher sous peine de ne jamais trouver d’automatismes. Luis Manuel Seijas et Maor Buzaglo sont à la recherche de leur meilleur rendement, Nacho Gonzalez aussi. Si Yoni Buyens a reçu sa chance, on ne peut pas en dire de même pour Pape Camara, révélation de la saison passée ? A-t-il été écarté après un désaccord avec Van Damme ? La direction sportive du Standard estime que ce médian défensif n’a pas retrouvé son niveau de la saison passée. Est-ce le cas aussi de RéginalGoreux ? N’avait-il pas été capitaine en début de saison ? Bon pour MPH, nul pour Riga ? Comment expliquer que Laurent Ciman soit international mais pas titulaire dans son club ? Parce que Daniel Opare est meilleur ? Pourquoi Mbaye Leye a-t-il plus de crédit (qui semble s’effriter toutefois) que n’importe qui ?

Effectif déséquilibré

L’effectif de Riga est fortement déséquilibré avec trop de médians, pas assez de puissance et de taille. Enfin, après le départ de Christian Benteke à Genk, le Standard aurait dû acheter des attaquants. Les Liégeois jouent avec le feu tant la division offensive est maigre. Là, il y a eu une erreur de casting, une imprudence, tout le monde le sait. Franck Berrier cherche logiquement son deuxième souffle après une longue absence. Pour le moment, Van Damme est la seule véritable personnalité du milieu de terrain liégeois, c’est trop peu pour remplacer Witsel, Defour et Mehdi Carcela.

Au lendemain du match contre Poltava, Riga a fait l’impasse sur la conférence de presse et pas question de poser à Seijas des questions à propos d’Anderlecht. Puis, les supporters ont perturbé l’entraînement du samedi. Riga a, à nouveau, modifié son équipe (une habitude) en titularisant Ciman, Buzaglo et Gonzalez. Le public n’a pas apprécié que son équipe éprouve des difficultés face à un Zulte Waregem encore plus faible que Poltava. Heureusement pour lui, le Standard a éloigné la crise qui couvait sous la cendre, protégé la première place de son groupe de l’Europa League et accroché la 5ème du classement de la D1.

PAR PIERRE BILIC-PHOTOS : IMAGEGLOBE

Van Damme est la seule personnalité pour remplacer Witsel, Defour et Mehdi Carcela : c’est trop peu…

MPH à Anderlecht ? Qui ne frissonnerait pas d’effroi chez les Rouches si ce bruit devenait réalité ?

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