La saga Perbet

L’artificier français a-t-il eu tort de lâcher la proie  » Standard  » pour l’ombre italienne ? Enquête.

Il y a des faits que personne ne peut contester : Jérémy Perbet ne doit rien à personne. Et c’est à la sueur de son front et de son talent qu’il a frappé à 25 reprises la saison passée. Son style nourri de calme et de précision dans le dernier geste en fait un renard des rectangles : pas facile quand on est l’homme de pointe d’un club qui, comme Mons, vient de réintégrer l’élite. En 2011-2012, au fil de ses buts, sa nervosité pointe de plus en plus le bout du nez. Perbet entend battre le fer tant qu’il est chaud et rentabiliser ses atouts de buteur, c’est logique dans le foot casino actuel.

La saga commence en décembre 2011 quand son nom circule au Krylia Sovetov. Ce n’est pas Zénith Saint-Pétersbourg ou les richissimes Terek Grozny et Anzhi Makhachkala mais cela vaut le coup d’£il. Ce club peut constituer une rampe de lancement vers le top russe. L’agent de Perbet, Youri Selak, déroule ses antennes, se renseigne auprès de ceux qui connaissent bien GermanTkachenko, le président du club de Samara, une ville de 1,2 million d’habitants située à 860 km au sud-est de Moscou, près de la frontière avec le Kazakhstan. Sur sa lancée, le conseiller du frappeur des Dragons se rend à Marbella où le club russe passe le mois de janvier à préparer au soleil la reprise de son championnat. L’entraîneur de Krylia Sovetov reçoit même l’émissaire belge et un de ses amis qui parle russe dans sa chambre : tchaï (thé) pour tout le monde et échange de chiffres. Les Russes sont prêts à sortir un million d’euros, mais pas un kopeck de plus, de leur coffre-fort. Il n’y a pas de deuxième tasse de thé car il est certain qu’un tel montant ne peut pas convenir à Dominique Leone, le big boss de Mons qui rêve d’une offre de 1,8 million d’euros.

Perte de crédit à Mons

Perbet choisit sagement de rester au stade CharlesTondreau jusqu’en fin de saison. Il mise sur le titre de meilleur buteur de D1, un exploit pour un joueur qui ne s’est pas fait un nom en France. Perbet a cependant la certitude que son talent n’est pas apprécié à sa juste valeur en Belgique et qu’aucun club du top de la D1 ne lui fera d’offre. Il se trompe et se met en tête que l’étranger est sa seule issue. A l’approche du printemps, le Montois écoute des agents occasionnels et un ami de sa belle-famille, LucasPellizon qui en 2006 a transféré Walter Baseggio à Trevise. Pellizon est connu dans tous les coins du Calcio et sort Parme de sa botte. Des contacts sont noués et la direction de Mons, le président Leone en tête, se rend au pays du parmesan.

Nous sommes en mai et le Standard manifeste alors son intérêt pour Perbet. Pour la circonstance, l’opportuniste agent de joueurs Mogi Bayat (plus pour longtemps en odeur de sainteté à Sclessin à cause de l’affaire Gohi Bi Cyriac transféré à Anderlecht) a uni ses forces à celles de Selak, Perbet joue la prudence et dégage une forme d’indifférence car il a le regard tourné vers l’Italie même si rien n’est concret là-bas. On chuchote à gauche et à droite que des agents feraient parvenir d’étranges procurations : rien n’est plus facile à falsifier avec la technologie moderne. Il suffit de scanner l’en-tête d’un club. Capito ? Ce sont des situations délicates. L’offre du Standard, elle, est tout à fait concrète. Perbet et ses agents ne rencontrent pas Pierre François et Jean-Françoisde Sart à Sclessin mais dans la périphérie liégeoise chez un ami du club qui leur prête son bureau. La presse ne se doute pas que tout se discute dans cette maison discrète : contrat de cinq ans, un salaire de plus de 500.000 euros par an.

Perbet ne devine pas qu’il est la priorité du Standard. Il a peut-être peur de vivre à l’ombre de Mémé Tchité. Or, toute oreille attentive sait que ce dernier ne fera plus long feu au Standard. La délégation rouche est étonnée et déçue par le détachement de Perbet. Roland Duchâtelet tente de mettre les petits plats dans les grands en rencontrant Leone dans le restaurant de l’épouse de Mogi Bayat à Charleroi. Le repas n’est finalement pas concluant : personne n’est gagnant. Le Standard n’a pas son buteur, Mons n’hérite pas du 1,8 million espéré et ne peut pas inclure le transfert d’ Arnor Angeli dans le deal.

La clé du problème se trouve alors dans les mains de Perbet : il peut forcer la décision, inciter chacun à mettre un peu d’eau dans son vin. Le Calcio danse encore dans sa tête. Il ne monte pas à bord du train qui part pour Sclessin : sa chance est passée car le Standard jette alors son dévolu sur Dudu Biton et Marvin Ogunjimi. Perbet a lâché la proie liégeoise pour des ombres italiennes. Parme se fait discret. Le Montois encaisse durement le coup, ne reprend pas tout de suite les entraînements, perd du crédit, de la sympathie et de la compréhension auprès de ses équipiers, de la direction, du staff technique et du public. C’est un problème dont il devra tenir compte. Personnage sympathique, Perbet l’a joué un peu solo comme si la réussite de Mons en 2011-2012 n’appartenait qu’à lui. Il ne le pense probablement pas mais cette image est tenace. En début de saison, il rentre des certificats médicaux, synonymes de déceptions et de frustrations. Mons gagne et marque sans lui. Aloys Nong s’est installé en pointe et cela marche bien pour lui. Enzo Scifo le préfère logiquement à un Perbet d’aucune utilité. Il doit remonter la pente.

En Italie, on parle encore de lui à Vérone et à Pescara ? Mais il n’est jamais la priorité. Ainsi, Pescara préfère finalement engager le Croate Ante Vukusic, capitaine d’Hajduk Split pour un montant de 3,8 millions d’euros. Cette transaction résume bien une partie du problème de Perbet. Vukusic a 21 ans (contrat de quatre ans, salaire : 450.000 euros par), Perbet 28 ans. Le transfert de Vukusic est un investissement car il pourra être revendu avec bénéfice dans un an ou deux. Perbet pas, son transfert serait une dépense sans return possible car un footballeur de 30 ans n’est quasiment plus vendable. Perbet a marqué 25 buts en une saison, Vukusic 26 en deux ans : c’est moins décisif que la jeunesse des joueurs de deux championnats d’égalité aux yeux des Italiens. Autrement dit : Perbet n’avait aucune de chance de supplanter Vukusic à Pescara.

L’intérêt de Feyenoord

En Belgique, Gand est venu aux renseignements mais Michel Louwagie ne dépense jamais plus de 800.000 euros pour dénicher un transfert. Malines se mord les doigts car il fut question de lui derrière les casernes avant son transfert à Lokeren. Suite au problème engendré par Christian Benteke, Genk a songé un temps à Perbet. Puis l’attention de l’agent de Perbet a été attirée par Sochaux et Feyenoord. Perbet est toujours partant dans sa tête. L’offre de Sochaux l’a tout de suite intéressé. En été, Montpellier s’est renseigné. Une dernière piste s’est précisée jeudi et vendredi passé : celle qui mène à Feyenoord qui a proposé une location d’un an avec une option d’achat. Le club du Kuip de Rotterdam a un scout attitré en Belgique qui connaît la D1 sur le bout des doigts : FransMasson. Youri Selak, l’agent de Perbet, sait mieux que personne que le style de jeu néerlandais peut lui convenir avec ses centres, ses envolées offensives, ses défenses en fromage à trous.

Durant les offensives de dernière minute, le président Leone a assumé son rôle. Pour lui, crise ou pas, désir de partir ou obligation de rester, il n’a pas voulu être le dindon de la farce. Jusqu’à présent, Momo Dahmane a été le plus gros transfert : 800.000 euros lors de son passage à Genk en 2007. A deux, Benjamin Nicaise et Wilfried Dalmat ont rapporté 600.000 euros en signant au Standard en 2008. Mons a déboursé 275.000 euros à Lokeren pour Perbet. Leone veut rentabiliser et signer un coup. Mais c’est en juin au Standard que Mons et Perbet ont oublié de valider leur billet gagnant à la loterie. Depuis lors, les doutes ont repris le dessus à propos d’un Perbet condamné à confirmer et à vaincre : c’est son destin.

PAR PIERRE BILIC – PHOTOS : IMAGLOBE

Perbet au Standard se discute dans une maison discrète : contrat de cinq ans, un salaire de plus de 500.000 euros par an.

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