La révolution zébrée

Le bilan carolo des play-offs est catastrophique. Résultat : Craig est dehors et on prépare la saison prochaine.

On pensait le club en vacances. Comme les enfants, on se disait que le Sporting devait profiter du congé pascal. Au stade, il y avait bien quelques matches, pour rire. Mais sinon, le rideau était tiré.  » Le championnat était terminé dès le premier match des play-offs au Standard « , explique un proche du club.  » On savait que pour les joueurs, le Germinal ou Genk, cela ne signifiait rien.  » L’entraîneur le savait aussi. Il avait placé ses jeunes afin de préparer l’avenir. La défaite à Genk ? Une péripétie (certains parleraient d’un léger heurt) dans ce long chemin de croix de fin de saison. Pas grave, ils étaient déjà hors course. Et puis, patatras…

Le président Abbas Bayat en a eu assez de payer en avance le pécule de vacances… Le mercredi matin, le voilà qu’il déboule dans les vestiaires pour signifier à son entraîneur écossais, jusque-là adulé et loué pour son formidable travail, que la limite avait été franchie. Exit Tommy Craig. Une surprise ? Oui et non.

Non, si on tient compte de son bilan maigrichon. Craig a gagné deux matches sur 19, affichant le troisième plus mauvais bilan des 36 entraîneurs du Sporting, le deuxième plus mauvais des 14 coaches de l’ère Bayat avec 0,5 point par match. Bien loin de la moyenne des Philippe Vande Walle (1,68), Thierry Siquet (1,25) ou Stéphane Demol (1,08) sacrifiés eux aussi sur l’autel des résultats.

Oui, si on regarde le crédit que Craig avait auprès de ses employeurs et surtout le timing de son licenciement. Pourquoi ne pas avoir agi fin janvier lorsque son bilan frisait la catastrophe ? Sans doute parce que Craig avait particulièrement bien choisi ses deux maigrelettes victoires (contre Roulers et Lokeren). Et pourquoi ne pas l’avoir viré avant le début des play-offs ? Pourquoi le faire à deux matches de la fin de ceux-ci alors que le Sporting n’a plus rien à gagner, ni à perdre et que Craig avait finalement répondu aux attentes en lançant des jeunes dans l’optique de la saison prochaine pour voir ce qu’ils avaient dans le ventre ?

 » Je ne ferai pas d’autres commentaires. Je vous renvoie au communiqué de presse « , explique Abbas Bayat au téléphone. Difficile pour lui d’en dire plus. Lui qui a soutenu à bout de bras Craig (c’était son choix !) et qui voit, une nouvelle fois, qu’il s’est trompé en misant sur ce qu’il considérait comme un grand professionnel. Le président devra donc digérer cette déception et reprendre son bâton de pèlerin afin de trouver la perle rare de plus en plus rare.

 » Mais qui va encore vouloir venir à Charleroi ? », se demande Marc Monetti, président de l’Amicale des supporters.  » Le côté instable de la direction joue en défaveur du club.  »

Qui pour succéder à Craig ?

Des noms commencent pourtant à sortir…

Un : Albert Cartier, taillé pour le job.

Deux : Albert Emon, ami des frères Bayat. Oui mais il a déjà fui en courant après avoir visité les installations du club, il y a un an ! Et voudra-t-il quitter un AS Cannes ambitieux de retrouver les sommets français mais qui a raté son opération montée en Ligue 2 et qui végète à la septième place en National ?

Trois : Enzo Scifo, pourtant à chaque fois égratigné par le président dans ses interviews.

Quatre : Jacky Mathijssen, adulé par les supporters, poussé par Mogi Bayat, mais à chaque fois écarté par Abbas.

En attendant, c’est le duo Mario Notaro-Tibor Balog qui gère les affaires courantes. Et si la surprise venait d’un de ces deux là ? Pas de Notaro, promu alors qu’il avait annoncé son départ.  » Il servait un peu de bouche trou « , dit Monetti. Si Notaro est resté plus de 15 ans au Sporting, il le doit certainement à son diplôme qui l’a amené, plus d’une fois, à couvrir auprès de l’Union belge, le T1 non certifié (Vande Walle, Siquet, John Collins et Craig). Aujourd’hui, il en a eu marre d’être balloté entre noyau pro le matin et Espoirs le soir.

Donc, pas Notaro, qui a pourtant postposé son départ de dix jours à la demande de la direction. Mais pourquoi pas Balog ?  » Il faudra me poser la question dans trois semaines « , explique le sympathique hongrois.  » Je sais juste que mon contrat se termine fin mai et que cela ne me dérange pas de retrouver mon rôle de T2.  » En attendant, il a eu deux matches (dont celui du week-end dernier) pour prouver sa valeur.  » Le futur, cela dépend un peu des deux matches. Mais, comme un joueur en test, c’est très difficile de juger la qualité d’un entraîneur sur 180 minutes. En attendant, je suis déjà bien content d’avoir eu la confiance du président. « 

Pourquoi Craig s’est planté ?

Le duo n’aura pourtant pas le temps d’expérimenter.  » Je ne vais pas changer grand-chose de l’équipe de Craig pour qui j’ai un profond respect « , explique Balog.  » Evidemment que chaque entraîneur a sa ligne de conduite mais les grandes lignes demeureront. D’autant plus que Craig était très compétent et un grand monsieur. « 

Mais qu’a-t-il donc manqué à cet Ecossais dont le travail a été loué pendant plus d’un an ? Sans doute une bonne dose de communication. Craig n’a jamais voulu expliquer au grand public sa politique et sa vision du jeu. Devant les médias, il a eu trop souvent peur de son ombre, peur qu’une explication malheureuse se retourne contre lui.

Il lui a également manqué sans doute un peu d’instinct. Grand entraîneur de talent, il n’a pas ajouté à ces qualités celles de meneur d’hommes et de fin tacticien. Si Craig abattait une grande part du boulot la saison passée, John Collins tranchait et sentait davantage les matches. Sur le plan tactique, Craig a déçu. Souvent frileux, ses changements étaient trop tardifs. Comme à Westerlo où le président s’en était plaint. Mathijssen, voire même Siquet et Demol, étaient capables de faire basculer un match en modifiant l’équipe en cours de match. Malheureusement, Craig n’a jamais totalement quitté son costume d’adjoint…

Comment reconquérir public et sponsors ?

Reste donc à préparer la saison prochaine. Outre revoir son noyau, le club doit également panser les plaies d’une saison traumatisante. Et reconquérir un public qui s’est enfui du stade du Pays de Charleroi.

 » Il faut que le club redonne du plaisir aux supporters, qu’il renoue le dialogue avec tous les groupes de supporters « , dit Monetti.  » Sur le fond, on n’est pas très gourmand…  » La direction a déjà fait un premier pas en reconnaissant ses erreurs (une première !). Quant à Mehdi Bayat, qui gère les relations avec les supporters, il a affirmé que sa porte était toujours ouverte. Une délégation de l’Amicale des supporters, bannie, l’a pris au mot et l’a rencontré.  » Je n’ai jamais refusé de les rencontrer « , affirme Mehdi.  » Aujourd’hui, on discute. Pour le bien du club, il faut retrouver la sérénité. On recherche l’apaisement.  »

Ce conflit a terni l’image du RCSC. Et si vous ajoutez cela à des résultats sportifs calamiteux et à la crise économique, vous obtenez des sponsors qui tirent la gueule.  » En terme d’image, les sponsors ne sont pas du tout contents des résultats « , reconnait Mehdi Bayat.  » Mais à Charleroi, le sponsoring est à la fois lié à la visibilité footballistique qu’on leur offre et au business que les sponsors peuvent faire en venant au foot, et cela, quels que soient les résultats. Ceci dit, ce n’est pas un secret : en pleine crise financière, c’est difficile pour tout le monde.  » l

par stéphane vande velde

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