la revanche de D.D.

Le coach du Standard parle sereinement des critiques qu’il a subies, modestement de ses résultats… et discrètement de sa quête de reconnaissance.

Il a été critiqué pour sa philosophie de jeu et ses longs ballons ainsi que pour ses propos. Mais il a tenu bon. Après son éclatante victoire contre Anderlecht (5-1), Dominique D’Onofrio revient sur ses derniers mois à la tête du Standard.

Pourquoi sortir du bois maintenant alors que vous refusez les interviews individuelles depuis votre retour à la tête de l’équipe première ?

Dominique D’Onofrio : Je n’ai jamais été un partisan de l’exposition à outrance. On m’a déjà dit que je devais mieux me vendre. Pour moi, l’important réside dans mon travail au quotidien et dans la gestion du groupe. Les médias font partie du monde du foot mais ce n’est pas ma priorité.

Pourtant, vous étiez beaucoup plus disponible lors de votre premier mandat à Sclessin…

J’ai appris. Quand j’ai commencé mon boulot d’entraîneur au Standard, tous les jours, je donnais les nouvelles aux journalistes. Mais quand nous avons créé une structure avec un directeur de communication, je m’en suis tenu à mon rôle.

Qui vous conseillait de vous faire discret ?

C’était ma volonté. Je ne trouvais pas opportun de m’exprimer. Lors de mon premier mandat, j’ai été beaucoup trop naïf et trop gentil. Par moments, je me suis senti trahi par certains. J’en ai tiré les enseignements.

A la question d’un journaliste radio de savoir si la victoire à Anderlecht allait vous donner du crédit, vous avez ressorti vos performances similaires, lors de votre premier mandat : 1-4 à Anderlecht et 1-5 à Genk. Sentez-vous une obligation de toujours défendre vos résultats ?

Le 1-4 à Anderlecht, c’était grandiose. On oublie qu’à cette époque-là, on avait réalisé de gros résultats. Lors de mon premier mandat, tous les objectifs avaient été atteints : les poules de l’Europa League, le podium puis la place de vice-champion. Il y avait beaucoup plus de positif que de négatif. D’ailleurs, dans la corporation, je suis très respecté.

Avez-vous l’impression que votre bilan pâtit des titres apportés, par la suite, par vos successeurs ?

Oui, c’est certainement le cas. Pendant quatre ans, on a bossé et Michel Preud’homme a pu travailler dans la continuité. Comme Laszlo Bölöni a travaillé dans la continuité de Michel. On oublie que j’ai été sept ans entraîneur au Standard avant la période actuelle : trois comme adjoint et quatre comme T1. Et maintenant, je recommence un nouveau cycle. Alors que je ne m’y attendais pas du tout. Il a fallu sauver ce qui était possible de sauver, la saison passée. J’ai accepté et on est resté sur une très belle campagne européenne.

 » On se focalise beaucoup trop sur le fait que je suis le frère d’untel ou que je n’ai pas joué à un haut niveau « 

Pourquoi avoir accepté l’intérim ?

Je sentais que le club avait besoin d’un électrochoc. Faire venir quelqu’un de l’extérieur aurait été très compliqué. Moi, je connais la maison, les joueurs.

Vous avez hésité ?

Oui car on se pose des questions. Puis à un moment donné, je me suis dit : – Tant pis. Les dirigeants n’avaient, de toute façon, que cette solution-là.

Pourquoi avoir continué et repris la saison alors que les objectifs n’avaient pas été atteints ?

Sur quatre matches, est-ce qu’on pouvait faire mieux ? Et en Coupe d’Europe, est-ce qu’on pouvait faire mieux ? On a effectué un gros travail. On aurait dû atteindre les play-offs 1. Dans les play-offs 2, un ressort s’était cassé. J’ai également introduit quelques jeunes. Avec le recul, je crois qu’on peut dire que cet intérim a été super-positif.

Quand les supporters disent que vous n’avez pas la compétence requise pour le poste, comment réagissez-vous ?

J’ai été entraîneur dans tous les clubs de la province de Liège. J’ai été diplômé à l’âge de 29 ans, j’ai passé la Pro Licence il y a sept ans. Je réponds donc à tous les critères. Certains oublient que j’entraîne depuis 30 ans. J’ai travaillé avec Robert Waseige et Eric Gerets au FC Liège en m’occupant des Espoirs. J’ai entraîné en D3, en Promotion avant d’arriver au Standard. On ne peut pas nier mon parcours. On se focalise beaucoup trop sur le fait que je suis le frère d’untel ou que je n’ai pas joué à un haut niveau. En Italie, des entraîneurs comme Arrigo Sacchi ou Alberto Malesani n’ont pas été des grands joueurs mais on les respecte. Même chose en France avec Rudi Garcia à Lille. En Belgique, on n’a pas cette culture.

Avec les supporters, on a l’impression qu’un fossé s’est creusé depuis l’histoire de la motte de terre…

Si on ne reconnaît pas mon travail, tant pis. Je sais ce que je fais, ce que je peux réaliser. Je me donne à 200 %. Un entraîneur ne fait jamais l’unanimité et moi encore moins. En début de saison, je les ai rencontrés. Ce qu’aucun entraîneur ne fait. J’ai répondu à leurs questions. J’ai écouté, à l’Académie, les principaux leaders pendant plus de deux heures. Même après ce laps de temps, certains n’étaient pas convaincus car ils sont focalisés et conditionnés. Ils gardent leurs préjugés.

Quels préjugés ?

Le fait que je suis le frère de l’autre et que je n’ai pas de grande carrière de joueur. Un ancien joueur qui débute sa carrière d’entraîneur reçoit, en Belgique, plus de considération que quelqu’un qui entraîne depuis sept ans. Ce n’est pas parce qu’on fut un grand joueur qu’on devient un grand entraîneur. Et loin de moi l’idée de dire que je suis un grand entraîneur, hein ! Mais, j’ai une carrière qui mérite le respect.

Certains ont dit que vous sortiez de votre rôle après la grève contre Courtrai. (NDLR : DD avait dit que les supporters étaient bien contents d’avoir pu compter sur quelqu’un qui avait investi 400.000 euros)

Mais Michel a dit la même chose, il est sorti de son rôle et les supporters n’ont jamais rien dit.

Avez-vous pensé jeter le gant face à la contestation ?

Jamais. Le mot démission ne fait pas partie de mon vocabulaire. Quand j’ai pris le poste, je savais qu’au moindre faux pas, les supporters allaient sortir du bois.

Est-ce que cela a joué dans votre hésitation à reprendre du service ?

Bien évidemment. Au départ, ça a joué.

 » Le Standard peut connaître une année sans. Que devraient dire Genk et Bruges ? »

Après deux titres, on peut comprendre le courroux des supporters…

Oui mais à un moment donné, il y a une orientation de club qui doit être respectée. Des joueurs émettaient le désir, de semaines en semaines, de mois en mois, de nous quitter ! Le Standard ne se mettra jamais dans le rouge pour construire une équipe soi-disant compétitive.

On parlait de fin de cycle prévisible. Mais y a-t-il eu une bonne gestion de cette fin de cycle ?

On croyait pouvoir garder certains joueurs un ou deux ans de plus. En football, on ne peut présager de rien. Ce n’était pas prévu que de Camargo s’en aille. Et puis, aurait-on fait mieux avec de Camargo, Mbokani, Jovanovic ? On les a gardés, la saison dernière, pour les supporters. On a perdu 6 millions d’euros en gardant Jovanovic et on a refusé de vendre Marcos à Twente.

Pourtant, dans le futur, il faudra bien améliorer le passage d’un cycle à un autre, en évitant les années de transition ?

Dans le football, parfois, tu es pris au dépourvu. Il faut donc garder son calme quand deux joueurs nous quittent en fin de mercato. Et donner leur chance aux jeunes de l’Académie.

Et l’adage qui dit  » gouverner, c’est prévoir  » ?

En football, dans certaines circonstances, il est impossible à tenir.

Donc impossible de jouer le titre cette saison ?

On n’a jamais parlé de titre. L’objectif du Standard a toujours été le même. Que ce soit à l’époque de Preud’homme, Bölöni ou à la mienne : être européen et rivaliser avec les meilleurs. Pas viser le titre. On n’a pas les moyens de le faire chaque saison. Anderlecht doit viser le titre chaque année car il possède le double de notre budget. Nous pas. On a été européen sept années sur dix, sacré champion deux fois. Alors, on peut connaître une année sans. Que devraient dire Genk et Bruges qui depuis trois, quatre ans éprouvent des difficultés ?

Les joueurs ont partagé leur joie avec vous lors des deux derniers matches. Cela prouve qu’ils croient toujours en vous ?

Pourquoi toujours ? Vous avez douté de cela ? Moi pas. Je n’ai jamais ressenti qu’ils étaient contre moi. Leur geste était spontané. Cela fait plaisir car s’ils sont venus vers moi, c’est qu’ils ont ressenti que les critiques extérieures n’étaient pas justifiées. Eux voient comment je bosse et comment je les protège.

 » On a oublié les prestations de Ramos en Europa League et celles de Mangala en Ligue des Champions « 

Prenons secteur par secteur : l’attaque a pris forme…

Il a fallu trouver la bonne formule.

Et vous refaites le coup de Tchité avec Cyriac ?

Tchité, je l’ai lancé et Cyriac, je l’ai découvert. J’ai visité l’Académie de l’ASEC Abidjan pendant une semaine. Bölöni ne comptait pas trop sur lui mais moi, je connaissais sa valeur. Je n’ai pas hésité une seule seconde à le titulariser après sa blessure. Dans cette position-là et dans le système que je voulais mettre en place, c’était l’attaquant le plus percutant.

Et sa réussite est un peu la vôtre ?

Bien évidemment. Comme celle de Marcos. Il n’y en a pas beaucoup qui le voulaient. Et il a fait carrière. C’est devenu le meilleur back droit de Belgique et c’est moi qui l’ai fait venir.

Par contre, qu’allez-vous faire avec Pieroni ?

On ne pouvait pas passer à côté de cette opportunité. Cela ne nous coûtait pas grand-chose et il nous a déjà fait gagner un match. Par rapport aux autres attaquants, c’est davantage un homme de rectangle. Il faut faire des choix mais il peut être complémentaire avec Cyriac ou Tchité.

A l’instar de Bölöni la saison dernière, avez-vous tiré la sonnette d’alarme lorsque vous avez constaté la jeunesse du groupe ?

Non, je ne me focalise pas là-dessus. J’ai essayé d’analyser les qualités des joueurs en préparation et je savais qu’il s’agissait d’un groupe très jeune. Je connaissais les risques que cela comportait.

En avez-vous fait part à Lucien ?

On en parle mais Lucien n’est pas dupe. Il le savait.

Votre axe défensif est sans doute le point faible de votre équipe ?

Ils sont jeunes et ils feront encore des erreurs. Mais je me souviens qu’Onyewu, quand il est arrivé, commettait aussi des erreurs. On ne lui en a jamais tenu grief et on sait ce qu’il est devenu. Même la défense d’Anderlecht fait des erreurs et pourtant cela fait deux ans qu’ils jouent ensemble.

Ne manque-t-il pas un joueur d’expérience en défense ?

Peut-être mais ces jeunes joueurs ont déjà montré de belles choses. On a oublié les prestations de Ramos en Europa League et celles de Mangala en Ligue des Champions.

Pourtant, vous n’aviez pas trouvé la bonne formule avant les blessures de Mangala et Felipe ?

C’est vrai. Victor Ramos n’était pas à la hauteur. Il gambergeait. J’ai dû trouver une solution et j’ai donné sa chance à Felipe.

Les blessures de Felipe et Mangala ont peut-être abouti à une solution…

Oui mais je n’ai pas changé ma défense, à part le repositionnement de Ciman au centre.

Pocognoli est revenu en grâce après une petite dispute avec vous ?

Suite à sa blessure, j’ai mis Opare qui, dès son premier match, a donné l’assist à Pieroni. Je n’ai jamais eu aucun problème avec Sébastien et je ne sais pas qui s’est focalisé là-dessus. Mon choix ne relevait que du sportif. Je n’ai jamais eu de conflit avec lui.

Pourquoi avoir signifié à Daerden son renvoi dans le noyau B ?

J’ai tout fait pour ce garçon. Je lui ai donné sa chance, je l’ai titularisé, je l’ai soutenu, je lui ai parlé.

Mais il n’était certainement pas plus mauvais que d’autres ?

Il n’était pas tranchant. Et à un moment donné, il faut faire des choix.

Pourquoi avoir attendu la fin du mercato ?

J’ai parlé avec lui, Dufer et Kabamba. Mais à un moment donné, un entraîneur ne peut pas travailler avec 30 joueurs. Si on avait pu le leur dire trois semaines avant, on l’aurait fait mais on ne savait pas que trois nouveaux joueurs allaient arriver le dernier jour. Cependant, ils font toujours partie de l’équipe. Ils sont venus à la présentation officielle, ils sont sur les posters. On les maintient en condition et quand on en aura besoin, on fera appel à eux.

Pourquoi avoir critiqué la mentalité de vos joueurs après Malines ?

J’ai toujours ressenti un esprit positif mais qui n’était pas toujours approprié. Or, il faut être professionnel TOUS les jours. Et dans le chef de certains, ce n’est pas toujours le cas. Il faut donc taper souvent sur le même clou et le message semble être passé.

Que pensez-vous de votre prochain adversaire, Genk ?

Pour moi, Genk est avec Anderlecht, de loin, la meilleure équipe de Belgique. Le noyau y est en place depuis deux ans.

par stéphane vande velde – reporters/hamers

Si on ne reconnaît pas mon travail, tant pis…

Les joueurs voient comment je bosse et comment je les protège.

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