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LA REMONTADA

Impensable il y a encore trois semaines, le maintien mouscronnois est devenu réalité à Courtrai ce dimanche. Porté par un public nombreux, l’Excel aurait-il retrouvé à moins de 15 kilomètres de chez lui le public et l’identité qu’il se cherche depuis des années ?

Pas un seul nuage à l’horizon dans le ciel courtraisien et un thermomètre qui a choisi cet avant-dernier dimanche d’hiver pour opérer sa première mue printanière. Parce que les éléments s’étaient enfin accordés pour octroyer un peu de répit aux Mouscronnois après une saison pour le moins mouvementée, orageuse même par moments, ce déplacement aux allures de jugement dernier se devait avant tout d’être une fête.

Festif avant d’être décisif, tel était un peu le credo des quelque 2000 supporters mouscronnois éparpillés un peu partout dans les tribunes du Stade des Éperons d’Or – seules 900 places avaient été officiellement réservées pour le contingent mouscronnois, impossible donc de savoir le nombre exact de supporters présents à Courtrai – pour s’approprier, chacun à leur façon, un pan de l’histoire de leur club.

 » On ne va pas se mentir, si on est autant aujourd’hui, c’est parce qu’il y en a aussi qui sont avant tout là pour descendre des cannettes « , prévient tout de go Antonin.  » Vous ne sentez pas la guinze qui arrive ?  » La guinze, ou la gueule de bois, c’est selon, les Mouscronnois l’avaient vue venir depuis quelques semaines déjà.

Promis à la D1B pour beaucoup depuis des lustres, le RMP s’est une fois de plus payé la tête de tous ses détracteurs. Contre tout ce que la Belgique du foot compte de leaders d’opinion, mais avec l’aide de Courtraisiens visiblement totalement désintéressés par cette ultime joute, les Hurlus se sont offert leur propre remontada.

Quelques jours après le Barça de LuisEnrique, il y aurait donc le RMP de MirceaRednic.  » Il y a en tout cas une histoire de miracle dans les deux cas « , s’enflamme MichelVerspecht, speaker historique de l’Excelsior. La meilleure preuve, c’est que même les stats de RodrigoBeenkens étaient contre nous. Il paraît qu’aucun club classé dernier à deux journées de la fin et avec un trou de quatre points à boucher sur son plus proche poursuivant n’était parvenu à se sauver, mais Mouscron l’a fait.  »

INDIFFÉRENCE COURTRAISIENNE VS FRÉNÉSIE MOUSCRONNOISE

Les mauvaises langues remercieront l’indifférence courtraisienne, les autres salueront la frénésie mouscronnoise, deux éléments indissociables du scénario cristallin de ce dimanche : limpide et sans suspens sur le terrain, enthousiaste et bruyant en tribune.

 » C’était le but « , rembobine Benjamin, membre – hyper – actif des Hurlus Red Fans.  » On savait qu’en venant ici à 2500, on était capable d’apporter un vrai plus. Faut savoir qu’il y en a quelques-uns ici qui ne dorment pas depuis une semaine dans la perspective de ce match.  »

Les mêmes, sans doute présents depuis 9h30 sur les quais de la gare de Mouscron, près de cinq heures avant le match pour  » souffrir ensemble  » selon les mots du même Benjamin. Lucide sur leur résistance aux houblons, ceux-là n’avaient de toute façon pas prévu d’aller travailler lundi. Une manière de marquer le coup.

 » Comme le fait de venir au stade aujourd’hui « , pour Antonin, 24 ans.  » Cela n’a pas toujours été le cas cette saison et même ces dernières années, qui nous ont par moments dégoûtés de l’Excel. Du coup, certains peuvent nous traiter de footix, mais pour nous, c’était important d’être là aujourd’hui. Comme nos parents étaient ici il y a 21 ans pour fêter la montée. Ce sont des moments rares et celui-ci nous appartient désormais.  »

 » Nous « , ou plus précisément les 18-24 ans, la frange majoritaire des supporters hurlus en 2017. Ceux-là n’ont pas connu ce qu’il convient d’appeler les  » belles années « , mais se revendiquent pourtant pour la plupart de l’Excel, le vrai. Celui des frères Mpenza, d’OlivierBesengez, de DominiqueLemoine, SteveDugardein ou FabienDelbeeke. Et c’est vrai qu’il y avait un peu de cette ferveur perdue dans le centre-ville courtraisien.

Il suffisait, pour s’en rendre compte, d’assister au déploiement des forces de police présentes en masse en gare de Courtrai pour escorter le cortège de la frange la plus agitée des supporters hurlus vers le stade des Éperons d’Or. Policiers en civil planqués aux quatre coins de la gare, périmètre de sécurité et les traditionnels feux de Bengale et autres pétards, cela faisait longtemps que les fanatiques mouscronnois n’avaient plus été pris aussi au sérieux.

IN EXTREMIS POUR LA TROISIÈME FOIS

 » Depuis l’apparition des HurlusRedFans en 2013, c’est la première fois que je vois autant de supporters se mobiliser pour un déplacement « , se réjouit Alain, originaire de Bellegem en Flandre, mais supporter de l’Excel depuis plus de 20 ans.  » J’étais présent avec ma fille de 8 ans il y a 21 ans pour la montée en D1 contre Courtrai. Depuis, on fait pratiquement tous les matches ensemble et je peux vous dire qu’on a connu des jours bien tristes, alors voir autant de gens aujourd’hui, c’est juste magique, même si c’est aussi un peu triste de se dire qu’il faut en arriver là pour voir un tel enthousiasme  »

Là, c’est au bord du gouffre. Une habitude presque pour un club en recherche permanente d’identité, mais qui garde une étonnante constance dans l’art de se faire peur. Pour la troisième fois en autant d’années depuis son retour parmi l’élite en 2014, Mouscron aura ainsi attendu l’ultime journée pour assurer définitivement son maintien.

 » C’est aussi pour ça qu’on aime Mouscron « , rappelle Édouard, 23 ans et présent avec ses cousins au stade en sa qualité de petit fils de Guy Van Oost, architecte du Canonnier.  » On nous reproche de ne pas avoir d’identité, mais on a un club qui a la souffrance inscrite dans son ADN.  »

Pour le reste, il faut bien l’avouer, le génome mouscronnois est parfois bien difficile à décrire. Son maintien assuré, l’Excel devrait rester sous pavillon maltais – Latimer détenant officiellement le club à hauteur de 90 % – pour au moins encore un an. La suite, comme toujours, dépendra essentiellement des résultats sportifs.

 » Rassurez-vous, on n’est plus à ça près « , banalise Jason, 25 ans.  » Que le club soit racheté par des Thaïlandais, des Chinois ou autres, finalement peu importe, tout ce qui compte, c’est de continuer à exister à travers le club. Parce qu’avant d’être un club d’agent, l’Excelsior était l’âme de cette ville. Et ce que j’ai vu ce soir, c’est une ville qui en redemande.  »

D’un coup, le ton se fait plus sérieux. Peut-être bien parce que cela fait déjà un petit temps que la nuit est tombée sur Mouscron, peut-être aussi parce qu’après des heures de guindaille, on réalise tout doucement la portée de ce que cette victoire pourrait représenter pour le club à moyen terme.

 » Ce qu’on a vécu aujourd’hui, à Courtrai, c’est plus fort qu’il y a 21 ans avec l’accession à la D1 « , compare Michel Verspecht.  » Plus qu’une victoire, c’est un club, un blason et un public qui s’est retrouvé ce 12 mars 2017. Ne dites plus jamais qu’il n’y a pas d’identité mouscronnoise !  »

PAR MARTIN GRIMBERGHS – PHOTOS BELGAIMAGE

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