la rapace

A la découverte de la championne du monde d’escalade.

Dans les nations à vocation alpestre, ce petit bout de femme (1.53 m, 45 kg) soulève l’admiration. En Belgique, elle s’est longtemps battue, dans l’anonymat, sans le moindre soutien des instances sportives. Par amour de l’escalade.

A 29 ans, Muriel Sarkany est devenue incontournable. Depuis 1995 et l’Américaine Robin Erbesfield, son idole, nul n’était parvenu à réaliser le doublé Coupe-Championnat du Monde. Numéro un mondial en escalade depuis trois ans, elle a remporté cinq Coupes du Monde mais le titre mondial avait boudé la Bruxelloise jusqu’à l’été dernier. A Chamonix, pendue à sa corde, au terme d’un parcours à couper le souffle, elle a laissé éclater son bonheur.

La Belgique a une championne du monde et laquelle ! Ce titre est éloquent et la ténacité de Muriel Sarkany lui confère une dimension admirable. L’escalade en tant que telle est une jeune discipline. Elle requiert quatre à cinq heures d’entraînement par jour, musculation et escalade proprement dite, sans oublier les déplacements, la nécessité de trouver des personnes qui l’assurent quand elle grimpe et la recherche de sponsors. Longtemps, Muriel Sarkany a été réduite au statut de chômeuse. Elle a remporté sa première victoire internationale en 1992. Ses succès sportifs n’ont pas suffi à lui attirer des sponsors ni l’intérêt des fédérations. Il y a deux ans, elle a donc dû entamer, avec son préparateur physique, Valérie Granzotto, une campagne de communication, qui lui a valu quelques sponsors. A Chamonix, elle a concrétisé un rêve. Grâce à sa volonté, à son talent.

Désormais, nul ne peut ignorer Muriel Sarkany, surtout que l’escalade est inscrite aux Jeux Mondiaux de Duisburg, en 2005. Or, ces Jeux ouvrent la porte aux Jeux Olympiques… Sarkany bénéficie maintenant du statut d’Agent Contractuel Subventionné ; elle est l’une des dix sportives francophones d’élite payées pour s’entraîner. Le COIB la soutient également pour deux ans.  » Ça me permet de vivre, à l’économie, et de grimper, sans plus. Lors de mes déplacements à l’étranger, je recherche les formules les plus économiques, ce qui ne me place pas toujours dans des conditions idéales « . D’autant que tous les obstacles n’ont pas disparu : ainsi, il est difficile de trouver des salles d’escalade d’un niveau suffisant en Belgique. Gérées par des privés, elles s’adressent à des grimpeurs moyens. Pour élargir sa gestuelle, Muriel doit donc s’expatrier. D’autres jeunes Belges sont d’ailleurs confrontés au même problème.

Plus tard l’alpinisme ?

Son doublé ne la sature pas plus que les obstacles rencontrés jusqu’à présent. Sarkany veut être une ambassadrice de son sport. Elle a pratiqué le karaté puis la gymnastique artistique avant de se tourner vers l’escalade :  » J’étais attirée par la nature. Mon sport réunit tout : la diversité des mouvements fait travailler tous les muscles, surtout que les surplombs deviennent carrément horizontaux, dans les grandes épreuves en falaise. Bien sûr, je pratique surtout l’escalade en salle. Les rochers de Thaïlande, à une heure de Bangkok, sont un véritable paradis. Mais je dois être prudente tant que je fais de la compétition : en salle, quand on chute, on tombe dans le vide. En rocher, on peut se blesser sérieusement. D’un autre côté, comme on n’y voit pas les prises, on doit s’adapter, ce qui est intéressant du point de vue tactique « .

De même, l’alpinisme sera, peut-être, pour plus tard :  » Ce n’est pas impossible car j’adore la nature mais je n’ai pas encore de grande course en tête. Ça requiert d’autres dispositions, un autre entraînement très dur : l’assurance y est plus aléatoire, il faut faire face à l’altitude, posséder une très bonne condition, tenir compte de la météo…  »

Muriel Sarkany est une exception, à plus d’un titre. L’escalade est un sport  » propre  » mais certaines concurrentes ne se maintiennent qu’un an ou deux au sommet : certaines souffrent d’anorexie et l’escalade constitue malheureusement un prétexte rêvé à ces jeunes filles pour se priver d’alimentation.  » Ce n’est pas mon cas « , sourit-elle.

Enfin soutenue comme les autres sportifs de haut niveau, elle va entamer une nouvelle saison, qui compte quinze épreuves de Coupe du Monde, soit quinze semaines en déplacement.  » Je dois revoir mes entraînements, privilégier la qualité. Entre deux étapes de coupe, je ne peux pas faire grand-chose. Le niveau général augmente. Je dois compenser mon handicap de taille par une plus grande force physique et de l’explosivité, pour attraper la prise. En 2002, au championnat d’Europe, j’ai été bloquée dans l’ouverture, parce que j’étais trop petite. Cependant, si j’ai dû attendre 2003 pour être championne du monde, c’est parce que j’étais trop nerveuse. A Birmingham comme en Suisse, j’étais trop stressée, je pensais plus au titre qu’à l’escalade. L’expérience, des cours de yoga et de relaxation m’ont aidée. A Chamonix, j’ai pris plaisir à la voie. Parfois, on se retrouve sur un mur qu’on imaginait autrement, il faut s’adapter et arriver en haut, malgré la douleur qui vous vrille les bras, pendant huit à dix minutes « .

Pascale Piérard

Il faut arriver en haut malgré LA DOULEUR QUI VOUS VRILLE LES BRAS

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