La puissance de l’axe

Comment le capitaine des Rouches réussit-il à faire émerger son équipe ?

Samedi, sur une pelouse à la limite de la correction, le Standard a renoué avec le succès face à Lokeren (1-0), après trois partages consécutifs. Coïncidence ou pas, cette victoire fut obtenue dans le schéma qui fit le bonheur des Rouches en début de saison : le 4-4-2. Oublié les trois attaquants ?  » Non, non. Je choisis mon système en fonction de ce que j’ai sous la main et de l’état de forme de mes joueurs « , lâchait Michel Preud’homme à l’issue de la rencontre.

L’entraîneur des Liégeois s’est donc refusé à admettre que le repositionnement de Steven Defour dans l’axe est à l’origine de ce succès. A juste titre d’ailleurs. Contre Lokeren, face à une équipe peu imaginative mais bien regroupée et organisée, le Standard n’a émergé que sur un petit but d’ Igor de Camargo. Contre Malines et à Mouscron, dans un 4-3-3 avec Defour déporté quelque peu sur la gauche, les Liégeois s’étaient procuré davantage d’occasions que face à Lokeren mais ces soirs-là, ils n’avaient pas réussi à battre leur adversaire.

 » C’est un faux débat « , continue Preud’homme,  » Je regarde toujours les solutions dont je dispose. Je sais que j’ai des joueurs qui peuvent jouer à plusieurs places ; d’autres pas. En fonction de cette donne, je place mes pions en me disant toujours que ce joueur-là est pour telle ou telle raison le plus adapté à évoluer à telle ou telle position « .

Quelle place pour Defour ?

Si Defour a été replacé dans l’axe, il le doit aussi à la suspension d’ Axel Witsel. Samedi, Preud’homme avait décidé de placer son capitaine derrière les deux attaquants, à charge pour lui de soutenir un flanc de temps en temps. En première mi-temps, Defour s’est donc souvent déplacé vers la droite pour appuyer Grégory Dufer. En deuxième mi-temps, il a opté pour la gauche (vers Salim Toama dans un premier temps, et Marco Ingrao par la suite).

Et ce n’est pas un hasard si le jeu a chaque fois penché vers le flanc choisi par Defour, devenu le véritable métronome du Standard.  » En début de saison, la meilleure façon de faire mal à l’adversaire était d’utiliser un 3-5-2 avec le trio Witsel- Marouane Fellaini-Defour dans l’axe mais on ne peut pas jouer en 3-5-2 contre tout le monde « , continuait Preud’homme,  » Je sais que Steven préfère évoluer dans l’axe comme je sais qu’il préfère le flanc gauche au droit quand il doit prendre possession d’un flanc. Cependant, je sais aussi qu’il faut toujours rechercher l’équilibre d’une équipe « .

 » Defour n’est pas un ailier gauche, c’est clair « , concède Marc Wilmots,  » On ne le verra jamais déborder mais si on lui demande de lâcher le couloir, de rentrer dans le jeu et de se remettre sur son pied droit, alors là, pas de problème car il apporte quelque chose depuis son flanc « .

Quelle place préfère-t-il ?

Mais qu’en pense le principal intéressé ?

 » J’ai toujours dit à l’entraîneur que je préférais jouer dans l’axe mais il est parfois obligé de me mettre sur un flanc. Pourquoi je me sens plus à l’aise dans l’axe ? Car je joue mon jeu et que je fais ce que je veux. Je suis un élément pour diriger l’équipe et faire tourner le jeu. J’ai l’opportunité de venir de la deuxième ligne et apporter le danger mais je peux aussi passer par les flancs. Contre Lokeren, la décision est venue de là. En apportant le surnombre, Marcos m’a mis une belle balle. Juste un peu longue pour la pousser au fond, mais idéale finalement puisque Igor suivait. Cependant, on ne peut pas affirmer que la victoire contre Lokeren est le fruit d’un schéma tactique par rapport à un autre. Avec le 4-3-3, on se créait beaucoup d’occasions. Finalement, ce qui est râlant, c’est de voir que le Standard doit toujours montrer trois fois plus de bonnes choses que l’adversaire pour le battre. D’autres équipes développent un football nettement moins bon que le nôtre mais arrivent à gagner. Nous, quand on joue un peu moins bien, on perd des plumes.

On manque encore un peu d’expérience en phases défensives. A Gand et à Mons, on s’est fait par exemple rejoindre au score. Mais au Standard, on préfère toujours imposer sa force et ne pas jouer contre-nature. C’est pour cette raison que l’on n’est pas impérial lorsque l’on doit se replier. Moi, j’ai vu récemment Arsenal jouer et j’ai reconnu le football que j’aimais : actions, par le centre, par les flancs, en un temps, deux temps, en cherchant la simplicité. C’est ce style de football que j’aimerais développer. En Belgique, on ne voit pas assez cela. Seul le Standard a disputé quelques bons matches… le Cercle également « .

Remplit-il bien son rôle de capitaine ?

Steven Defour a entamé sa deuxième saison sous la vareuse rouge et blanche. Après une première année réussie, voilà que pointe la fameuse saison de confirmation. Or, pour rajouter une pression supplémentaire, le Malinois a reçu le brassard de capitaine.

 » Il est trop jeune pour le porter « , expliquait il y a quelques mois Wilfried Van Moer, joueur emblématique du Standard auquel Defour a souvent été comparé. Aujourd’hui, Van Moer avoue être bluffé :  » Je me suis trompé. Je sais que c’est une tâche très lourde à assumer et pour le moment, il fait cela très bien. Mais il faut aussi avouer que tout va bien au Standard. Un capitaine se révèle aussi dans des moments plus difficiles. Cependant, on le voit très concerné par sa tâche. Il sert de véritable relais pour Preud’homme. On le perçoit durant les rencontres. A chaque interruption, on voit Preud’homme et Defour dialoguer pour réajuster la tactique « .

 » Beaucoup de personnes ont affirmé que j’étais trop jeune « , se défend Defour,  » Je le comprends très bien car ce brassard va me placer sous pression mais je n’ai aucun problème avec la pression. C’est un groupe jeune mais adulte qui gère très bien les montées d’adrénaline. Ce groupe s’autocontrôle. Le capitaine ne se tient pas au dessus de la mêlée. Je me sens comme un des leaders « .

Un proche du club explique que  » ce statut de capitaine joue beaucoup pour lui « .

 » Il a acquis une certaine présence au sein du vestiaire et la direction a fait tout pour qu’il en soit ainsi. Quand il a fallu négocier les primes, la direction a été plus coulante avec Steven qu’elle ne le fut avec Sergio Conceiçao. Pourquoi ? Car le charisme et la personnalité forte de Sergio étaient tels que s’il revenait de la négociation sans avoir obtenu gain de cause, le vestiaire n’osait rien dire. Dé- sormais, la direction sait qu’elle ne peut pas se permettre de dire non à Defour au risque de le voir fragilisé au sein du vestiaire « .

 » Confier le brassard à quelqu’un d’aussi jeune, cela doit être unique au Standard « , complète Johan Walem,  » C’est la preuve de la confiance que la direction a placée en lui, il y a un an déjà. C’est un signe que le club est également en complète révolution. On ne le souligne pas assez mais quoi qu’on en dise, le club est en constante progression depuis des années « .

 » Laissons à l’entraîneur assumer ses propres choix « , conclut Wilmots,  » Defour est généreux, il se bat et fait le maximum pour l’équipe. C’est donc un exemple. Moi, lorsque j’étais à Saint-Trond, j’avais pris Peter Delorge comme capitaine. Il n’avait que 22 ans mais je trouvais qu’il avait l’aura nécessaire et qu’il collait à la région. Preud’homme a sans doute choisi Defour pour les mêmes raisons. Et puis, vous voyez qui d’autre comme capitaine ? ».

A-t-il progressé ?

Son talent et son adaptation au style liégeois ne font plus aucun doute. Son statut a également évolué. Mais son jeu s’est-il apuré ?

 » Et comment ! « , analyse Walem.  » Pour moi, Defour est clairement l’homme de la situation. Et pourtant, le Standard n’est pas un club facile. Il a fallu digérer son transfert ainsi que la pression inhérente au club. Ce n’est jamais évident. De plus, il a été balayé de gauche à droite. Or, on remarque qu’il a parfaitement digéré cela. A son âge, c’est la preuve d’une grande classe. Cela démontre son caractère et sa maturité. Il peut avoir un impact sur l’équipe quelle que soit sa place. C’est la patte des grands. On sent cependant qu’il préfère le centre car il est très proche des attaquants et qu’il a une très forte complémentarité avec Fellaini. Il ne lui manque plus grand-chose. Juste peut-être un peu d’expérience. Mais en un an, il est devenu le métronome du Standard. Savoir gérer le jeu à son âge : chapeau ! En devenant capitaine, il a aussi acquis davantage de responsabilités et il les assume sans problèmes. Tant sur qu’en dehors des terrains. Le Standard a connu une passe plus difficile avec trois matches nuls d’affilée mais même pendant cette période-là, Defour répondait présent. C’était le seul à évoluer à son niveau « .

D’autres attendent encore davantage du Malinois :  » Je ne dirais pas qu’il a progressé mais qu’il a pris de la maturité « , explique Wilmots.  » Pour moi, être capitaine à son âge, ce n’est pas rien. Pourtant, je trouve qu’il a trop tendance à jouer latéralement et pas assez verticalement. Je veux le voir davantage en zone de finition, actif dans la dernière passe. On attend de lui qu’il anime le jeu en allant vite vers l’avant. C’est comme cela qu’il a percé à Genk. C’est ce qui avait séduit tout le monde à l’époque. Il prenait le ballon et partait en dribbles. Je le vois trop peu agir de la sorte au Standard. Je trouve aussi qu’il donne la pleine mesure de son talent dans un 4-2-3-1 derrière l’attaquant ou à côté du médian défensif dans un autre système car on sait qu’il peut venir de la deuxième ligne et qu’il sait lâcher un bon tir. Mais je le répète, il n’utilise pas assez ces qualités. On le retrouve très peu dans la zone dans laquelle se fait la décision. C’est toujours plus facile de courir vers l’arrière que vers l’avant. Un bon joueur doit toujours être dans la zone chaude. Il doit monter un cran plus haut et devenir un véritable relayeur entre la défense et l’attaque « . Un peu comme contre Lokeren, son dernier match.

par stéphane vande velde -photos: reporters

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