La première interview de Papin

Le match amical qui a opposé les Diables Rouges aux Bleus a rappelé le souvenir de vedettes françaises qui ont beaucoup apporté au football de chez nous. Quand on se remémore l’héritage laissé par des T1 de l’hexagone, comme André Riou (Standard, Mons, Daring, Union), Pierre Sinibaldi (Anderlecht), René Hauss (Standard), entre autres, on regrette que nos clubs songent désormais plus rarement à ces experts. Par contre, le joueur français est dans le vent. En 1985, ce n’était pas le cas quand mon confrère Jacques Sys me signala que le Club Bruges avait déniché un  » nouveau RaoulLambert, un gars rapide doté d’une frappe de mule « . Et cette perle rare évoluait à l’US Valenciennes qui croulait sous les dettes. Je suis parvenu à obtenir son numéro de téléphone privé et c’est un homme de bonne humeur qui nous fixa rendez-vous chez lui, pas loin du stade Nungesser :  » J’ai tout le temps, nous serons plus à l’aise chez moi.  »

Quelques jours plus tard, le futur JPP nous recevait dans son appartement en compagnie de son épouse et de leur bébé. Le jeune couple ne roulait pas sur l’or mais Papin respirait déjà la confiance en soi. A 21 ans, cet Espoir du football français était absolument certain de réussir en Belgique. Il évoqua son passé avant que nous prolongions la conversation dans une pizzeria, à deux pas de son immeuble (photo). Et Papin, gentil et attentif, décortiqua sa façon de vivre le football. Le jeune attaquant était animé par l’optimisme de ses 20 ans. Le monde lui appartenait mais il ne le savait pas encore, nous non plus. Une étoile était sur le point de naître sous nos yeux. Au moment de prendre congé au terme de son premier entretien avec la presse belge, probablement un peu  » court  » avec ses sous, il nous accorda une deuxième exclusivité : l’addition.

Quelques semaines plus tard, la bombe française s’installait pour des années à la  » une  » des médias : héros de la Venise du Nord, vainqueur de la Coupe de Belgique 86, transfert à l’OM, Ballon d’Or 91, AC Milan, Bayern Munich, etc. Ses  » papinades  » ont fait le tour de la planète foot. Personne n’a réalisé autant d’aussi belles et puissantes reprises de volée que lui. J’en ai parlé un jour avec lui à Marseille et, plus tard, à Strasbourg où il était coach. Là, l’homme but quitta le terrain des conversations habituelles pour évoquer sa fille Emily, atteinte de lésions cérébrales, et  » Neuf de coeur « , l’association qui aide les parents aux prises avec les mêmes problèmes. L’inconnu que nous avions rencontré en 1985 a partagé sa renommée avec des personnes désemparées : n’est-ce pas la plus belle de ses victoires ?

PAR PIERRE BILIC

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