La perfection au quotidien

Il n’aime pas cette place d’arrière droit que lui a confiée Georges Leekens, mais c’est là qu’il est devenu titulaire en D1 et en équipe nationale Espoirs

Si la catégorie existait en Belgique, Guillaume Gillet formerait sans doute, avec Marouane Fellaini et Axel Witsel qui ont débuté en équipe Première au Standard, le trio de nominés au titre de Rookie de l’Année au sens qu’on lui donne aux Etats-Unis. A savoir, le joueur qui dispute sa première saison parmi l’élite. Originaire de Visé, c’est surtout au FC Liège qu’il a été formé avant d’exploser la saison dernière à l’AS Eupen, où beaucoup d’observateurs le considéraient comme le meilleur joueur de D2. Il était, à l’époque, un joueur offensif et créatif, mais c’est comme arrière droit qu’il a conquis ses galons de titulaire en D1 à La Gantoise et en équipe nationale Espoirs. En ce mois de juin, il participera à l’Euro des -21 ans. Il en a pourtant déjà 23, depuis le 9 mars, et si les Diablotins de Jean-François de Sart se qualifiaient pour les Jeux Olympiques de Pékin en 2008, il pourrait encore y participer. Le règlement est décidément bien curieux.

Au pied du Perron liégeois, Gillet est revenu sur les traces de son passé en compagnie de deux entraîneurs qui l’ont marqué : Dominique Renson, qui l’a coaché pendant… neuf ans dans différentes catégories d’âge au FC Liège, et Marc Grosjean, sous les ordres duquel il a explosé à l’AS Eupen.

Vous attendiez-vous à ce que Guillaume explose cette saison ?

Grosjean : Compte tenu de son talent, Guillaume était appelé à évoluer un jour parmi l’élite, mais je ne m’attendais pas à ce qu’il s’y impose après une seule année à l’AS Eupen. Cela témoigne de sa progression. La saison dernière, je lui avais confié un rôle central et assez libre, qui lui a permis de s’exprimer pleinement. Il fut la véritable révélation : il a inscrit 16 buts en surgissant de la deuxième ligne et a aussi été convoqué en équipe nationale Espoirs comme seul joueur de D2, avec Alessandro Cordaro, ce qui a attiré l’attention sur lui. Après cette formidable saison, la moitié des clubs de D1 l’ont contacté. En optant pour La Gantoise, il n’a pas choisi la facilité, mais le choix s’est révélé payant.

Renson : J’ai entraîné Guillaume depuis les Préminimes jusqu’à l’équipe Première, au FC Liège. Au moment où il était Junior, Marc Grosjean était l’entraîneur de l’équipe Première et avait déjà un £il sur lui. Parmi tous les bons jeunes joueurs du FC Liège, Guillaume était l’un de ceux qui étaient susceptibles d’atteindre un jour la D1. Son point faible était le… travail défensif. Nous en avons discuté à trois : Guillaume, Marc et moi. Et un déclic s’est produit. Guillaume a reçu toute sa formation comme centre-avant et il alignait les buts avec une facilité déconcertante. Il était l’un des plus petits de l’équipe, mais se débrouillait très bien de la tête. Il jouait aussi indifféremment du pied droit et du pied gauche. Il est ensuite devenu n°10, puis milieu de terrain, et lorsqu’il a compris l’utilité d’un travail défensif, il a acquis un énorme volume de jeu.

De là à le voir exploser à l’arrière droit ?

Grosjean : Ce fut une surprise totale. On prétend que les bons joueurs doivent être capables d’évoluer à toutes les places, mais Guillaume comme arrière latéral ? Je ne m’y attendais pas du tout. Pour tout avouer, je n’ai pas très bien compris. Je me suis même dit : – Leekensvaletuer ! Je continue à trouver curieux de voir Guillaume à l’arrière droit, mais je me rappelle que Georges Grün était aussi un centre-avant au départ. Guillaume a une excellente relance, et lorsqu’il monte, il apporte un plus. Il ne maîtrise pas encore le vrai geste défensif, comme les vrais arrières, mais il progresse constamment. Et le jour où il remontera d’un cran, il aura de meilleurs gestes défensifs tout en ayant conservé ses qualités offensives. Mais remontera-t-il un jour ? Car tout le monde le connaît comme arrière droit. C’est le poste où il est en train de faire son trou.

Quelles sont ses qualités ?

Renson : La mentalité, l’approche du métier. Arriver en D1, c’est une chose. Y rester, c’est autre chose. Guillaume a aussi eu la chance d’intégrer l’équipe gantoise au moment où elle s’est mise à tourner. A moins que ce soit Leekens qui a eu l’intelligence de le lancer au moment propice ? Si Guillaume avait joué les premiers matches de championnat, lorsque les Buffalos se sont pris des casquettes , il aurait peut-être été brûlé.

Grosjean : A côté de ses qualités footballistiques, Guillaume a une autre énorme qualité, c’est qu’il est motivé par le travail. Lorsqu’il a un objectif en tête, il se donne les moyens d’y arriver. Dans ce cas-ci, son objectif, c’était de jouer en D1. Et je suis certain que La Gantoise ne sera qu’une étape dans sa carrière. Il écoute, il est très disponible. Pour tout entraîneur, c’est un plaisir de travailler avec lui.

Guillaume a déjà 23 ans…

Renson : Il y a énormément de bons jeunes joueurs en Belgique, à tous les niveaux, mais il faut leur donner une chance. La chance de Guillaume, paradoxalement, fut la relégation de Liège en D3, il y a quatre ans. On a alors reconstruit une équipe avec les jeunes… dont Guillaume faisait partie. Le fait de jouer en D3 à 18 ans lui a beaucoup appris. Vous me direz qu’à cet âge-là, Axel Witsel évolue déjà en D1, mais pour Guillaume c’était déjà une étape.

Grosjean : Recevoir une chance en D1, c’est souvent une question d’opportunité. Il faut tomber sur un entraîneur ou un dirigeant qui est prêt à vous faire confiance et qui est convaincu de vos qualités. A l’époque où j’étais l’entraîneur de l’Antwerp, j’étais prêt à faire venir Guillaume. Mais mon contrat n’a pas été prolongé. Guillaume a finalement explosé à l’AS Eupen. Le fait d’être resté longtemps en D2 et en D3 n’a pas été totalement négatif : cela lui a aussi permis de mener de front le football et ses études de licencié en éducation physique. S’il avait rejoint la D1 plus tôt, il aurait sans doute dû choisir.

Son avenir ?

Grosjean : Moi, je le verrais bien dans la position d’un Karel Geraerts, comme n°6 relativement offensif, capable d’avoir une belle activité mais aussi de surgir de la deuxième ligne, en ayant le jeu devant lui. Ses facultés d’infiltration, conjuguées à la maîtrise défensive qu’il a acquise, en feraient un joueur redoutable. L’idole de Guillaume, c’est Michael Ballack, et ce n’est pas un hasard. C’est un joueur qui inscrit beaucoup de buts et qui est capable de créer, mais qui décroche, puis repart. Guillaume inscrirait aussi beaucoup de buts dans cette position, car grâce à sa formation de centre-avant, il possède ce don que l’on peut difficilement enseigner : l’art de se retrouver au bon endroit, au bon moment, dans le rectangle. Il possède aussi un jeu de tête au-dessus de la moyenne et a bien évolué au niveau collectif. Il a un bon niveau technique, il sait dribbler, il sait garder un ballon mais il sait aussi jouer en une touche.

Renson : En fait, Guillaume a progressé à chaque étape. Au fur et à mesure qu’il changeait de catégorie, mais aussi qu’il changeait de position au sein de l’équipe. En passant chez les Juniors, alors qu’il était aux portes de l’équipe Première du FC Liège, il a aussi beaucoup progressé au niveau mental. Lorsqu’il était plus jeune, on voyait directement quand il n’était pas bien dans sa tête : il ne jouait plus, il râlait dans son coin et était totalement hors du match. Depuis lors, il s’est bonifié à 200 %.

par daniel devos – photos: reporters/gys

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