La passion anglaise

Le modeste gardien belge se bat pour le maintien en Premier League.

Flash-back: on est fin janvier et quelques heures après le match Birmingham-Manchester United (0-1), Nico Vaesen (33 ans, l’ex-gardien d’Alost) raconte le fil de la rencontre.

Une heure et demie avant le coup d’envoi, le manager Steve Bruce lui avait signalé qu’il serait dans le goal au coup d’envoi. Réaction étonnée de Vaesen, auquel Bruce avait dit quelques jours plus tôt vouloir le mettre au repos, pour le préparer aux matches à enjeu. Jusque-là, il avait fait confiance à Ian Bennet. Mais voilà, contre Bolton, concurrent direct pour le maintien, Bennet avait commis des erreurs sur les quatre buts encaissés par son équipe.

Ainsi, Nico Vaesen pénétra le tunnel d’Old Trafford en compagnie des vedettes des Red Devils.

« Soudain, j’entends parler néerlandais derrière moi, je me retourne et je vois Ruud van Nistelrooy expliquer à un des ses équipiers : – Sure he speaks Dutch, he’s Belgian.. Cela m’a un peu effrayé, qu’il tienne compte de ça. On a un peu parlé, mais la deuxième fois qu’il mit le nez dans mes parages, la balle était au fond des filets! »

Avant la saison, tu avais dit que ce serait une âpre lutte pour le maintien. Cela semble se vérifier…

Nico Vaesen : Avant la Noël, nous nous sentions bien. Notre manière de jouer avec beaucoup d’engagement et de détermination nous réussissait plutôt bien. Mais tous les néo-promus se retrouvent bien mal lotis lorsque surviennent blessures et suspensions. Surtout au niveau de notre défense. A Manchester, un jeune de 17 ans dut être titularisé au back gauche… Mais je ne m’attendais pas à ce que nous nous trouvions plus haut à cette époque-ci de l’année. Au début de saison cela allait: après deux matches de rodage, nous avions atteint le tempo de la D1 et avions aligné une belle série de matches.

Qu’avez-vous appris en six mois de Premier League ?

Qu’il ne faut perdre sa concentration à aucun moment. Le rythme est tellement élevé et chaque semaine vous affrontez des footballeurs exceptionnels. Dans chaque club, il y a au moins une vedette. En First Division (D2 anglaise), il y a moyen de s’en tirer si on fait une erreur mais pas en Premier League. Avec Dugarry

Qu’ont les autres équipes de plus que Birmingham ?

L’expérience à ce niveau. A quelques rares exceptions, la plupart des joueurs chez nous n’ont pas d’expérience de la D1. L’entraîneur a voulu résoudre cela pendant le mercato, car en comparaison avec la saison dernière, il y a dix nouveaux joueurs dont Christophe Dugarry est le plus connu.

Combien de joueurs ayant forgé la promotion du club sont-ils encore titulaires ?

Au début de la saison, nous étions encore nombreux. Les principales recrues étaient des milieux de terrain: Aruna Cissé, Robbie Savage et l’attaquant Clinton Morisson. Contre Manchester, il ne restait plus que le back droit, un médian et moi-même. Chaque club procède ainsi. Si l’équipe se maintient de nouveaux transferts seront réalisés. Ce n’est pas pour rien que le championnat s’appelle Premier League.

Peut-être achèteront-ils aussi un nouveau gardien?

Tôt ou tard ce sera le cas, mais je n’ai pas vraiment été critiqué jusqu’ici. Seul le coup franc contre Arsenal en match d’ouverture me reste en travers de la gorge. Pour le reste, l’entraîneur n’a eu qu’à se féliciter de mes prestations mais à mon âge je dois accepter qu’on pense à la relève. Cela ne me fait pas peur. Les noyaux sont tellement étoffés qu’il ne faut jamais se sentir trop sûr de sa place, mais pas non plus désespérer.

Es-tu étonné par le niveau que tu atteins ici alors que la moitié de la Belgique ignore même ton nom.

Le simple fait de venir aux Iles fut enrichissant. Ici, j’ai appris à mieux me connaître et j’ai bien fait de quitter la Belgique. En tout anonymat, j’ai pu démarrer à zéro et construire pas à pas. Je suis avant tout devenu plus calme, aussi dans l’aspect préparation d’une rencontre. Avant je voulais toujours en faire trop. Maintenant j’accepte que quelque chose ne se déroule pas comme prévu. Chaque match que je peux disputer en Premier League est un enrichissement. J’ai passé le cap des 25 rencontres, atteignant un niveau qui ne fut jamais le mien en Belgique. Je n’aurais jamais imaginé cela. Mon avantage est d’avoir pu grandir avec le club. Cela va tout seul si tu évolues dans un climat serein et respectueux. Lorsque Steve Bruce arriva ici au poste de manager, je savais que c’était bon signe. J’avais déjà travaillé sous ses ordres à Huddersfield et il avait également essayé de m’emmener avec lui à Crystal Palace. Bruce, c’est une référence : pendant presque dix ans, sous Ferguson, il fut titulaire et longtemps capitaine à Manchester United.

Etes-vous respecté ?

Oui. Dans un journal de portée nationale, j’étais coté à la 27e place sur 320 joueurs professionnels après le premier tour. Le simple fait d’être chaque semaine sur le terrain, à ce niveau, est fantastique. Lorsque l’entraîneur décida de me laisser au repos quelques semaines, les gens se posaient des questions à propos de cette décision. Des adversaires réputés viennent de temps à autre me féliciter après le match. Sur le terrain, aucun grand joueur ne se comporte comme une diva.Face à Thierry Henry

Quel joueur vous a posé le plus de problèmes ?

Thierry Henry. Après un corner en notre faveur, il avait reçu le ballon et six secondes plus tard il était devant moi. J’estime qu’il est l’attaquant européen le plus complet. Il est non seulement techniquement doué, il est très fort balle au pied, hyper rapide et plein de sang-froid devant le but. Teddy Sheringham (Tottenham) aussi est impressionnant, la balle lui colle aux pieds. Contre nous il a eu un rôle prédominant, tu remarques son niveau au moindre détail, à la qualité de ses centres qui arrivent toujours au bon endroit avec de l’effet.

Les Gunners m’ont fait la plus grosse impression. Dans l’ensemble, ils sont meilleurs que Manchester United. Leur sortie de défense est plus rapide, leur manière de percer une défense est impressionnante. Manchester n’a su mettre aucun joueur seul devant moi lors de notre dernière confrontation, Arsenal oui. Arsenal sera champion.

Et Birmingham se maintiendra ?

Comparés à Bolton et West Bromwich, nous avons davantage de qualités. Notre grande générosité doit nous y aider. Nous avons dépensé beaucoup d’énergie au premier tour, au Nouvel An nous étions fatigués physiquement et mentalement. Beaucoup d’équipes craignent le déplacement à Birmingham parce que nous sommes une équipe difficile à manoeuvrer, où chacun met tout son coeur, mais ces dernières semaines cela ne nous réussit pas trop. J’espère qu’on se maintiendra, mon contrat court jusqu’à la fin de la saison prochaine et j’aimerais bien rester un an de plus à Birmingham.

Geert Foutré, envoyé spécial en Angleterre

Après le match, les stars le félicitent: « Well done, Nico! »

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