La passation des pouvoirs

L’entraîneur-adjoint explique pourquoi le Racing n’a pas pu confirmer son titre de champion.

Le match de vendredi, entre le RC Genk et le Club Brugeois, s’assimilait à une passation de pouvoirs. Et il le fut de façon bien plus criante qu’on pouvait l’imaginer. 0-3, score acquis après 45 minutes à peine avec une facilité affligeante: les Flandriens ont démontré clairement qui étaient les nouveaux maîtres du football belge. Voici un an, l’entraîneur adjoint des Limbourgeois, Jos Daerden nous avait expliqué, avec la franchise qui le caractérise, pourquoi son club avait remporté le titre. Cette fois, il nous détaille les raisons pour lesquelles il ne sera plus champion, ni même probablement européen.

Cette saison doit-elle être assimilée à un échec pour Genk ou l’équipe est-elle tout simplement rentrée dans le rang d’une manière logique?

JosDaerden: La saison dernière fut exceptionnelle, c’est évident. Nous avions probablement évolué au-dessus de notre niveau réel. Nous étions engagés dans une spirale positive, et les succès s’étaient accumulés, pratiquement sans que l’on s’en rende compte. Rien n’était obligatoire, et les joueurs fixaient sans cesse la barre un peu plus haut. Cette saison, c’est différent. Nous évoluons peut-être légèrement en deçà de notre niveau. Le petit brin de chance n’est plus là, et les autres équipes nous attendent avec les honneurs dus au champion.

D’emblée, la saison avait mal commencé, avec une défaite 2-3 face à Lokeren, une équipe dont on ignorait encore qu’elle avait devenir la révélation du championnat…

A l’époque, notre niveau de jeu était encore acceptable. Et cela nous était arrivé la saison dernière aussi d’être menés sur notre terrain. Mais, voici un an, nous parvenions toujours à renverser la situation en notre faveur. Ce n’était plus le cas cette saison. Le plus curieux, c’est que tout le monde avait prédit que la Ligue des Champions nous coûterait des points, mais c’est… après en avoir terminé avec nos obligations européennes que nous avons commencé à réellement décliner.

Les conséquences d’une décompression?

Probablement, oui. Le problème se situait surtout au niveau mental, car sur le plan physique, les tests effectués à cette période de l’année étaient meilleurs que précédemment.Un choix entre qualité et quantité

Qu’avez-vous appris dans cette Ligue des Champions?

Qu’avec notre style de jeu, et à l’exception de 45 minutes de flottement au stade Santiago Bernabeu, nous étions capables d’offrir une réplique très valable à des équipes comme l’AEK Athènes, le Real Madrid et l’AS Rome. Mais aussi que nous devions être à 100% pour espérer l’emporter, tant en championnat qu’à l’échelle européenne.

Votre noyau était-il trop réduit pour jouer sur les deux tableaux?

A un moment donné, il a fallu faire un choix entre la qualité et la quantité. La saison dernière, nous avions 14 joueurs réellement opérationnels en D1 et nous avions eu la chance d’avoir très peu de blessés et de suspendus. Cette saison, nous avons décidé d’étoffer notre noyau. Avec les conséquences, positives et négatives, que cela implique. L’alternance entre les matches européens et les matches de championnat était un phénomène totalement neuf pour notre équipe. Le plus difficile, je crois, fut de se dire qu’après la Ligue des Champions, il fallait aller jouer à La Louvière, à Beveren ou à Lommel.

Le titre n’était pas une obligation. De là à louper l’Europe…

Effectivement, notre bulletin est insuffisant. Avec le statut de quatrième « grand » du championnat que nous ambitionnons, nous devrions être européens quatre années sur cinq. Nous pouvons nous permettre un échec sur un lustre, mais pas plus. On a parlé de mauvais transferts. Je ne suis pas d’accord. Notre style de jeu fait en sorte que les joueurs sont fort exposés aux erreurs: nous ne jouons pas la sécurité, nous prenons des risques. De ce point de vue, rien n’a changé. Relisez les commentaires de Sport/ FootMagazine: voici un an, on insistait sur le fait que notre système était parfaitement reconnaissable, que les joueurs connaissaient leur rôle sur le bout des doigts et que nous ne nous adaptions jamais à l’adversaire. Ces qualités seraient-elles subitement devenues des défauts? Simplement, nous ne dominons plus autant notre sujet. Et la pression que nous exerçons sur l’adversaire est moindre. Par conséquent, nos défenseurs sont davantage mis à l’ouvrage.

On prétend qu’il est très difficile de jouer comme défenseur à Genk…

Oui, car notre défense joue très haut. Regardez la mésaventure qui est survenue au Lierse lors de son déplacement à Beveren. Emilio Ferrera avait demandé à ses défenseurs d’évoluer 15 mètres plus haut que de coutume et ils ont encaissé un 7-1. Avec Genk, nous évoluons toujours 15 mètres plus haut. Je ne veux pas sous-estimer les mérites du Lierse, qui possède l’une des meilleures défenses du championnat, mais il est plus facile pour un défenseur d’évoluer au Lierse qu’à Genk.

Que demande-t-on à un défenseur de Genk?

Beaucoup. Un défenseur de Genk évolue en zone, loin devant son gardien, et est souvent amené à faire des choix: couvrir ou avancer pour tendre le piège du hors-jeu? Prendre tel ou tel joueur en charge? Il doit aussi apporter sa contribution aux offensives, réduire les espaces et être fort de la tête. Cela explique que l’adaptation de Soley et de Tomasic n’ait pas toujours été aisée.Wesley Sonck a confirmé

Wesley Sonck devait aussi confirmer après avoir trusté toutes les récompenses individuelles la saison dernière: meilleur buteur du championnat, Footballeur Professionnel de l’Année, Soulier d’Or…

Il ne s’est pas mal débrouillé, je trouve, même s’il éprouve logiquement le besoin de souffler après une période fort chargée. Et puis, son avenir est toujours incertain: il continue à rêver de l’étranger mais constate que le marché s’est écroulé. Cela joue aussi dans sa tête. Personne ne nie qu’il n’est plus aussi transcendant qu’il y a douze mois, mais j’estime personnellement qu’il a largement confirmé. Il a répondu correctement à toutes les questions que l’on se posait à son égard. On se demandait s’il n’allait pas devenir un nouveau Gilles De Bilde, c’est non. On se demandait s’il trouverait encore aussi facilement le chemin des filets, qui est actuellement en tête du classement des buteurs? On se demandait s’il avait le niveau de la Ligue des Champions, je pense qu’il l’a prouvé. On se demandait s’il s’imposerait en équipe nationale, il s’affirme de plus en plus. Il manque simplement un peu de fraîcheur, pour l’instant. Et cela se traduit par de légères blessures. Entre janvier et aujourd’hui, il ne s’est pratiquement pas entraîné pendant un mois.

Moumouni Dagano a également éprouvé des difficultés…

Il a souffert d’une crise de malaria, cela peut expliquer certaines choses.

Josip Skoko, une autre pièce-maîtresse, a aussi alterné les hauts et les bas…

Comme beaucoup de joueurs de Genk. Dans une période où l’équipe tourne moins bien, il est intéressant de voir qui continue à remplir son rôle. C’est une bonne échelle barométrique, pour nous les entraîneurs, car elle indique les joueurs sur lesquels on peut compter tout au long de la saison. Ceux qui obtiennent un 6 ont satisfait à leur tâche. C’est le seuil en dessous duquel on ne peut pas descendre. Je parle d’une note que nous-mêmes leur attribuons, pas des cotations des journalistes: elle se base sur le jeu de position, sur les missions spécifiques qui ont été menées à bien. La saison dernière, beaucoup de joueurs obtenaient régulièrement un 8. Cette saison, rares furent ceux qui dépassaient les 6. La « liste des présences » est aussi significative. Cette saison, c’était souvent: x matches joués, suivis de x matches loupés pour blessure.

Acheter en fonction des départs

Point positif: malgré des résultats décevants, le public continue à affluer en masse et le football reste une fête à Genk.

Tout à fait. Et nous devons tout mettre en oeuvre pour satisfaire ces gens au cours des derniers matches à domicile qu’il nous reste, cette saison. Contre Bruges, ils ont été déçus. Nous devons encore accueillir le Lierse et St-Trond. Ce ne sera pas facile non plus.

St-Trond est mieux classé que Genk: vexant pour un club qui se veut la fierté du Limbourg?

St-Trond réalise une très belle saison, concrétisée par son accession en finale de la Coupe de Belgique. Les Canaris confirment les belles dispositions qu’ils avaient déjà laissé entrevoir l’a passé. Mais nous devons d’abord regarder dans notre propre assiette.

Comment réagit la direction aux errements actuels?

Elle est déçue, comme tout le monde. Sef Vergoossen et moi, nous le sommes également.

Comment faudra-t-il reconstruire l’équipe pour la saison prochaine?

Attendons d’abord de voir qui partira. Beaucoup de bruits circulent au sujet d’un départ éventuel de Wesley Sonck, mais aucune offre concrète n’est parvenue au club. S’il devait partir, nous ne serons pas pris au dépourvu. Nous avons visionné suffisamment de successeurs potentiels. Mais nous n’actionnerons pas la machine avant que son départ soit effectif.

Daniel Devos

« Les tests physiques sont meilleurs que l’an passé »

« Oui, la Ligue des Champions nous a coûté des points, mais seulement lorsqu’elle était terminée »

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