LA PART DU LYON

Pierre Bilic

L’OL fonce irrésistiblement vers son cinquième titre consécutif.

Malgré une défaite de dernière minute face contre Lille, sa bête noire (1-3), qui l’a privé de son brevet d’invincibilité cette saison en L1, Lyon domine largement le football français.

Ce club s’est également qualifié avec maestria pour la suite des opérations en Ligue des Champions où sa montée en puissance, tant sportive que financière, commence à inquiéter les géants du football continental. Ce n’est en tout cas pas un feu d’artifice sans lendemain. Cette progression a été imaginée, planifiée et mise en application par un grand président : Jean-Michel Aulas.

A seulement 53 ans, il peut se targuer d’avoir identifié son club à sa région. Aulas y puise des revenus considérables via le merchandising et tout un système de licences qui permet à de petites sociétés (taxis, coiffeurs, restaurants, etc) d’utiliser les armoiries du club : le tout est ajouté aux droits de télévision et offre aux Gones un budget de 115 millions d’euros. Pourtant, l’été avait été un peu inquiétant. Paul Le Guen avait déposé son tablier de coach afin de prendre un peu de recul et de repos après avoir conquis trois écussons de champion de France. Les succès sportifs avaient attiré le regard de Chelsea, tombé fou amoureux de Michaël Essien.

Lyon fit mine de freiner des quatre fers comme si ce médian défensif était sa seule pierre angulaire. Les Londoniens mirent le paquet : 38 millions d’euros et un contrat de cinq ans pour le joueur. D’aucuns estimèrent que Lyon gagnait à la roulette russe mais que cela ne lui permettrait pas de remettre du charbon dans la chaudière. Les incrédules se trompaient sur toute la ligne. Le tender était bien plein. Aulas avait tout prévu, jouait aux échecs, anticipait, plaçait ses tours, protégeait son roi : ce n’est pas demain qu’on le mettra échec et mat.

Tiago a fait oublier Essien

En plus d’un magot, le président lyonnais revint d’Angleterre avec un joueur : Tiago. Le Portugais n’avait pas totalement trouvé ses marques à Chelsea. Cet ancien stratège de Braga et de Benfica était à la recherche d’une relance. L’Olympique Lyonnais est sa nouvelle médaille d’or. Michaël Essien était jugé inestimable, irremplaçable, surtout à la récupération. Tiago ne se mit pas martel en tête. Et cela l’aida dans sa mission. Le Portugais a tout de suite offert plus de technique, plus de football, plus de jeu à son équipe. Son intelligence et sa simplicité lui ont permis d’effacer rapidement le souvenir d’Essien : c’est un exploit. On imagine ce que cela peut donner quand on dispose déjà de Juninho et de Mahamadou Diarra dans ce secteur.

La défense est un bastion tranquille depuis quelques années. Devant Grégory Coupet, le capitaine Claudio Caçapa et Cris veillent au grain dans l’axe. L’attaque était parfois jugée un peu légère malgré la présence de Sylvain Wiltord. Lyon frappa fort afin de réaliser deux coups : JohnCarew et Fred. Le Norvégien amena sa taille (1m95, 26 ans), sa présence aérienne, son sens du but, son métier acquis à Välerenga, Rosenborg, Séville, AS Roma et Besiktas. Lyon avait besoin de ce point de repère afin d’augmenter la puissance et l’efficacité de son arsenal offensif. Fred était destiné à une saison de transition mais l’espoir brésilien de Cruzeiro a déjà justifié les espoirs placés en lui. Lyon n’achète pas que sur les grands marchés internationaux. Cette saison est aussi celle de la percée d’une jeune promesse du football français : Hatem Ben Arfa, 18 ans. Lyon l’a recruté en 2002 alors qu’il n’avait que 15 ans. Cet ado d’une famille d’origine tunisienne provient de la région parisienne. Il avait usé ses premières godasses à Montrouge et Versailles avant de se retrouver à l’INF (Institut national du football français) de Clairefontaine. Là, sa charge de travail augmenta considérablement et cela lui fit grand bien. Son père, un ancien ailier droit, ne précipita rien quand de grands clubs s’intéressèrent au gamin. Les enchères montèrent et Lyon rafla la mise. Hatem Ben Arfa est parfois comparé à Zinedine Zidane.

Il a le temps pour lui et, en attendant, un homme a lié la sauce : Gérard Houllier. Au milieu des années 80, il avait été cité à Anderlecht après s’être révélé à Lens. Les Mauves doivent encore se mordre les doigts : ils hésitèrent car Houllier n’était pas encore connu. Quand on jette un regard sur sa carte de visite d’entraîneur (Le Touquet, N£ux-les-Mines, Lens, PSG, équipe nationale, Liverpool), il y a de quoi nourrir des regrets. Avec lui, Lyon joue plus haut, exerce un gros pressing sur le porteur du ballon, prend les événements en main, assume pleinement ses responsabilités. L’équipe est plus offensive et présente sur tous les tableaux. Son discours de clubman passe bien dans le groupe où l’ambition n’est pas un vain mot.

La référence madrilène

 » Je veux tout gagner : le championnat, la Coupe de France, la Ligue des Champions et la Coupe du Monde par-dessus le marché « , a déclaré Grégory Coupet, le gardien de but de Lyon. Il estime ne pas être dans le rêve ou dans le virtuel en raisonnant de la sorte. Cet homme ambitieux ajoute tout de suite que cela passe par un énorme travail au quotidien. Gérard Houllier a immédiatement exprimé son respect à l’égard du groupe. Les Lyonnais ont apprécié l’attitude d’un coach s’étant couvert de gloire à Liverpool. Houllier a son style, ne tourne pas autour du pot, dit ce qu’il a sur le c£ur. Ses leçons de théorie n’ennuient jamais les joueurs. Il trouve les approches, les anecdotes, les discours qui captent l’attention.  » Houllier m’a déjà marqué pour la vie « , prétend Grégory Coupet. Cette phrase en dit long sur l’estime dont l’entraîneur jouit auprès de ses troupes.

La référence reste bien sûr le match de légende signé en Ligue des Champions face au Real Madrid : 3-0. Lyon grignota jusqu’aux derniers petits os de la carcasse et écrasa le Groupe F de la première phase de la Ligue des Champions. La suite, ce sera le double duel contre le PSV en quarts de finale avant que tous les regards lyonnais se tournent petit à petit vers la finale de la Reine des Coupes qui aura lieu au Stade de France le 17 mai prochain. Lyon ajoute le sel et le poivre européens à un menu national que certains estiment trop fade pour la capitale de la cuisine française. De là à imaginer que la L1 est trop petite pour ce club, il n’y a qu’un pas qui a déjà été franchi par pas mal d’observateurs.

Les Gones sont en train de se tailler la part du Lyon. S’ils continuent de la sorte, les hommes de Jean-Michel Aulas et de Gérard Houllier rejoindront Reims, Saint-Etienne et Marseille dans la légende du football français même si Grégory Coupet a déclaré à L’Equipe :  » On ne cherche pas ça. Chacun de ces clubs a marqué son époque. Lyon est probablement en train de marquer la sienne. Mais les comparaisons sont délicates. Laissons à l’histoire le temps de se faire et d’établir éventuellement ces comparaisons « .

PIERRE BILIC

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