La part du Lion

Eddy Casteels jette son regard sur le championnat de basket qui s’ouvre ce vendredi.

La Lotto Arena d’Anvers a porté chance à nos sélections représentatives : les équipes nationales de basket et de volley se sont qualifiées pour l’EURO 2011. In situ, nous avons demandé à Eddy Casteels, le coach des Belgian Lions (et celui des Antwerp Giants), comment il voyait la nouvelle compétition.

Un mois après l’exploit, comment vous sentez-vous ?

EddyCasteels : Sur le moment, j’étais ému, j’avais du mal à parler. Je n’étais pas le seul. Toute la salle était conquise. Il y a cinq ans, l’équipe nationale avait perdu tout crédit. Toute une série de joueurs de l’ancienne génération avaient raccroché, et la relève se faisait attendre. A l’entraînement, il y avait 11 joueurs… qui n’évoluaient pas tous en D1. Aujourd’hui, tout le monde répond à l’appel. Même ceux qui n’ont pas été sélectionnés tiennent à encourager leurs copains. On a eu la chance de pouvoir compter sur un joueur comme Axel Hervelle qui, même lorsqu’il était titulaire au Real Madrid, ne s’est jamais comporté comme une star et a entraîné les autres dans son sillage. Il s’est érigé en vrai leader, et aussi longtemps que je serai à la tête de l’équipe nationale, il le restera. Et le public s’est identifié à cette équipe. Pour arriver à ce résultat, il a fallu consentir beaucoup de sacrifices, mais les joueurs m’ont suivi. C’est pour cela aussi que j’étais ému.

La décision de la FIBA, de repêcher la plupart des pays éliminés, dont la Pologne, la Bulgarie et la Géorgie, a-t-elle terni cette joie ?

Je regarde dans mon assiette, pas dans celle des autres. Je n’ai aucun contrôle sur les décisions de la FIBA et je ne veux pas perdre mon énergie à les contester. Je regrette la décision de la FIBA, mais ce que je veux retenir, c’est que nous avons atteint notre objectif sans l’aide de personne. Notre qualification, nous l’avons méritée sur le terrain.

 » Ostende en favori et Charleroi en outsider « 

A-t-il été difficile de vous replonger dans la vie de votre club, Anvers…

Non. Mon métier est aussi ma passion. Il y a un an, j’étais rentré du dernier match de l’équipe nationale, en Ukraine, un dimanche à 22 heures. Le lendemain, à 5 heures, je devais me lever pour partir en stage avec Anvers, à Vittel. Je suis parti avec plaisir. Cette année, on a fêté la qualification à domicile. C’était d’autant plus facile d’enchaîner…

Par rapport à la saison dernière, vous avez perdu un élément-clef : Christophe Beghin, double joueur de l’année…

Christophe avait envie de continuer à Anvers. Mais il n’était pas maître de son destin. Je n’en veux pas à Charleroi, qui avait le droit de le récupérer puisqu’il était toujours sous contrat avec les Spirous, et surtout pas à Eric Somme, car il a accompli un geste fabuleux durant la campagne de qualification : c’est peut-être la première fois, dans l’histoire du basket, qu’un président de club décide de privilégier les intérêts de l’équipe nationale. Alors que Christophe souffrait de la cheville, Somme a accepté de le laisser à la disposition des Belgian Lions. Il aurait très bien pu dire : – Stop, onarrêtelesfrais ! Pour Anvers, le départ de Beghin est une lourde perte. Dans son rôle, il est irremplaçable, il était quasiment  » notre  » Hervelle. En principe, sans lui, on doit s’attendre à vivre une saison de transition. Mais je suis relativement optimiste. On a livré de belles prestations durant la période de préparation, alors qu’on a joué certains matches sans Timothy Black, sans Graham Brown, sans notre nouveau pivot qui n’était pas encore arrivé (NDLR : Salah Mejri, un Tunisien de 2m16). Je sens que le groupe est animé d’une bonne mentalité, l’ambiance est excellente. Et j’aime relever ce genre de défi.

Vous ouvrirez le bal du nouveau championnat, puisque vous jouerez dès vendredi à Liège. Vous attendez-vous à être applaudi ?

Je n’aime pas ces honneurs. Je préfère que l’on félicite les joueurs, ce sont eux qui ont réalisé le boulot. Je travaille pour mon équipe, Dario Gjergja pour la sienne. Je lui souhaite de confirmer la première saison fabuleuse qu’il a réalisée, mais je me déplacerai à Liège pour gagner.

Est-ce une saison comme toutes les autres qui va démarrer ou vous attendez-vous malgré tout à certains changements ?

Il y a encore beaucoup de points d’interrogation. C’est difficile, par exemple, de se prononcer sur les réelles capacités de Liège, dont l’effectif a été grandement remodelé. Mons était, la saison dernière, considéré comme un candidat au titre mais avait déçu. Cette saison, on attend moins de l’Union, mais cette équipe – où Arik Shivek a cette fois pu choisir ses joueurs – n’en sera peut-être que plus dangereuse. En ce qui concerne les deux grands traditionnels, j’aurais tendance à inverser les rôles. Je placerais Ostende comme favori et Charleroi comme outsider. Cette impression se base surtout sur la présence de Marcus Faison, dont j’ai pu apprécier l’impact en équipe nationale : le naturalisé est un leader, un gagneur, qui transmet sa force mentale à tous ses partenaires. Certains affirment qu’il manque à Ostende un point d’ancrage dans la raquette, un véritable pivot que Will Thomas ne serait pas. Mais l’an passé, les Côtiers possédaient ce véritable pivot, un géant d’un niveau européen : Vladan Vukosavljevic. Après trois mois, il était dehors. Le temps des pivots statiques est révolu. Aujourd’hui, il faut pouvoir courir et sauter, même lorsqu’on mesure 2m10. Les centimètres ne suffisent plus.

Charleroi davantage dans le rôle de l’outsider, donc ?

Au tournoi de Vittel, qu’ils ont remporté face à Nancy, Strasbourg et… Anvers, les Spirous ont été impressionnants. Sobre, intelligents et… brillants. Les trois nouvelles recrues, Joseph Gomis, Demond Mallet et Brian Greene, m’ont beaucoup plu. Si Charleroi est épargné par les blessures, ce sera une belle machine également. L’une des difficultés, lorsqu’on juge Charleroi et Ostende, c’est qu’on sait avec quels joueurs ils vont commencer le championnat mais pas avec lesquels ils vont le terminer. Ces deux clubs apportent souvent l’une ou l’autre retouche en cours de compétition, qui se révèle décisive. La saison dernière, Ostende était hésitant durant le premier tour et dominant durant le deuxième, mais avait loupé ses playoffs. Dans le money-time, Charleroi fait souvent parler son expérience et a un banc plus fourni. Or, c’est dans les playoffs que le titre se gagne.

 » Le championnat, c’est autre chose « 

Le succès de l’équipe nationale peut-il rejaillir sur les clubs ?

Les Belgian Lions et le championnat de Belgique, ce sont deux choses totalement différentes. Le succès de l’équipe nationale ne changera rien au mode de pensée et de fonctionnement des dirigeants, qui continuent à recruter outre-Atlantique. Mais les joueurs belges doivent s’inspirer du succès de l’équipe nationale pour repousser leurs limites. Le jour où ils se retrouveront n°2 ou n°3 à leur poste, derrière un ou deux joueurs américains, ils devront se persuader qu’en travaillant, ils peuvent avoir voix au chapitre, eux aussi. Au départ, les Belgian Lions n’étaient pas respectés. Ce respect, ils ont fini par le gagner. Cela ne sert à rien de se plaindre dans les journaux parce qu’on ne reçoit pas assez de temps de jeu. Ces minutes, on les gagne par son travail, sa mentalité et ses prestations.

Un premier pas a été accompli dans la bonne direction : il faudra, désormais, inscrire les noms de cinq joueurs belges sur la feuille de match. Cela changera-t-il quelque chose ?

Cette mesure a déjà produit un effet, mais pas celui que j’aurais souhaité. Je suis persuadé que, sans cette nouvelle réglementation, Beghin jouerait toujours à Anvers. Si les Spirous l’ont récupéré, c’est parce qu’ils avaient besoin de bons joueurs belges. Cette mesure a aussi produit un autre effet : elle a ravivé l’intérêt pour les naturalisés. Pourquoi Charleroi a-t-il cherché à engager Ralph Biggs ? Pourquoi André Riddick a-t-il pu resigner pour une saison supplémentaire ? Pourquoi Ostende est-il si heureux d’avoir pu engager Faison ? Mais cette mesure changera-t-elle quelque chose à la volonté des clubs de former des jeunes joueurs belges ? J’ai mes doutes. On aborde là une question sensible. Peu de nouveaux noms apparaissent. Jadis, Pepinster avait formé trois joueurs belges dignes de la D1 : Axel Hervelle, Guy Muya et Sacha Massot. Le mérite en revient à Niksa Bavcevic. Mais aujourd’hui, faute de moyens sans doute, l’école des jeunes a vécu. Ostende avait, jadis, formé Dimitri Lauwers, Gerrit Major et d’autres encore dans son Ajax School. Mais, depuis le départ de Mark Vanmoerkerke, ce n’est plus pareil. La Siemens School actuelle est encore loin d’avoir le même rendement.

Et le championnat des Espoirs que l’on va relancer ?

Une bonne initiative prise par la Ligue. C’est intéressant pour le recrutement, on va regrouper les meilleures jeunes dans une même compétition. Mais j’entends déjà les réactions des petits clubs :  » on va encore venir nous piquer nos jeunes !  » C’est une réaction typiquement belge.

Que pensez-vous de l’initiative prise par Gand depuis un an, de jouer avec dix joueurs belges et deux Américains ?

Qu’elle a fait long feu. Cette saison, les joueurs belges ne seront déjà plus au nombre de dix. Même le coach n’est plus belge.

 » Pourquoi pas une North Sea League ? « 

Encore une saison avec neuf équipes, malheureusement…

Pour quelle raison ne parvient-on pas à trouver au minimum une dixième équipe ? Que l’on ne trouve pas, en D2, d’autres clubs ayant les reins assez solides pour risquer l’ascension, passe encore. Mais il faut se montrer créatif. Chaque année, la perspective d’accepter une équipe luxembourgeoise revient sur le tapis, mais l’idée ne se concrétise jamais. On évoque aussi régulièrement l’idée d’une Bénéligue. Lorsque je vois les difficultés dans lesquelles les clubs néerlandais sont empêtrés, je me demande pourquoi elle ne voit pas le jour. Je ne serais même pas opposé à une North Sea League, avec des clubs britanniques, pourquoi pas ? Ailleurs, on a la Baltic League (avec les pays baltes et même, je pense, certains clubs scandinaves) et l’Adriatic League (avec les pays de l’ex-Yougoslavie).

Sur ces neuf équipes belges, six disputeront une coupe européenne puisque Mons a reçu une wild card. Est-ce une bonne chose ?

Certaines équipes belges, dont Anvers, devront passer par un tour préliminaire, mais effectivement : des matches européens en semaine, c’est une bonne chose. Les joueurs acquièrent de l’expérience. Et au lieu de s’entraîner toute la semaine pour affronter le week-end une équipe belge que l’on croise pour la troisième fois, on joue des matches contre des équipes méconnues, on voyage, on voit d’autres têtes. Pour un coach, c’est aussi plus agréable de vivre au rythme des coupes européennes. Lorsque celles-ci s’arrêtent, on dispose généralement d’une période d’un ou deux mois durant laquelle on prépare l’équipe pour les playoffs… où les joueurs retrouvent le rythme européen. Pour revenir sur la wild card de Mons : à quoi bon fournir tant d’efforts pour se qualifier, il suffit de poser sa candidature et l’on est accepté ! Les dirigeants du basket européen aiment bien venir en Belgique : ils sont bien accueillis, ils mangent bien, se retrouvent dans des salles très confortables et peu de gros incidents sont à déplorer. L’organisation est souvent impeccable. On ne va pas s’en plaindre.

Par Daniel Devos – Photos: Belga

Dans le money-time, Charleroi fait souvent parler son expérience.

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