« La paix plutôt que la guerre »

Charleroi-La Louvière: un match particulier pour le préparateur physique qui fait l’unanimité.

Le derby Charleroi-La Louvière aura une saveur particulière pour Michel Bertinchamps. Il mettra aux prises ses deux clubs. Des entités où il a travaillé. Etiqueté Zèbre, l’un des préparateurs physiques les plus connus du Royaume s’est offert une infidélité en rejoignant les Loups. Pour peu de temps.

Amené par Marc Grosjean, il n’a pas survécu à la défenestration de celui-ci. Les choses ayant bougé au Mambourg, Bertinchamps eut la possibilité de réintégrer ses pénates. Si les deux villes font partie du Hainaut, n’allez surtout pas dire à un Louviérois qu’il habite le Pays Noir. Il le vit très mal, lui qui séjourne dans le Centre! Parfois, 25 kilomètres, c’est le bout du monde. Ce, et y compris, concernant les mentalités.

En vivant les faits de l’extérieur, comment avez-vous ressenti la démission de Daniel Leclercq?

Michel Bertinchamps: Il m’est forcément difficile de parler de cela puisque son arrivée avait précipité mon départ. D’après ce qu’il me disait à l’époque, jamais dans sa carrière il n’avait eu recours à un préparateur physique spécifique. Il estimait être à même de dispenser ses entraînements en incluant des concepts relatifs au fond. Il ne m’a pas viré. Cependant, le temps avançait, tandis que mes responsabilités s’amenuisaient. Se résumant à fort peu de choses. J’en arrivais à jouer les utilités. Guère valorisant. Ne m’amusant plus, je suis parti. D’un coté, j’ai trouvé cela regrettable car j’étais heureux de ma collaboration avec Marc Grosjean. Fier de la confiance qu’il m’a témoignée. Par ailleurs, ce crochet m’a permis de me rendre compte de ce que j’avais perdu avec le Sporting.

Dans un premier temps, il faut croire que le raisonnement de Daniel Leclercq avait du bon puisque les performances immédiates assurèrent le maintien.

Sa prise en main a, soi-disant, constitué un coup de fouet. J’en suis encore au stade de me poser des questions. Je crois davantage qu’une énergie particulière s’est créée au sein d’un groupe acculé. Obligé de forcer un résultat. Plutôt que par la grâce d’une optique différente de celle appliquée par Grosjean.

Après Marc Grosjean, précisément, ce groupe a eu la tête d’un deuxième entraîneur? Si maintenant, les Loups se mettent à gagner, ce sera scandaleux, non?

Bien sûr. Cela ne m’étonnerait pas que le phénomène se reproduise. Ces garçons auraient déjà dû fournir l’effort nécessaire sous l’ère Grosjean. Ils en étaient capables. On l’a vu par la suite. Je pense que le vestiaire abrite une ou deux pommes pourries. Vous savez comment ça va. De mauvais fruits contaminent vite l’ensemble du panier. La Louvière a besoin de véritables locomotives. Pas de gens qui font semblant.

Que voulez-vous dire?

On a parfois affaire à des personnes qui parlent bien. Se vendant adroitement. Jouissant d’une cote appréciable auprès des journalistes. Lors de la phase des transferts, les décideurs se montrent attentifs au palmarès. Aux qualités techniques. Au potentiel physique. A tout ce qui concerne le maniement du ballon. Bien entendu que c’est important. Je ne suis pas fou. Je ne vais pas prétendre le contraire. Toutefois, je regrette que l’on néglige l’aspect humain. Sans une mentalité propre, une saine détermination, une volonté de bien boulonner, toutes les autres qualités s’annulent.

Vous visez quelqu’un en particulier?

Je sais à qui je fais allusion. Ne comptez pas sur moi. Je n’étalerai aucun nom sur la place publique. Rétablir l’harmonie au sein du vestiaire louviérois est du ressort de la direction.

Les manitous carolos ont saisi l’urgence de bâtir un état d’esprit. Un grand nettoyage a précisément eu lieu au Sporting. La saison dernière, la mentalité semblait détestable avec en point d’orgue la pantomime d’Alost et la débâcle face à St-Trond.

Identique à ce que nous vivons présentement à La Louvière. Le tout est de s’en rendre compte. A temps! Charleroi a eu le mérite et le courage d’assainir. Dès que des joueurs tiennent avant tout à jouer leur carte personnelle, il faut s’en séparer. N’ont leur place que ceux allant dans le sens du club. En enrôlant des renforts tels que Herreman et Lendvai, la direction a visé juste. Voilà précisément des meneurs au sens noble du terme.

Vous semblez attaché au Sporting. Pourquoi l’avoir quitté alors?

Impossible de m’entendre avec Manu Ferrera. Lui, l’entraîneur, s’attribuait le rôle de président, de trésorier et que sais-je encore. De surcroît, il changeait d’avis aussi facilement que de chemise. Il voulait que je sois actif à temps plein, mais il ne m’offrait aucune garantie. Alors que je m’attendais à discuter de cela avec un membre du comité, Ferrera s’est amené en grand patron. La discussion a tourné court. Ce n’était pas le plus grave, cependant. Il souhaitait me faire travailler en opposition avec des méthodes scientifiques. Je ne l’ai pas accepté. Impossible de renier un enseignement universitaire, tout de même! J’ai beaucoup réfléchi. Parce que j’étais déchiré à l’idée d’abandonner « mon » Sporting. En cette période, j’ai rencontré Marc Grosjean. Il a su me convaincre.

Lors de votre passage au Tivoli, quelles grandes différences avez-vous notées entre les deux clubs?

Charleroi jouit de bases davantage professionnelles. La Louvière ressemble à une entité sortie subitement de Promotion. Absence d’espaces, de personnel, d’infrastructures même si je constate une évolution positive avec la construction d’un terrain synthétique. Je tiens toutefois à préciser combien les gens travaillant là-bas sont courageux, attachants. Je n’ai qu’à me louer de mes relations avec ceux qui entretenaient les terrains, nettoyaient les équipements, veillaient à l’acheminement des repas, etc.

Quelque part, vous accréditez les critiques formulées par Jean-Claude Verbist?

Non, non! Pas jusque-là. Ce débat ne me regarde pas. Je retiens juste que Jean-Claude Verbist était un grand bosseur, totalement dévoué à la cause du club. Par contre, impossible d’ignorer l’apport du président Gaone. Malheureux que ce duo ait explosé.

Par contre, Filippo Gaone et Enzo Scifo se sont réconciliés. Cela doit vous faire plaisir.

Assurément. Plus sain. Plus convivial. Nous sommes voisins. C’est bête de se disputer. Au contraire, il faudrait collaborer. Le foot wallon en a besoin.

Restez-vous supporter des Loups?

Sans hésiter, oui. A l’exception de deux duels par an évidemment. Un raisonnement identique vaut à l’égard de Mouscron. Vous savez, les Flamands font montre d’une solidarité que nous n’affichons qu’en de trop rares occasions. Au Nord, ils s’entraident davantage. Se montrent ouverts à diverses synergies. A des formes de collaboration. Nous beaucoup moins. Pourtant, la présence de phalanges compétitives dans le Sud ouvre des perspectives. Notamment au niveau du public. Les derbies constituent des rendez-vous importants. Et il y a aussi les perspectives d’emploi.

Justement, de quelle manière avez-vous procédé pour réintégrer l’écurie carolo?

Lors des cours que je dispense à l’école du Heysel, j’avais Enzo Scifo comme élève. Forcément, entre les leçons, nous parlions. De tout, de rien. Du Sporting. Me sachant au repos, il a évoqué la possibilité d’un retour. J’étais favorable. Toutefois, j’ai émis des conditions. Sur des points que je ne vous révélerai pas. Nous avons mis les faits à plat sur la table. Ce fut une entrevue entre adultes désireux de réaliser un plan fiable. Les conventions s’appliquent sous la tutelle d’une équipe dirigeante ambitieuse ainsi qu’attentive au suivi médical.

Vos schémas de travail présentent-ils des particularités?

Il n’y a ni secret ni recette miracle. D’abord, je suis des formations continues. Ainsi, j’emmagasine les dernières découvertes. Le travail au quotidien est source de savoir. Chaque jour, j’apprends quelque chose de neuf. J’écoute. Je suis attentif aux moindres détails. Les doléances des joueurs permettent d’avancer, de se remettre continuellement en question.

Daniel Renard

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