La nouvelle generación

Gonzalo Higuain, Sergio Ramos et Fernando Gago incarnent le futur.

Le Real Madrid a remporté son 30e titre, il y a 15 jours. Pendant la saison, il a fait peau neuve. Les Galactiques ont progressivement cédé le relais à des jeunes loups que l’on découvre. Deux d’entre eux (Higuain et Gago) sont arrivés durant le mercato hivernal, en provenance de Buenos Aires.

Gonzalo Higuain : 20 ans, attaquant argentin

L’attaquant Gonzalo Higuain n’a pas encore 20 ans (il est né 10 décembre 1987). Il est originaire de River Plate et a vu le jour à Brest… à l’époque où son père défendait les couleurs du club breton. La France tenta en vain de le convaincre de porter le maillot des Bleus. Au Real, il a souvent évolué comme flanc droit, vu la concurrence en attaque. Mais il s’est adapté et a même inscrit le but décisif face à l’Espanyol : celui du 4-3, après que les Madrilènes eurent été menés 1-3.

GonzaloHiguain : Je suis très heureux : j’ai remporté le titre au terme de mes six premiers mois en Europe, alors que je suis encore très jeune. Il y a quelques semaines encore, j’aurais eu du mal à imaginer une issue aussi favorable. Il s’est passé des événements incroyables durant cette Liga. Aucune équipe n’a réussi à se détacher. On aurait pu le faire si l’on n’avait pas perdu autant de points à domicile, mais finalement, tout s’est bien terminé. On s’est souvent senti plus à l’aise à l’extérieur. Peut-être parce que la pression était moins forte, peut-être aussi parce que notre style de jeu était mieux adapté au football que l’on pratique en déplacement.

Au fil de la saison, le Real s’est métamorphosé…

Lorsqu’on a commencé à signer des résultats plus probants, on s’est mis en tête qu’on pouvait remporter le titre. La motivation à l’entraînement a aussi débouché sur une amélioration du collectif. En constatant que les équipes qui trônaient en tête ne faisaient pas preuve d’une grande régularité, on s’est persuadé qu’en restant constant, on pouvait les rattraper.

Y a-t-il eu un moment clef ?

Je crois que le match au Camp Nou a provoqué un déclic. On a mené trois fois, pour finalement être rejoint à 3-3, mais on a pris conscience que l’on pouvait devenir un rival sérieux pour le Barça. En sentant notre souffle dans leur dos, les Catalans ont peut-être perdu confiance, alors que de notre côté, cette confiance n’a cessé de croître.

En ce qui vous concerne, les critiques ont souvent été positives sur votre manière de jouer, mais on est resté sur notre faim en ce qui concerne les buts…

Il est clair que je n’ai pas marqué autant de buts que je l’aurais souhaité, mais je me suis bien adapté, de même que mon compatriote Fernando Gago, qui a vécu la même situation que moi. On n’a pas eu beaucoup de temps pour se préparer. A peine débarqués, nous avons dû jouer. Un peu plus de temps n’aurait pas été superflu.

Vous avez joué aux côtés de Ruud van Nistelrooy, un finisseur hors pair. Comment avez-vous vécu cette expérience ?

Elle fut très enrichissante, mais pas seulement avec lui. Ce fut le cas avec tous les grands joueurs qui peuplent le Real. Il n’y a pratiquement que des internationaux dans cette équipe, et c’est un privilège d’être aussi bien entouré. Ce club est un monstre, une bête impressionnante. Je n’ai pas d’autres mots pour le décrire.

Comment voyez-vous votre avenir en blanc ?

J’ai encore un contrat pour six saisons et je suis très serein face à cette perspective. Je demande simplement un peu de patience. Si je m’entraîne bien, le reste suivra.

Et l’équipe nationale ?

J’aimerais beaucoup participer aux Jeux Olympiques de Pékin, afin de défendre le titre conquis en 2004 à Athènes. J’aimerais aussi revêtir le maillot de l’équipe A. J’ai été heureux d’apprendre que le sélectionneur national, Alfio Basile, m’avait à l’£il.

Vous auriez pu jouer pour l’équipe de France, n’est-ce pas ?

Oui. Raymond Domenech a pris contact avec mon père, qui lui a expliqué que mon souhait avait toujours été de défendre les couleurs de l’Argentine, même si je suis né dans l’Hexagone.

La ville de Madrid vous plaît-elle ?

Je poursuivrai l’exploration de Madrid après les vacances. Pour l’instant, je veux profiter de mon retour à Buenos Aires, et des moments passés avec les amis. Ma première impression de Madrid est celle d’une ville très semblable à Buenos Aires, mais plus tranquille. Une bonne partie de ma famille m’a accompagné, mais mon frère est resté en Argentine : il joue toujours à Nueva Chicago. J’espère qu’il pourra également venir en Espagne. Il a eu des offres de la Real Sociedad.

La nostalgie vous étreint-elle lorsque vous songez à River Plate ?

Les clubs sont des étapes dans la vie d’un footballeur. J’ai conservé beaucoup d’amis à River Plate. C’est une équipe où il reste beaucoup de bons joueurs. Certains d’entre eux traverseront probablement l’Atlantique, eux aussi, pour venir jouer en Europe.

Savez-vous que deux factions de la barra brava (les Ultras) de River Plate se sont disputées pour obtenir une partie de l’argent de votre transfert ?

J’essaie de ne pas intervenir dans ce genre d’affaire. J’ai bien sûr été au courant des événements, mais je ne suis rien y faire. Ce qui s’est passé est regrettable.

Sergio Ramos : 21 ans, défenseur espagnol

Sergio Ramos, lui, est Espagnol. Comme Fernando Gago, il vient de fêter ses 21 ans : le 30 mars. Arrivé du FC Séville en 2005, il s’est d’emblée imposé dans la défense centrale du Real Madrid et fut l’un des joueurs les plus réguliers, cette saison.

Sergio Ramos : J’avais quitté le FC Séville pour remporter des trophées et cela ne s’est pas concrétisé tout de suite, mais j’ai appris beaucoup durant ces deux années au Real. Même dans les moments difficiles, on peut retenir des choses positives. J’ai toujours su que, pour renverser le cours des événements, il fallait lutter, se rebeller, ne pas accepter la défaite. Pour remporter le titre, il fallait surtout redevenir humble. L’humilité est un facteur important si l’on veut disputer chaque rencontre comme s’il s’agissait d’une finale.

La perspective d’une nouvelle saison blanche était bien présente : le Bayern Munich vous a éliminé de la Ligue des Champions, le Betis Séville de la Coupe du Roi…

Pourtant, dans un cas comme dans l’autre, on n’était pas inférieur, mais on sait que de nombreux facteurs peuvent influencer le résultat. C’est surtout l’élimination de la Ligue des Champions qui m’a fait mal, car c’est le genre d’épreuve pour laquelle tout le monde se passionne. Sur le terrain, on le ressent clairement. Mais la chance n’était pas à nos côtés, face au Bayern. En Allemagne, on m’a annulé un but dans les dernières minutes de jeu, pour une prétendue faute de main. J’admets que la main a touché le ballon, mais elle n’était pas volontaire.

Depuis lors, vous êtes monté en puissance.

Je suis reconnaissant à l’entraîneur qui me fait confiance, mais je ne me considère pas comme un titulaire indiscutable. Je ne peux jamais me relâcher car je sais que des équipiers sont à l’affût de la moindre baisse de régime pour prendre ma place.

Vous pensez au jeune Miguel Torres ?

Entre autres, mais tant mieux pour lui s’il a réussi à se faire une place au soleil. Cela signifie que je dois rester sur mes gardes. Si je m’endors sur mes lauriers, avec la concurrence qui règne au Real Madrid, je me retrouverai vite sur le banc.

Quelle impression vous a laissé Fabio Capello ?

C’est un grand entraîneur, il est capable de vous apprendre quelque chose tous les jours. Je suis très attentif à ses consignes, qu’elles me soient prodiguées sur le terrain lors d’un entraînement, ou à l’hôtel lors d’une mise au vert. Ce sont des paroles d’un homme d’expérience, qui doivent me servir à progresser.

L’entraîneur italien n’a pourtant pas été épargné par les critiques.

Les supporters du Real Madrid sont très exigeants, c’est d’ailleurs pour cela qu’ils constituent le meilleur public du monde. Mon avis, c’est que le palmarès de Fabio Capello est si étendu qu’on ne peut mettre ses compétences en doute. Je suis très fier qu’un entraîneur aussi prestigieux me fasse confiance.

Il utilise aussi votre polyvalence…

J’ai, effectivement, été utilisé comme défenseur central et comme arrière latéral. Cela ne me dérange pas : pour un footballeur, l’essentiel est de jouer, et j’ai la chance de le faire dans un club aussi prestigieux que le Real Madrid. En équipe nationale, en revanche, j’ai joué uniquement comme arrière latéral car Luis Aragonés estime que j’y suis plus utile à l’équipe.

Le public du stade Santiago Bernabeu rugit quand vous vous portez à l’attaque…

Je choisis mes moments pour monter. Lorsque je joue comme défenseur central, je monte moins, sauf en fin de match lorsque le résultat nous est défavorable. Par contre, lorsque j’évolue comme arrière latéral, j’ai plus de liberté pour monter et arpenter mon flanc.

Par contre, personne ne s’enthousiasme lorsque Fabio Cannavaro intervient. Il ne semble pas jouir des faveurs du public…

Je ne vois pas les choses de cette manière. Cannavaro est un grand joueur et je considère comme un privilège de l’avoir comme compagnon. Cannavaro mérite le respect pour tout ce qu’il a réussi durant sa carrière professionnelle. A l’heure actuelle, je ne pense pas qu’il existe un défenseur qui possède un palmarès comme le sien en Europe : il a été élu Joueur FIFA de l’année, a reçu le Ballon d’Or, a gagné le Coupe du Monde… Il peut m’apprendre beaucoup, en matière de positionnement par exemple. Son jeu de position est impeccable, et j’ai tout intérêt à m’en inspirer.

Quel joueur attirait votre attention lorsque vous étiez petit et que vous regardiez un match de l’équipe nationale à la télévision ?

Mon attention n’était pas focalisée sur les défenseurs, plutôt sur les joueurs qui inscrivaient des buts. J’appréciais beaucoup les buts et les actions de Raul, qui est aujourd’hui mon capitaine au Real Madrid. Lorsqu’on est gamin, on ne prête guère attention aux gestes défensifs. Mais, si je dois citer un joueur, je citerais Fernando Hierro, qui a marqué son époque en équipe nationale.

Fernando Gago : 21 ans, médian argentin

Arrivé en même temps que Higuain, mais de Boca Juniors (le club rival de River Plate en Argentine), le milieu de terrain Fernando Gago (21 ans depuis le 10 avril) est l’autre jeune Argentin sur lequel compte le Real pour l’avenir. Ambitieux, gagneur et doté d’une forte personnalité, Gago est un footballeur qui ne tremble pas.

Fernando Gago : C’est ainsi depuis que je suis tout petit. J’ai une mentalité de vainqueur et j’aime prendre mes responsabilités. Avec Boca Juniors et l’équipe nationale argentine, j’ai déjà gagné de nombreux trophées. J’apprécie d’être un protagoniste des grands événements. Mais je ne suis pas arrivé comme le sauveur, j’avais seulement l’ambition de travailler pour l’équipe et de donner le meilleur de moi-même.

Jouer au Real Madrid, c’était un rêve ?

En effet. Aujourd’hui, je découvre le club de l’intérieur. C’est une institution incroyable. Il faut profiter de ces moments-là, lorsqu’on a la chance de les vivre. La saison n’a pas été facile. On a perdu beaucoup de points à domicile, pour des raisons que je ne m’explique pas. Toutes ces contre-performances ont failli nous être fatales. Lorsque je me suis rendu à la Plaza de Cibeles pour célébrer le titre, j’ai réalisé un autre rêve. C’est un endroit magique, chargé d’histoire pour le club qui y a fêté la conquête de tant de trophées.

Fabio Capello a-t-il su tirer la quintessence de son groupe ?

Il a, en tout cas, su persuader chacun de mettre ses qualités individuelles au service de l’équipe. Une action individuelle peut permettre de gagner un match, mais pour remporter un championnat, il faut un groupe solide.

L’entraîneur italien n’est-il pas trop conservateur ?

Je ne le pense pas. Toutes les équipes évoluent selon le même système. A l’exception du FC Barcelone qui aligne trois attaquants, tout le monde applique la même tactique.

L’ambiance est bonne dans le groupe ?

Très bonne. Les bons résultats de la fin de saison ont resserré les liens.

Que manque-t-il au Real pour redevenir l’une des meilleures équipes d’Europe ?

Améliorer le jeu, développer l’esprit de sacrifice, être plus solidaire les uns des autres. C’est ce dont une équipe a besoin pour devenir invincible.

Votre référence était Fernando Redondo, qui fut un leader incontestable chez les Madrilènes…

Il a toujours été mon idole. J’aimerais suivre ses traces, jouer un rôle important dans les victoires conquises par l’équipe, m’ériger en leader tant au niveau footballistique que dans le vestiaire.

Comment vous définiriez-vous comme personne ?

Comme un garçon de 21 ans, tout ce qu’il y a de plus normal. J’ai une fiancée, des amis, et j’aime profiter de tous les moments agréables qu’offre la vie, notamment en famille.

La popularité vous a-t-elle changé ?

Non, pas du tout. Je suis toujours resté la même personne, simple et humble. A Buenos Aires, je ne pouvais pas sortir en rue, mais à Madrid, je passe tout de même un rien plus inaperçu.

Comment passez-vous vos temps libres ?

De préférence, à la maison avec ma fiancée et mes amis, en regardant un match de football ou un film d’action à la télévision.

On vous dit assez introverti ?

Je suis calme, sérieux. Lorsque je connais bien les gens, je me confie plus facilement.

Rancunier ?

Non, pas spécialement.

Fier ?

Oui, très. Je pense qu’il ne faut jamais perdre sa fierté.

A quoi rêvez-vous ?

J’espère être repris en équipe nationale.

Savez-vous pourquoi l’Espagne échoue toujours dans les grandes compétitions alors que l’Argentine réussit ?

Parce que les joueurs argentins ont faim de victoires et qu’ils se mettent toujours au service de l’équipe. C’est ce qui différencie la mentalité argentine de l’espagnole.

Valez-vous réellement 20 millions d’euros ?

Je l’ignore. Les dirigeants du Real Madrid et de Boca Juniors se sont mis d’accord sur cette somme, ce n’est pas mon problème.

par sergio levinsky, jose manuel munoz et juan carlos casas, esm – photos: reporters

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire