La nouvelle D1 déshabillée

La saison prochaine, on disputera le championnat de D1 avec 16 équipes au lieu de 18. Et une formule compliquée. Mode d’emploi.

Le championnat de D1 à 16, c’est pour dans trois mois. Autant dire demain. IvanDeWitte, le président de la Ligue (et également de Gand), s’en réjouit :  » Enfin du changement ! Je ne dis pas que la formule adoptée est parfaite, mais elle a le mérite d’exister. Si on avait attendu de trouver la formule parfaite avant de bouger, on serait encore au même endroit dans 20 ans. Or, du changement était nécessaire. Il fallait accroître la compétitivité du championnat, avoir plus de matches-phares disputés sur un rythme élevé afin de mieux préparer les équipes appelées à se produire sur la scène européenne. Accessoirement, on avait aussi intérêt à proposer une formule de championnat plus attractive aux chaînes de TV lorsque s’est négocié le nouveau contrat.  »

Comment Anderlecht a fait plier les clubs qui étaient contre ?

 » Tous les clubs se sont finalement ralliés à la cause commune mais beaucoup étaient carrément réfractaires à la réforme. Mais ils ont cédé sous la pression d’Anderlecht qui menaçait de se montrer moins solidaire en ce qui concerne les droits TV « , renchérit HermanWijnants, le manager de Westerlo.

HermanVanHolsbeeck :  » Effectivement, car on voulait absolument cette réforme. On a même accepté de céder une partie de nos droits TV aux autres clubs pour qu’ils se rangent de notre côté. On a été soutenus par Genk, Gand, Charleroi, un peu par le Club Bruges mais pas par le Standard, qui se focalisait surtout sur les droits TV mais préférait conserver la formule actuelle.  »

Est-il opportun de jouer 40 matches, quasiment sans trêve, dans les infrastructures belges ?

PierreFrançois :  » Le Standard avait d’autres priorités que la réforme. En tête : une meilleure répartition des droits TV. Dans le sillage de Bruges, qui a été le premier à se demander s’il était bien opportun de jouer un championnat de 40 matches, quasiment sans trêve, dans les infrastructures que l’on connaît en Belgique, on a voulu provoquer un débat au sein de la Ligue. Ivan De Witte n’a pas voulu de ce débat. Très bien, on jouera donc 40 matches. De toute façon, on n’a pas le choix.  »

Pourquoi Anderlecht jugeait-il cette réforme indispensable ?

 » Pour deux raisons « , précise Van Holsbeeck.  » 1°. Il fallait augmenter le niveau de la compétition, d’où l’idée de la réduction à 16 équipes. 2°. Il fallait essayer de générer plus d’argent, d’où l’idée des playoffs. Lorsque RogerVandenStock était candidat à la présidence de l’Union belge, il avait déjà présenté un plan qui visait à modifier la formule du championnat. 18 clubs en D1, c’était trop pour un petit pays comme la Belgique. Il était même partisan d’une D1 à 14 équipes. Parallèlement, il a constaté qu’à l’échelle européenne, cela devenait de plus en plus dur pour des petits pays de rivaliser avec les grands pays. Il fallait donc trouver un moyen d’obtenir des droits TV plus importants. La formule des playoffs, qui engendre une multiplication des grands matches à enjeu, est très intéressante pour les télévisions.  »

Avec cette formule, Anderlecht pourrait terminer premier de la phase régulière des 30 matches, mais perdre le titre durant les playoffs.  » C’est la règle du jeu et on l’acceptera « , assure Van Holsbeeck.  » L’année suivante, ce sera peut-être l’inverse : on pourrait être 2e ou 3e après 30 matches, mais gagner le titre en playoffs. « 

Comment rendre les Playoffs II excitants ?

Van Holsbeeck assure aussi qu’Anderlecht n’a pas fait preuve d’égoïsme.  » On voulait absolument une réforme, certes, mais on a tout de même essayé de trouver une formule susceptible de satisfaire le plus grand nombre. C’est pour cela qu’on a fait appel à Hypercube, une société professionnelle néerlandaise qui a tenu compte des intérêts des grands, des moyens et des petits clubs. Les Playoffs I, on en est sûr, vont faire un tabac. Les Playoffs II risquent d’être le parent pauvre, mais il y aura tout de même une place en Coupe de l’UEFA en jeu. Dans la formule actuelle, une équipe classée entre la 7e et la 14e place n’a aucune chance d’être européenne par l’intermédiaire du championnat. Tout le monde devrait donc y gagner avec la nouvelle formule. Malheureusement, la mentalité belge étant ce qu’elle est, on critique déjà avant d’avoir joué le premier match.  »

Pourquoi le plan Wijnants a-t-il été oublié ?

Wijnants avait imaginé une autre formule, avec 20 équipes. En fait, une D1A et une D1B.  » J’étais arrivé à cette formule parce que je pensais qu’à terme, il n’y aurait de la place que pour 20 clubs pros en Belgique « , explique-t-il. Pour rappel, les dix clubs de D1A et les dix clubs de D1B étaient appelés à se rencontrer durant la première phase, d’août à décembre. A l’issue de celle-ci, les cinq derniers de D1A auraient été rétrogradés en D1B tandis que les cinq premiers de D1B seraient montés en D1A. Ils auraient alors joué une deuxième phase, de janvier à mai, avec pour enjeux le titre et les places européennes en D1A, le maintien et la dernière place en Coupe de l’UEFA en D1B.

 » Ma formule présentait un inconvénient « , reconnaît Wijnants.  » Il n’y avait que cinq équipes qui accrochaient le bon wagon pour le deuxième tour, ce qui inquiétait des clubs comme le Germinal Beerschot habitués à terminer 6e ou 7e. Mais ma formule présentait aussi deux avantages :

1° 15 des 20 équipes étaient assurées d’accueillir, au moins une fois, chacun des grands dans leur stade.

2° Par rapport au championnat actuel à 18, il y aurait eu deux équipes en plus et pas deux équipes en moins. Dès lors, on ne mécontentait personne : ni les clubs de bas de classement de D1 qui se sentaient menacés, ni les clubs de D2. « 

Pourquoi la D2 continue-t-elle d’être contre ?

La D2 a fait objection au projet de réforme. En effet, la formule adoptée rend l’accès à la D1 plus malaisé, et la réduction du nombre d’équipes produit un effet en cascade sur les autres séries.  » La D2 est allée au tribunal et a déjà perdu deux fois « , constate De Witte.  » Je pense qu’elle tentera une troisième fois d’obtenir gain de cause sur le fond, mais la requête a peu de chances d’aboutir. Au lieu de s’opposer constamment à la D1, la D2 aurait plutôt intérêt à repenser, elle aussi, son propre championnat. En tout cas, je dois remercier Herman Wijnants d’avoir abandonné son propre plan pour soutenir à fond la formule à 16 équipes qui a finalement été votée. « 

Quels sont les plus gros avantages de la nouvelle formule ?

 » D’abord, elle permet de doubler quasiment le nombre de matches-phares « , estime De Witte.  » Elle dynamise aussi la compétition, en réduisant le ventre mou du classement. Je suis persuadé que les Playoffs I vont booster le championnat. Lorsque Gand accueille Bruges ou Anderlecht, on fait toujours le plein. Même si cela arrive deux ou trois fois dans la saison.  »

 » En ce qui concerne les Playoffs II, j’espère que la formule séduira mais j’admets que cela reste un point d’interrogation « , dit De Witte. Et quelles seront effectivement les réactions le jour où le 14e classé décrochera un ticket européen alors que les 5e et 6e classés en sont privés ? Mais il fallait bien trouver un adjuvant pour un tournoi dont les équipes ne peuvent plus remporter le titre, ni descendre en D2.

 » Plusieurs équipes risquent aussi d’être privées d’objectif assez tôt dans la saison « , admet De Witte.  » Mais comme elles ne seront plus menacées de relégation, j’espère qu’elles en profiteront pour lancer des jeunes. Les Playoffs II pourraient donc faciliter l’éclosion de jeunes talents. « 

De Witte voit aussi, dans la nouvelle formule, un avantage au niveau des infrastructures.  » Progressivement, dans les conditions d’obtention de la licence, on va introduire l’obligation de disposer d’un terrain chauffé. Sans la réforme, rien n’aurait bougé. Car c’est l’obligation de jouer en c£ur de l’hiver qui a fait prendre conscience aux clubs de la nécessité de disposer d’une pelouse impeccable. Cela engendra des frais supplémentaires, certes, mais si un club comme Westerlo (au même titre que le Standard et Genk) est capable de les assumer, je ne vois pas pourquoi les autres ne le seraient pas. Une fois encore, Westerlo a montré l’exemple. C’est vraiment le petit club modèle qui a sa place en D1. « 

Les entraîneurs ont été entendus sur un point : il y aura bien une trêve de 15 jours, mais début janvier.  » Je crois, effectivement, que c’est une sage décision « , admet De Witte.

Quels sont les talons d’Achille ?

Certains seront peut-être tentés de faire des calculs. Sachant que la 7e place pourrait être européenne, mais en aucun cas la 6e, des équipes du subtop pourraient estimer qu’il est sportivement plus avantageux de participer aux Playoffs II qu’aux Playoffs I…  » C’est l’un des talons d’Achille de la formule. Il y en a quelques-uns « , reconnaît De Witte. « 

Un autre talon d’Achille est le sort réservé au 15e classé : il termine son championnat à la mi-mars et doit patienter jusqu’à la mi-mai pour disputer le tour final avec trois clubs de D2.  » On n’a pas trouvé de solution à ce problème-là « , admet De Witte.  » Ce sera à l’entraîneur de gérer au mieux cette période creuse. Trouver des matches amicaux ? Ils ne remplaceront jamais les matches officiels. Donner un mois de congé aux joueurs, puis reprendre une préparation similaire à celle de l’avant-saison ? C’est aussi une possibilité, et dans ce cas-là, je pense que les joueurs aborderont le tour final dans un état de grande fraîcheur par rapport aux clubs de D2 qui auront dû batailler jusqu’au bout. « 

Le 16e classé n’est pas mieux loti : lui aussi bouclera son championnat à la mi-mars et devra patienter jusqu’à la mi-août pour reprendre le championnat de D2.  » Mais l’équipe reléguée aura, je crois, d’autres problèmes à résoudre « , estime De Witte.

Pourquoi la Ligue 1 envisage-t-ellele même plan ?

Les dés sont donc jetés affirme De Witte :  » Disputons les deux prochains championnats selon la formule définie, et faisons une évaluation après deux ans. Si l’on constate des imperfections après ces deux ans, on tentera d’y remédier pour les championnats futurs. Mais ce qui me conforte, c’est que la Ligue 1 a abouti aux mêmes conclusions que nous : 16 équipes, avec des playoffs pour le titre serait l’idéal pour l’Hexagone également. La France, à un autre niveau j’en conviens, a le même problème que la Belgique : une perte de compétitivité sur la scène européenne. « 

Pourquoi l’Eredivisie a abandonné sa nouvelle formule ?

Bizarre tout de même que la Belgique adopte la formule des playoffs au moment où les Pays-Bas l’abandonnent (sauf pour la dernière place en Coupe de l’UEFA).  » Nos voisins néerlandais ont commis une grosse erreur « , estime De Witte.  » Ils ont organisé des playoffs pour tout – la 2e place en Ligue des Champions, les places en Coupe de l’UEFA, le maintien – sauf pour… le titre. Le premier classé à l’issue de la saison régulière était champion sans passer par les playoffs ! De ce fait, ceux-ci ont perdu une grande partie de leur attrait. Et ils ont, effectivement, parfois attiré moins de monde qu’un match de championnat normal. « 

Pourquoi Dury pense-t-il qu’on évite les vrais problèmes ?

FranckyDury, l’entraîneur de Zulte Waregem, n’est pas convaincu que le simple fait de passer à 16 équipes augmentera d’office le niveau du championnat.  » Ce n’est tout de même pas à cause de la faiblesse de la Ligue Jupiler qu’Anderlecht a été éliminé par BATE Borisov ?  » se demande-t-il.  » Sinon, comment expliquer que le Sporting ait été battu 4-0 chez nous. Et que le Club de Bruges ne parvienne jamais à s’imposer chez nous ? On a voulu changer pour le plaisir de changer, mais on a oublié de résoudre les vrais problèmes :

1/ rendre les conditions d’obtention de la licence plus strictes, afin d’éviter ce qu’il s’est passé avec Mouscron.

2/ mieux protéger les jeunes Belges. Dans notre pays, on peut faire signer un jeune Africain de moins de 21 ans en lui proposant un contrat de 80.000 euros par an. Aux Pays-Bas, c’est 400.000. En Angleterre, ce n’est même pas possible d’engager un non-Européen, à moins qu’il soit international. Conclusion : la Belgique est envahie par des joueurs extra-communautaires qui ne peuvent pas trouver refuge ailleurs.

3/ améliorer les infrastructures : avez-vous vu dans quel état se trouvent les pelouses de Charleroi, de Mons et de Gand ? Les grands veulent jouer entre eux, mais ni Anderlecht ni Bruges ne trouvent de solution pour leur nouveau stade. Et à Zulte Waregem, on joue toujours dans le même stade que celui où évoluait le SV Waregem des frères Luc et MarcMillecamps.

Comment le calendrier a-t-il respecté la nouvelle formule ?

A PierreYvesHendrickx d’élaborer un calendrier :  » On introduit les desiderata des clubs et l’ordinateur sort les dates… On travaille pour cela en collaboration avec l’université de Louvain.  »

Parmi ces desiderata : ne pas jouer en concurrence avec un voisin, les exigences des bourgmestres, le fait d’organiser deux sommets à domicile lors du premier tour et deux autres à domicile lors du deuxième tour pour les quatre clubs du top (Anderlecht, le Standard, Bruges et Genk), respecter la règle Belgacom (un match le vendredi, six matches le samedi et deux matches le dimanche).

 » On atteint désormais un taux de satisfaction de 90 %  » dit Hendrickx.  » Malgré les matches internationaux ou de Coupe de Belgique. Et lorsqu’un club joue en Coupe de l’UEFA le jeudi, son match est automatiquement déplacé au dimanche, en vertu de la règle des 69 heures entre deux matches. Or, dans certaines villes, comme Bruges, le bourgmestre interdit de jouer un sommet le dimanche soir… « 

La saison prochaine, il faudra fixer non plus 30, mais 40 journées :  » La marge de man£uvre s’est réduite. S’il y a des matches remis, on devra obligatoirement les jouer en semaine, éventuellement en concurrence avec la Ligue des Champions. Car on ne peut pas jouer 52 semaines par an : la loi oblige de donner un mois de congé aux joueurs. « 

Mais pour la première phase, Hendrickx est parvenu à caser les 30 journées en n’utilisant que deux mercredis :  » Grâce au fait que le championnat commencera une semaine plus tôt qu’habituellement et que la trêve sera plus courte, avec deux matches entre les fêtes. La Ligue voulait absolument tenter l’expérience de jouer les 26 et 30 décembre. En Angleterre, cela marche bien et cela vaut la peine d’essayer en Belgique. Problème : le Ministère de l’Intérieur impose de ne pas fixer de matches à risques durant cette période. Il n’y aura donc pas d’Anderlecht-Standard, ni de Genk-Bruges durant les fêtes. « 

Pourquoi reprend-on le 1er août ?

On avait un moment envisagé de commencer le prochain championnat dès la mi-juillet, histoire d’être déjà rodé au moment d’aborder les tours préliminaires des coupes européennes et d’éviter des éliminations prématurées, style BATE Borisov. Hendrickx :  » C’était l’argument des grands mais les autres n’ont pas voulu. Juillet, c’était la période des vacances et ils perdraient surtout au niveau des business-seats. « 

On commencera donc le 1er août (avec sans doute déjà un match avancé au 31 juillet) :  » La 3e équipe en Europa League aura déjà joué un match aller-retour et le 2e du championnat aura vraisemblablement déjà joué un match de Ligue des Champions. « 

Pourquoi jouera-t-on les Playoffs le mercredi également ?

La première phase se terminera le dimanche 14 mars. Hendrickx  » Le week-end suivant, il y aura les demi-finales de la Coupe de Belgique, puis le début des Playoffs dix jours plus tard, le mercredi 24 mars. Pour ces Playoffs, on n’a pas pu éviter les matches en milieu de semaine : ce sera mercredi/dimanche, mercredi/dimanche. Tout doit être terminé pour le 15 mai, afin de pouvoir mettre les joueurs internationaux à la disposition de leur équipe nationale qui prépare la Coupe du Monde… Et c’est valable même en cas d’élimination des Diables Rouges, car il faut tenir compte des autres équipes « 

par daniel devos – photos: belga

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