la naissance de verminator

Son nom de guerre lui a immédiatement été donné par les fans des Gunners. Normal : depuis qu’il est arrivé il y a six mois, le défenseur de 24 ans joue tous les matches ! Souvent au physique…

Vendredi 4 décembre. Le premier Eurostar de la journée vers Londres est rempli de touristes de tous âges, qui profitent du week-end pour effectuer leur shopping de Noël, comme Véronique qui s’y rend chaque année avec sa fille Isabelle. Elles raffolent de Camden Town, près de Regent’s Park, où on trouve encore des gadgets hal-lu-ci-nants… Pour son fils Thomas, elles veulent y dénicher un t-shirt dont les rayures s’éclairent au rythme de la musique (ce n’est pas un hasard si Madness est originaire de ce quartier…) La gamin devrait faire forte impression lorsqu’il sortira pendant les fêtes !

A St Pancras, elles prennent le métro tandis que nous sautons dans le train en direction de St Albans, à une demi-heure au nord. Après une nouvelle demi-heure en taxi, nous sommes en pleine campagne. Les moutons paissent tranquillement derrière les pittoresques clôtures en bois de la campagne anglaise. Les alentours sont plutôt snobinards( ici, on dit posh… comme la femme de Beckham) : le prix minimum d’une maison dépasse le million d’euros. Et croyez-nous, elles n’ont rien de particulier. Elles sont simplement plus vastes que les maisons victoriennes et sont entourées de verdure. Mais tout est tranquille sans être loin de la ville, du moins avec les transports publics car en auto, il faut compter au moins une heure et demie.

Un centre d’entraînement à 11 millions

C’est ici, à Shenley, Hertfordshire, qu’Arsenal a bâti un complexe d’entraînement, inauguré en octobre 2000. Dix terrains (indoor et outdoor), une piscine, un restaurant, des vestiaires… Deux des terrains extérieurs sont chauffés et même en hiver, les conditions d’entraînement sont parfaites. Le complexe a coûté dix millions de livres, soit 15 millions d’euros à l’époque… et 11 millions à l’heure actuelle, puisque le cours de la Livre s’est effondré.

Nous nous annonçons peu avant onze heures, bien trop tôt, nous dit le concierge, car l’entraînement n’a pas encore commencé et il est strictement interdit d’y assister, comme toujours en Angleterre. On nous offre du café ou du thé, au choix, des biscuits et même une pièce de travail personnelle ( Room 17 is for you, sir), mais pas question d’observer l’entraînement, même si on a effectué un voyage de quatre heures à cette fin.

Pour tromper le temps, les journalistes reviennent sur l’affiche entre Arsenal et Chelsea, que les Blues ont remportée 0-2, sur deux buts de Didier Drogba. L’un d’eux décrit le match comme the beauty vs the beast. Et : the beauty was the beef… La belle a servi de viande à la bête.

The beautiful game, appelle-t-on le football ici mais tout le monde n’a pas la même compréhension du terme. Arsenal-Chelsea ? Pragmatism ruled, romance was dead (C’est la raison qui a triomphé, pas le romantisme). Nos collègues louent le jeu d’Arsenal mais les Gunners n’obtiennent guère de résultats ces dernières années.

Des photos garnissent les murs du bâtiment. On y aperçoit le cliché de la dernière équipe championne en 2005. Sa base était anglaise, avec une touche latine. Les dernières belles années remontent à un lustre. L’Arsenal actuel manque de puissance physique, c’est la conclusion générale. Il a besoin d’une bête. Prudemment, nous avançons le nom de Thomas Vermaelen. Il n’est pas vraiment une bête mais il les a surpris. Le Belge émerge, il épate. Quand un journaliste sud-africain demande s’il va se distinguer au Mondial, tout le monde éclate de rire…

Des scouts à l’entraînement

Vermaelen arrive vers 14.30 heures. Manque de bol, il a reçu un léger coup à l’entraînement et a dû passer aux soins. Il est à Arsenal depuis six mois :  » Je suis satisfait des occasions que j’ai reçues. J’ai tout joué, comme je l’espérais. « 

Il rectifie : il l’espérait sans y compter. Il y a trois ans, il avait refusé une offre de Tottenham, ont signalé les journaux du dimanche. Car il ne se croyait pas encore capable de suivre le rythme des matches. Mais quand Arsenal s’est manifesté, cet été, il n’a plus hésité, même s’il a modéré ses attentes :  » Je suis venu en me disant que je verrais bien. Je me suis accordé un an pour m’adapter mais maintenant, je peux élever la barre. Je suis titulaire et je ne peux quand même pas demander qu’on m’accorde encore un an … « 

Le responsable du scouting lui a expliqué à quel point Arsenal avait été méticuleux lors de son transfert. Les Gunners l’ont même visionné à un entraînement de l’équipe nationale auquel six joueurs seulement participaient.

Vermaelen :  » C’était l’été dernier, avant le voyage au Japon. Ils suivent souvent les footballeurs à l’entraînement, apparemment. Ils ont envoyé quelqu’un à l’Ajax aussi. Ils estiment que dans une ambiance normale, on agit comme on est véritablement et qu’il est donc plus facile de porter un jugement. « 

Wenger a ensuite téléphoné… Bonjour, Thomas, ici Arsène. Ou était-ce différent ? Vermaelen éclate de rire :  » D’abord, c’était en anglais. Je n’ai pas été surpris car mon manager avait été en contact avec lui après le dernier match de championnat de l’Ajax. Ce coup de fil confirmait qu’il souhaitait m’enrôler. C’était l’ultime geste. Je me rappelle avoir parlé fort peu. Nous étions en vacances à l’île Maurice.  »

Qu’a-t-il raconté à son amie ?  » Ses sentiments étaient mitigés. Elle avait construit sa vie à Amsterdam, elle y travaillait, elle y avait ses amis. Elle était heureuse pour moi mais c’était difficile pour elle. « 

Le couple réside aujourd’hui à Hampstead, pas très loin de Camden. Son amie est très facile à vivre. Elle s’est liée avec l’amie de Cesc Fábregas. Ensemble, elles sortent en ville, vont manger. Le couple trouve ses marques car elle est souvent seule : avant chaque match, Arsenal organise une mise au vert à l’hôtel. Avant une joute à domicile, les joueurs se présentent au stade à 18 h la veille. Pour les déplacements, ils partent la veille de la rencontre, en bus ou en avion. La frontière entre les deux moyens de locomotion se situe environ à Birmingham. Pour tous les déplacements plus au nord, l’équipe emprunte l’avion.

Ambiance jeune

Lors de sa première journée de travail, les grands noms n’étaient pas encore arrivés et l’ambiance était décontractée : tests physiques, découverte des coéquipiers. Vermaelen :  » La plupart des joueurs sont très jeunes. On m’a immédiatement parlé comme si je jouais ici depuis des années. Ce sont des gars très enthousiastes. « 

Thomas a directement été impressionné par la classe des jeunes Gunners.  » Je ne les connaissais pas tous, hormis de nom. J’ignorais leur âge. Quand je vois AaronRamsey… Je le pensais âgé de 20 ou 21 ans mais il n’en a que 18 alors qu’il est tellement mûr ! C’est aussi le cas de JackWilshere et de KieranGibbs. Il n’a que vingt ans mais il a participé aux demi-finales de la Ligue des Champions la saison passée. Ce sont tous les athlètes, très rapides. Gaël Clichy a des problèmes actuellement mais en forme, impossible de l’arrêter sur son flanc…  »

Et à table ? Vermaelen :  » L’anglais est la langue véhiculaire. En principe, je pourrais parler en français mais c’est rare. Ce ne serait pas correct en présence de coéquipiers qui ne comprennent pas cette langue. « 

Correct, gentil, professionnel ; Vermaelen est comme ça :  » Franchement, je ne m’attendais pas à ce que les joueurs soient aussi professionnels. On pourrait penser que ces grands joueurs d’Arsenal relâchent un peu la bride mais au contraire, ils soignent constamment leur corps. « 

Wenger lui en a parlé lors d’un entretien : -Jusqu’à vingt ans, on est un talent. Ensuite, c’est la tête qui compte. Vermaelen :  » L’aspect mental est peut-être même décisif plus tôt.  » Il cite sa jeunesse en exemple. Il n’émargeait absolument pas à l’élite et cela l’a peut-être rendu plus fort :  » Souvent, les footballeurs qui sont proches de leur meilleur niveau à 14 ou 15 ans et font partie des meilleurs du pays dans leur catégorie disparaissent vers 17 ou 18 ans, pour différentes raisons. Ils ne peuvent passer la vitesse supérieure, vivre pour le football, résister aux tentations… Peut-être sont-ils déjà rassasiés. Moi, c’était différent. On ne m’a pas porté aux nues. Je ne figurais pas parmi les plus grands talents de Belgique ni de l’Ajax mais saison après saison, j’ai progressé.  »

Il a travaillé dur à l’entraînement et a modelé son corps au fitness. Son gabarit est un de ses atouts, avec sa détermination. Mais il a déjà été blessé à la cheville et au genou, ce qui l’a contraint à parfois se reposer.

Vermaelen :  » C’est la poisse, voilà tout. Je me suis blessé à la cheville en tombant mal. Je dois mes problèmes de genou à ma mentalité : j’y vais toujours à fond, parfois au mauvais moment. L’atteinte à la cheville s’est produite contre l’AZ, dans un duel aux abords de la ligne médiane.  » Son frère le répète : il doit apprendre à ne pas se blesser dans les duels.  » Il a raison… « 

Et quid de la succession des matches ? Vermaelen :  » C’est exagéré. J’ai parfois des moments de répit mais moins qu’aux Pays-Bas. Cela dépend du match. Souvent, notre adversaire jette toutes ses forces dans la bagarre pendant la première demi-heure. Il s’agit de résister jusqu’à ce qu’il s’épuise. Nous pouvons alors développer notre football. « 

Et lui le sien, plus dur qu’aux Pays-Bas, sans conteste. Vermae-len :  » Tous les avants sont costauds et rapides ici, ils y vont à fond. Beaucoup ont des gènes d’athlètes africains, très puissants.  » C’est son truc, la force et l’explosivité musculaires dans les duels, le bon timing, la résistance :  » Oui, j’aime ça et c’est très apprécié ici. « 

Le génie de Cesc

Quels sont les meilleurs à l’entraînement ?  » Fábregas. Van Persie. Arshavin aussi. Fábregas a une classe exceptionnelle. Van Persie recèle des qualités incroyables en attaque et un bon tir. On ne remarque le niveau de Fábregas qu’en l’affrontant à l’entraînement. Nous sommes rarement des adversaires directs mais quand il figure dans l’autre équipe, je ne peux que constater son intelligence, ses trajectoires de course, ses touches de balle. Il est très difficile à neutraliser.  »

Puisque les matches sont nombreux, les entraînements ne sont pas trop durs. Arsenal ne s’entraîne deux fois par jour que pendant la préparation. Wenger est toujours présent. Il met l’accent sur la récupération et la préparation. Vermaelen :  » Ces derniers temps, j’ai entendu parler d’une autre approche en Belgique. Le boss de Lokeren Roger Lambrecht n’a-t-il pas déclaré qu’il voulait deux entraînements par jour en plus du match du samedi ? Je ne sais pas ce qu’il espère, mais je ne pense pas que ses joueurs atteindront ainsi leur meilleure forme.  »

Au fond, comment se tient-il au courant de la Belgique ? Vermaelen :  » Surtout par internet. Les journaux arrivent avec un jour de retard. « 

Il ne peut qu’être positif. Tout lui plaît, y compris les supporters, même si Arsenal a connu des moments difficiles : avant la défaite contre Chelsea, les Gunners ont été défaits par Sunderland et ensuite, ils ont été éliminés de la Coupe. Pourtant, les supporters continuent à croire à un succès.  » Après le revers contre Chelsea, j’ai entendu des propos encourageants : – Courage, on gagnera le championnat. C’est évidemment encore possible et il faut continuer à y croire. Sans foi, on ne peut rien gagner. Mais je trouve le comportement des supporters fantastique.  »

La faim de succès est énorme. Vermaelen met le doigt sur la plaie.  » Contre Chelsea, nous avons développé un excellent football par moments mais nous nous sommes créé trop peu d’occasions. Nous n’avons pas été assez opportunistes pour tirer au but. S’il faut que le ballon ricoche sur un pied avant de rentrer…, peu importe ! « 

On lui rappelle que l’équipe compte beaucoup de petits gabarits, qui peinent quand les terrains s’alourdissent mais il s’insurge :  » C’est faux. Notre tactique consiste à obtenir des résultats par la qualité de notre jeu. C’est la vision de Wenger, qui n’en démord pas, et je la trouve bonne. Cependant, il nous faut aussi des footballeurs capables de forcer des actions et nous les avons. Il y a Song et Gallas, qui n’est pas précisément mou. Mais en pointe…  »

Van Persie est indisponible jusqu’en fin de sa saison et il fait cruellement défaut à Arsenal.  » Quand je l’ai appris, l’équipe nationale affrontait la Hongrie. La nouvelle m’a secoué. Il était en pleine forme et si déterminant… En plus, il est sur la touche jusqu’en fin de saison, pas seulement pour quelques semaines ! « 

Le lendemain de l’interview, Wenger plaçait Arshavin en pointe. Le Russe allait se distinguer contre Stoke et une semaine plus tard, contre Liverpool, il déterminait le match. Son opportunisme avait donné des ailes aux Gunners

L’autocritique

Mais quelles sont les ambitions personnelles de Vermaelen ? Peut-il viser plus haut, maintenant qu’il est déjà titulaire à Arsenal ?

Vermaelen :  » Je participe à tous les matches mais je dois continuer à progresser, faute de quoi je ne jouerai plus autant. J’ai encore beaucoup à apprendre à un tel niveau. Enormément. « 

Par exemple, à neutraliser un avant comme Drogba durant tout un match… Vermaelen :  » Exactement. Plusieurs facteurs entrent en compte mais après un match, il faut se regarder dans la glace, réaliser son autocritique : quelles erreurs ai-je commises ? « Devrait-il encore renforcer sa musculature ou perdrait-il un peu de sa vitesse ?  » Cela requiert un très bon dosage. Il faut être prudent. La succession des matches use et si je me rends en plus au fitness, je serai peut-être moins frais durant les matches. Dans d’autres sports, on peut atteindre son pic de forme à un moment déterminé alors que les footballeurs doivent tenir toute une saison. C’est très difficile. « 

Par Peter T’Kint, Á Londres – Photos: Reporters

Cela vaut-il la peine que je prenne encore quelques kilos de muscles ?

Je ne m’attendais pas à ce que les joueurs soient aussi professionnels…

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