La meilleure PLACE

Il y a quelques années, quand j’allais au Sporting de Charleroi, j’étais accueilli dans le parking souterrain, qui jouxte le stade, par un aimable monsieur qui se faisait un plaisir de me trouver la meilleure place. Un de ces chaleureux Carolos avec qui j’adore ne m’exprimer qu’en wallon ! A chaque fois, il me racontait, avec une complaisance non dissimulée, les progrès de son fils, Scolaire au Sporting, et me confiait sa conviction de détenir, après Berto et Dante, le futur nouveau Zèbre du siècle !

Jamais je n’ai osé le contredire bien que l’envie en fût forte. Heureusement ! Car, quelques années plus tard, j’allais retrouver ce fils béni des dieux du foot sous le maillot des Espoirs nationaux : Grégory Dufer

C’est vrai qu’il était doué, le petit ! Un de ces gars qui porte en lui l’instinct du foot dans ce qu’il a de plus épuré et de plus spontané. Un des plus créatifs de sa génération. Avec un coup de rein à vous déposer sur place n’importe quel défenseur. Explosif à souhait. Très percutant dans les un contre un. Frappeur, centreur… et des deux pieds. Bref un modèle pas courant en Belgique. Seul défaut dans la cuirasse : une personnalité assez introvertie et donc un mental un peu fragile mais réfléchi. A ne surtout pas surcharger de consignes pour laisser libre cours à son inspiration. Bref un véritable espoir qui, aujourd’hui, semble avoir fait le pas décisif vers la confirmation.

Son talent, RaymondHens, président du comité des jeunes, l’avait pressenti quand il était allé acheter sa liberté définitive au petit club de Marcinelle. Un autre Raymond û Mommens celui-là û donnera à Grégory sa toute première chance. C’était en novembre 99, Luka Peruzovic venait d’être limogé et Mommens appelé à la barre. Sans hésiter, il intègre Grégory (18 ans) dans son onze de base. C’était lors de la première rencontre du second tour, à Harelbeke.

 » Si celui-là n’arrive pas, je coupe mes deux mains « , avait-il déclaré. Mommens aime rappeler, sa prophétie en montrant ses deux mains. Recordman des titularisations en D1, Raymond Mommens croit même Greg capable d’égaler son record ! Avec près de 150 apparitions en D1 à 22ans, il peut en effet raisonnablement y penser. S’il a marqué des points sur la scène nationale, Greg a surtout pointé le bout de sa godasse sur le plan international. Il a même séduit l’entraîneur fédéral, contre la Turquie surtout.

Pour le jeune Diable, il s’agit d’une autre et nouvelle ascension en perspective ! Mais pour la poursuivre, il lui faudra probablement quitter son club formateur pour un cercle plus huppé où il aura l’occasion de hausser encore son niveau de jeu.

En amont de cette trajectoire sportive, il y a la trajectoire humaine. Issu d’un milieu familial très simple, Grégory y a été éduqué dans le respect des autres. L’avis de ses entraîneurs et de ses dirigeants est unanime : un garçon facile, docile et réceptif. Très réservé et timide au départ, au risque d’apparaître parfois bougon, il a désormais appris à mieux communiquer avec son entourage et surtout avec la presse. Pas frimeur ni paradeur pour un sou, il aime cultiver la reconnaissance auprès de ses anciens entraîneurs et délégués. Il ne manque jamais de les saluer spontanément. Il sait tout ce qu’il leur doit ! Il suffit d’ailleurs, pour l’attendrir, d’évoquer avec lui ces dizaines d’heures d’entraînement technique individuel passées avec René Delchambre.

Mais son geste de gratitude le plus émouvant, il le réservera à ses chers parents, chez qui il vit toujours ! A peine son premier contrat pro signé, il s’empressera de leur acheter une maison. Geste d’amour spontané et merveilleux !

L’heure du départ semble donc imminente pour Dufer. Moment difficile quand on sait que le cordon n’est coupé ni avec la famille ni avec le club. La rupture sera sans doute douloureuse et difficile à vivre. Grégory, le pur, devra encore grandir pour assumer tout cela.

Puisse-t-il le vivre comme une nouvelle promotion de lui-même, plutôt que comme un déracinement. La suite de sa carrière en dépend !

par André Remy

 » Si celui-là n’arrive pas, JE COUPE MES DEUX MAINS  » (Raymond Mommens)

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