La maturité selon Stijnen

Le gardien ouvre son cour, remet en cause la gestion du Club, parle des matches des Diables contre la Bosnie et d’Igor de Camargo.

Vous avez perdu deux bons copains récemment, François Sterchele puis le DT Antoine Vanhove. Et vous avez d’ailleurs une photo de François dans votre vestiaire. N’est-ce pas perturbant ?

Stijn Stijnen : Non. Si c’était le cas, je ne le ferais pas. J’apprécie de le voir en ouvrant mon armoire. J’ai aussi un souvenir d’Antoine. C’est personnel, je préfère ne pas en parler constamment.

Vous êtes aussi devenu père tout récemment. Le regard que vous posez sur la vie a-t-il changé ?

Changé ? Tout ce que j’ai vécu a quand même changé ma conception de la vie. Evidemment… Mais le bébé n’a rien à voir avec le football. On me charrie un peu sur le manque de sommeil dont sont victimes tous les jeunes parents mais je réponds systématiquement : -Je peux dormir, j’ai une bonne épouse. Mon football ne pâtit pas des pleurs du bébé. C’est l’essentiel. Je ne parle pas du reste…

 » 4 points sur 6 obligatoires contre la Bosnie « 

Le samedi 28 mars, la Belgique affronte la Bosnie-Herzégovine. Le match retour a lieu quatre jours plus tard. Pour Stijn Stijnen et les Diables, c’est l’occasion d’éliminer un concurrent de la course à la qualification. Pendant ce temps, la Turquie et l’Espagne en découdront à deux reprises aussi. Le 1er avril, on connaîtra les chances réelles des Diables.

Quelle est l’importance de ce double duel ?

Je dirais qu’il est décisif. Si nous échouons à deux reprises, c’est terminé. Je n’affirme pas que nous serons sûrs de la qualification, mais bien de rester en course ou pas.

Après les joutes contre la Turquie et l’Espagne, où les Belges ont été bons, même s’ils n’ont pas gagné, la confiance est-elle au rendez-vous ?

Oui. Mener 0-1 à dix minutes du terme en Turquie et encaisser un penalty, ce n’est pas juste, pas plus que notre revers 1-2 contre l’Espagne. A l’issue de ce match, nous avons assisté à une réception à l’UB. L’ambiance était aussi bonne que si nous nous étions qualifiés. Jamais encore, je n’avais connu ça en équipe nationale. La plupart d’entre nous assument un rôle important dans son club, à 21 ou 22 ans. Pensez à l’équipe que nous aurons dans cinq ou six ans !

C’est ce que dit le coach. Vous ne serez au top que dans deux ou trois ans.

Certains ont beaucoup progressé. Pensez à Vincent Kompany. Il a appris à dégager le ballon dans la tribune s’il le fallait au lieu de systématiquement chercher une solution footballistique. S’il joint cette intelligence de jeu à son talent, il peut viser le Real, Milan ou Barcelone. Pareil pour Moussa Dembélé. Nous avons une fameuse palette de talents.

Qu’a la Turquie en plus ?

L’expérience. A l’avenir, nous nous qualifierons certainement pour de grands tournois mais maintenant ? Nous ferons de notre mieux, sans garantie. Il faut terminer au moins deuxième et jouer les barrages… Cela fait beaucoup d’incertitudes. En revanche, à l’avenir, avec de l’expérience, ce sera différent. Quand les résultats étaient moins bons, nous avons répété que nous n’étions pas assez chevronnés. Nous sommes à mi-chemin. La réaction des gens en rue est éloquente. On nous refait confiance mais je sais que tout peut changer très vite. C’est aussi pour cela que les joutes contre la Bosnie sont si importantes. Il ne faut pas perdre la première manche. Quatre points sur six seraient un minimum. Terminer deuxième serait déjà un exploit. La Turquie a atteint les demi-finales d’un grand tournoi à deux reprises et il n’est pas nécessaire de s’étendre sur l’Espagne. La Bosnie a été impressionnante durant cette campagne. Elle a battu l’Estonie 7-0 et l’Arménie 4-1.

Avez-vous le sentiment que les Belges marquent plus facilement ?

Oui. Wesley Sonck a marqué cinq buts en quatre matches. Si Moussa s’y met aussi, nous sommes lancés. Pareil pour Kevin Mirallas, et puis Igor de Camargo s’est ajouté à la liste. Un joueur doté de telles qualités est un plus : il garde bien le ballon, est fort dans les duels aériens et peut aussi marquer. Et sa mentalité m’a subjugué durant la semaine qu’il a passée avec nous.

Joao Carlos pense aussi aux Diables. Votre avis ?

Je n’ai rien contre, mais cela suscite toujours des discussions. Un Belge reste un Belge, un Brésilien un Brésilien mais s’il a la double nationalité et qu’il peut jouer pour nous, pourquoi pas ? Je suppose que ceux qui optent pour l’équipe nationale se sentent belges. Sinon, mieux vaut s’abstenir.

Le match se déroule encore à Genk, l’ancien club de Logan Bailly, qui vous talonne pour le poste de gardien chez les Diables. Or, vous y avez été hué contre la Slovénie…

Oui. Ce n’est pas normal mais ça ne m’a pas surpris. Cela arrive dans le stade d’un rival. J’ai été sifflé contre l’Estonie au Standard aussi. Cela ne me touche pas… Si je n’étais pas performant, je ne jouirais pas de la confiance des gens. Certains ne m’aiment pas, mais les spectateurs neutres savent apprécier une performance.

 » Le Club n’a pas vendu impunément ses bons joueurs « 

Etes-vous plus de serein ?

Oui. J’aurai 28 ans en mai. Mes meilleures années approchent. Je sens, dans certaines phases de match, que je contrôle plus les événements. Ce ne fut pas toujours le cas. Je joue selon mes aptitudes et je suis calme. J’apprécie le statu quo. Je suis le numéro un au Club et en équipe nationale.

Que faites-vous de l’ambition ?

C’est différent. Je ne puis prester que dans deux équipes. Je suis sous contrat pour deux saisons. On va donc discuter l’année prochaine. Encore faut-il qu’une formation étrangère me veuille chez elle.

Vous avez failli rejoindre Kazan : comment avez-vous vécu ces moments ?

C’était concret. Quand j’ai entendu les sommes, ça m’a travaillé. J’aurais assuré le reste de ma vie. Comme l’affaire traînait, j’ai commencé à douter puis j’ai dit que je ne voulais plus voir qu’un papier et un stylo. Cela, c’est du concret.

Avez-vous vu un contrat ?

Non, mais un membre du club m’a tenu au courant. Ce n’était pas une invention de manager.

Un transfert à l’étranger vous ferait-il progresser ?

Oui. Dans un championnat plus coté, avec davantage de pression, des tirs plus tendus, plus précis, un jeu plus rapide. Je me sens bien ici. J’aurai eu une superbe carrière si je suis toujours à Bruges dans dix ans… Gert Verheyen, Dany Verlinden, Franky Van der Elst, Jan Ceulemans ont-ils signé une carrière médiocre ?

Etes-vous satisfait de votre saison ?

Jusqu’à présent, oui. J’ai été décisif assez régulièrement durant une période, moins souvent pour l’heure. J’ai mal joué contre Mouscron. Sur les cinq buts encaissés, j’ai commis deux erreurs. Il faut pouvoir l’admettre.

Qu’est-ce qui a provoqué la baisse de régime du Club à la mi-décembre ?

Nous avons disputé beaucoup de matches d’affilée, suite aux reports de début de championnat dus aux JO. Je ne sais pas si c’est lié, mais Wesley, moi et les autres internationaux avons joué 32 matches de la fin août à décembre, soit l’équivalent d’une saison pour les autres. Les critiques sur notre jeu étaient fondées. Nous comptions trop de nouveaux, alors qu’il fallait prester. Ils avaient besoin d’un crédit de temps. On ne peut leur adresser de reproches. J’aurais sans doute subi le même sort à leur place. Koen Daerden effectuait sa rentrée et a dû entamer quatre ou cinq matches de suite alors qu’il aurait dû être ménagé. Dans les moments difficiles, il faut s’appuyer sur un onze de base -que nous n’avions pas.

 » Le Club est au maximum de ses possibilités « 

Capitaine, vous avez protégé vos équipiers, y compris Laurent Ciman, la tête de turc.

Que n’a-t-il pas entendu ! A sa place, d’autres se seraient peut-être prétendus blessés. Mais il a toujours été disponible, malgré cette pression. Il a commis des fautes mais on les a grossies.

N’est-ce pas logique dans un grand club ?

Si. Un joueur dont on n’entend plus parler a accusé Cedomir Janevski d’être trop dur avec lui après un match… Cedo a demandé ce qu’il devait faire : lui donner une tape dans le dos ? Que font les 20.000 supporters ? Ils sifflent.

Et Nabil Dirar, un joueur adulé, a été hué un mois plus tard…

Le Club a beaucoup de supporters. Ils paient pour voir des performances. Ils attendent plus de nous que ceux de Westerlo. Donc, celui qui n’est pas à la hauteur le sent très vite. Il faut pouvoir gérer ça ou alors, mieux vaut jouer un cran plus bas.

Etes-vous aussi à mi-chemin, comme l’équipe nationale ? Le talent, c’est bien jouer mais aussi obtenir des résultats.

Oui. Je n’aime pas entendre que tout le monde est à vendre au Club. J’estime qu’il faut tenter de conserver les meilleurs et leur adjoindre d’autres bons joueurs. Comment le Club est-il devenu ce qu’il est ?

Grâce à sa stabilité.

L’ancien DT Antoine Vanhove conservait ses bons footballeurs coûte que coûte. Le Club aurait pu gagner des mannes en transférant Verheyen à Ipswich mais il lui a offert une prolongation de contrat. Il n’a pas touché d’indemnité, il a dû augmenter Gert mais celui-ci a permis d’obtenir de bons résultats. Antoine pleurait quand Timmy Simons est parti… Chaque départ a provoqué des bagarres car Antoine s’y opposait.

La saison passée, n’a-t-on pas dit qu’il valait mieux que vous partiez, même si vous ne le souhaitiez pas ?

Je n’étais pas d’accord, le Club le sait. Il doit avoir une équipe, obtenir des résultats. Quand on pense avoir une bonne équipe, on la conserve quatre ou cinq ans. Il ne s’agit pas de gagner trois ou cinq millions mais de remporter des trophées.

Le Club ne fait-il pas ce qu’on a jadis reproché au Standard, en effectuant beaucoup de transferts dans les deux sens ?

Si. Nous devons retrouver notre stabilité. C’est notre image de marque. On ne peut pas toucher à l’âme du Club.

Cela vaut-il aussi pour les entraîneurs ?

Je pense que oui. Avant, le Club limogeait rarement un entraîneur. Il obtenait des résultats parce que l’équipe était nettement meilleure. Les coaches qui ont succédé à Trond Sollied ont été confrontés à une diminution de qualité. On ne vend pas impunément de bons footballeurs. On ne les remplace pas toujours à 100 %, ce qui implique une baisse des résultats. C’est le récit des dernières saisons.

Valez-vous mieux que la troisième place, cette saison ?

Nous atteignons notre maximum. Non, comment dire… Pour l’instant, avec de jeunes joueurs, vous savez comment ça va : il y a des hauts et des bas. Nous sommes au maximum de nos possibilités par rapport au Standard et à Anderlecht, nos deux concurrents. Ce n’est pas suffisant pour une formation comme le Club Bruges.

par peter t’kint – photos: vermeersch

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