LA MARQUE BAYERN MÜNCHEN

Le Champion d’Europe en titre veut se positionner sur la carte internationale, sur le terrain comme en dehors, et renforcer son image. Sport/Foot Magazine a pris le pouls du club, pendant deux jours.

Le Bayern a reçu avec classe et professionnalisme les 53 journalistes européens ayant le droit de vote au Footballeur Européen de l’Année. Cette opération de relations publiques cadre avec la stratégie marketing du club, qui n’a pas ménagé sa peine. Le Bayern a logé les journalistes au Bayerischer Hof, un superbe hôtel cinq étoiles situé juste derrière la cathédrale en briques rouges qui est un des chefs-d’oeuvre de la capitale bavaroise. Le soir, le Bayern affrontait les Tchèques du Viktoria Plzen en Ligue des Champions. Le lendemain, une conférence de presse permettait de rencontrer le CEO Karl-Heinz Rummenigge, Franck Ribéry et Pep Guardiola. Cette plongée dans l’âme du club a dû coûter quelque 50.000 euros mais c’est une somme dérisoire pour le Bayern.

Le Bayern veut se profiler dans le monde entier et accroître ainsi ses possibilités commerciales. Une heure avant le match contre Plzen, le directeur de la communication, Markus Hörwick, salue les journalistes. Il explique que, dans quelques mois, il organisera une rencontre identique avec des représentants des médias asiatiques et américains.  » Nous voulons améliorer la marque Bayern dans le monde mais surtout vous faire sentir l’ambiance familiale qui règne au sein de notre club.  »

Il n’exagère pas. Le Bayern est certes un mastodonte qui peut parfois paraître froid mais son accueil est chaleureux. Il ne considère pas la presse comme une ennemie, au contraire : il met tout en oeuvre pour répondre à ses souhaits. Le service de presse, dirigé par Markus Hörwick avec un mélange d’amitié et de convivialité, emploie neuf personnes. Les journalistes locaux nous confirment que jamais Hörwick ne sort de son rôle. Il ne se laisse pas entraîner par ses émotions, il ne téléphone pas aux journaux, ne manifeste pas ses humeurs.  » Nous avons une culture spéciale envers la presse « , précise Hörwick.  » Certains entraînements ne sont pas accessibles aux supporters mais ils sont rarement fermés à la presse car nous estimons que les journalistes doivent savoir ce qui se passe. Nous voulons aussi qu’ils aient des contacts avec les joueurs. Après chaque entraînement, nous mettons trois joueurs à la disposition de la presse écrite et trois autres à celle de la presse audiovisuelle. Ces séances durent vingt minutes puis on permute. Le journaliste qui se rend à l’entraînement peut donc parler avec six joueurs chaque jour. Le Bayern est un club aux fenêtres et aux portes ouvertes mais nous conservons la clef.  »

Plus de 400 millions d’euros

Le Bayern est une machine. Le club dispute sa huitième saison dans l’Allianz-Arena, toujours dans un stade comble. Cela représente 71.000 spectateurs. En Bundesliga, le Bayern a disputé 229 matches d’affilée devant des rangées complètes, à domicile et en déplacement. Tout le monde veut voir le Bayern, chacun veut s’y associer, d’une certaine façon. Au début du mois prochain, le club va annoncer que son budget aura atteint un montant record, au-delà des 400 millions d’euros.

Sa richesse se trouve sur le terrain. Avant le match contre le Viktoria Plzen, quatre réserves rigolent au bord du terrain. Ce sont Thomas Müller, Mario Götze, enrôlé pour 37 millions et rétabli d’une blessure, l’international péruvien Claudio Pizarro et Javi Martinez, l’Espagnol transféré la saison passée de l’Athletic Bilbao pour 40 millions. Comme les défenseurs centraux Dante, blessé, et Jerome Boateng, suspendu,font défaut, le coeur de la dernière ligne est formé par Daniel Van Buyten et Diego Contento, un arrière latéral qui coulisse vers l’axe.

Ces remplacements n’ont aucun impact sur le jeu. Le champion de Tchéquie n’est qu’un oiseau pour le chat. Son budget de quatre millions ne représente qu’un pourcent de celui du tenant de la Ligue des Champions. Le Bayern s’impose 5-0 sans même mettre les gaz. Les chiffres ? 74 % de possession du ballon, 91 % des passes réussies. Pep Guardiola a imprimé son sceau : il obtient un pourcentage de possession du ballon nettement supérieur à celui de Jupp Heynckes. En championnat, contre le FC Nuremberg, il a même atteint 81 %, un record absolu. L’Espagnol prône un autre football, marqué par de constantes permutations – l’âme du jeu selon lui. Rien ne limite les trajectoires des joueurs : les arrières montent, les médians convergent vers l’axe et laissent de la place aux extérieurs. Cela peut sembler chaotique mais l’adversaire est pris à la gorge. Ces relais rendent le Bayern imprévisible.

Il joue de la sorte contre le Viktoria Plzen, avec beaucoup de profondeur et de changements de rythme, avec un Franck Ribéry dans un rôle libre et un Philipp Lahm brillant médian défensif, soliste de classe devant la défense. De la touche, Pep Guardiola ne cesse de coacher son équipe. Plus tard, il insiste : le Bayern doit encore mieux faire.  » C’est normal « , commente-t-il dans un allemand qui ne cesse de progresser.  » Si mon travail était achevé à la mi-octobre, nous nous ennuierons.  » Quelqu’un demande ce qu’il faut faire pour encore améliorer le jeu.  » C’est très simple. Beaucoup d’entraînements et une pelouse dans un état aussi bon que possible, de préférence sous le soleil.  »

Plus vite, plus vite !

Le lendemain, la température est estivale. Seuls ceux qui n’étaient pas titulaires la veille s’entraînent Säbener Strasse, en périphérie de la ville. Guardiola est omniprésent. Il organise un match à six contre six et ne cesse d’interpeller ses joueurs.  » Plus vite, plus vite ! « , crie-t-il sous le regard de ses assistants. La saison passée, c’était l’inverse : Jupp Heynckes se contentait d’observer ses joueurs, laissant le travail de terrain à ses adjoints.

À onze heures, le CEO Karl-Heinz Rummenigge se présente au premier entretien avec la presse. Il demande si chacun a pu savourer l’ambiance familiale qui règne au Bayern et rappelle à quel point l’arrivée de Guardiola réjouit tout le monde. Lorsqu’on lui demande s’il n’était pas possible de continuer à travailler avec Heynckes, il rétorque que le recrutement de Guardiola était la bonne décision, comme Heynckes est le premier à le reconnaître.  » J’ai encore parlé avec Jupp au téléphone il y a quelques semaines et il m’a dit que nous avions bien fait.  »

Rummenigge est enthousiaste à propos de Guardiola :  » J’ai rarement vu un entraîneur qui forçait un tel respect auprès de ses joueurs. Ils le croient sur parole. Quand il place Philipp Lahm devant la défense, tout le monde se dit qu’il doit savoir pourquoi alors que la direction a été surprise.  »

Les questions au sujet des mesures que l’UEFA va prendre à partir de 2014 pour s’attaquer à la mauvaise gestion de certains clubs affluent mais Rummenigge reste vague, en précisant que le Bayern ne doit se faire aucun souci.  » Nous sommes vraiment très sains financièrement, comme la plupart des clubs allemands.  »

Il n’oublie pas sa base :  » Nous avons une responsabilité sociale à l’égard de nos supporters. Nous essayons d’offrir des billets à des prix aussi démocratiques que possible.  » Avant de s’en aller, Karl-Heinz Rummenigge promet de renouveler l’invitation dans un an.  » Il est important que vous connaissiez notre club. Schönen Tag noch. Und gute Heimreise.  »

La joie de jouer

Midi. C’est au tour de Franck Ribéry. Markus Hörwick lui donne la coupe d’Europe.  » Quand nous avons enlevé la Ligue des Champions, Franck a emmené le trophée dans sa chambre et l’a déposé dans son lit. Sa femme a dû dormir ailleurs.  »

L’assemblée rit et Ribéry, qui n’a pas compris, rougit. Il prend son temps pour répondre. Ce qui est frustrant dans ce genre de conférences, c’est que beaucoup de journalistes ne voient pas plus loin que leur pays. Un Ecossais lui demande donc s’il ne regrette pas de n’avoir jamais joué au Hampden Park de Glasgow. Ribéry répond que si, bien sûr. Un journaliste islandais le sonde sur les chances de son pays dans les barrages pour le Mondial. Que peut bien répondre Ribéry ? Il reste poli :  » Je ne connais pas bien l’équipe d’Islande.  » Il explique ensuite qu’il n’aurait jamais osé rêver atteindre pareil niveau et qu’il a même travaillé avant de rejoindre Brest, qu’il est plus efficace parce que Guardiola l’oblige à tirer constamment au but et qu’il est important pour lui de pouvoir beaucoup parler à l’entraîneur.  » C’est pour ça que je n’aimais pas Louis van Gaal. Le courant ne passait pas, même s’il était un professionnel accompli.  »

Franck Ribéry tient la forme de sa vie. Il espère être élu Joueur FIFA de l’année en janvier et achever sa carrière au Bayern.  » J’en suis à ma septième saison et je ne puis imaginer être mieux ailleurs. Aucun club de ce niveau ne rayonne de la même joie de jouer. C’est frappant au Bayern : chacun s’amuse.  » Et au terme de sa carrière ?  » Peut-être le club me trouvera-t-il un poste en son sein « , espère-t-il.

Offrir une solution

Pep Guardiola arrive. Le maigre Espagnol ne dispose que de vingt minutes. Première question : que pense-t-il du football en… Bosnie-Herzégovine ? Il répond qu’il ne parle pas des autres équipes  » car ce serait manquer de respect à mon collègue.  » Son analyse du jeu du Bayern est plus intéressante. Guardiola constate que le Bayern joue mieux en Ligue des Champions qu’en Bundesliga. Il vante surtout le match à Manchester City, alors qu’il avait modifié l’équipe pour la onzième fois en douze matches officiels.  » Nous ne pouvons reproduire ce niveau chaque semaine. Nous devons accélérer à meilleur escient.  »

Il doit être difficile de gagner la confiance de footballeurs qui restent sur un triplé. Guardiola apprécie la question :  » Je suis toujours en train de gagner cette confiance. C’est un processus. Qu’est-ce qui compte ? Offrir une solution aux joueurs quand ils demandent quelque chose. Faire quelque chose qui les incite à se poser des questions mais qui s’avère positif aux yeux de tous, après coup.  » Pense-t-il au changement de position de Lahm, l’arrière droit devenu milieu défensif ? Guardiola esquive la question. Il ne veut pas se lancer de fleurs.  » Je n’ai jamais travaillé avec un footballeur aussi intelligent. Il ne me semble donc pas illogique de le poster à une place où il peut mieux exploiter son intelligence.  »

Il s’en va car il a encore beaucoup de travail. C’est un professionnel accompli, comme tous les membres du Bayern l’ont découvert, y compris Franz Beckenbauer, qui n’en est pas moins surpris par certains changements.  » C’est Franz tout craché « , rit Markus Hörwick.  » Personne ne le contredit. La météo est délicieuse mais si Franz déclarait qu’il pleut, tout le monde opinerait.  »

Après un repas bavarois, la première des deux navettes vers l’aéroport se met en branle. Nina Aigner, une des deux assistantes d’Hörwick, parcourt la liste des noms. Il ne s’agit pas de commettre d’erreur : Ordnung muss sein. Quelqu’un lui demande si elle s’intéresse au football. Elle opine, sans dire qu’elle a joué pour les dames du Bayern pendant dix ans et qu’elle compte 40 sélections nationales – pour l’Autriche.

Le Bayern regorge de connaissance du football à tous les échelons.

PAR JACQUES SYS À MUNICH – PHOTOS: REUTERS

Le Bayern a disputé 229 matches d’affilée en Bundesliga dans un stade comble. À domicile et en déplacement.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire