LA MALÉDICTION MAURESMO

L’Open d’Australie s’est mal terminé, avec l’abandon de Kim Clijsters puis de Justine Henin.

J’ai eu sept ans pour y réfléchir et je ne sais pas quoi dire « . Après sa victoire à l’Open d’Australie, Amélie Mauresmo était perplexe. Il y a de quoi, après un tel par- cours : Justine Henin a été contrainte à l’abandon, dans une finale prometteuse, à cause de maux d’estomac. Cela n’était encore arrivé que quatre fois dans l’histoire, longue de 100 ans, du tournoi. Auparavant, gravement blessée à la cheville, Kim Clijsters avait ouvert le chemin de la finale à la Française, qui réside désormais à Genève. Au troisième tour, le jeune talent Michaëlla Krajicek avait craqué au bout d’un set. Il semble y avoir une malédiction Mauresmo. Celle-ci n’en a cure : la numéro 3 mondiale a oublié ses frustrations. Sept années de doutes et de questions ont pris fin.

En 1999, la Française avait fait impression en atteignant la finale de Melbourne, qu’elle avait perdue face à Martina Hingis. On lui prédisait pourtant un bel avenir mais ses nerfs lui ont joué des tours. En novembre 2005, sa victoire aux Masters, à la faveur de la fatigue des plus grandes, comme Clijsters, a provoqué un déclic. Elle n’a pas usurpé sa victoire en Australie. Elle constitue un modèle en préparation physique, elle a joué un excellent tennis contre nos deux compatriotes. Elle a progressé techniquement et contenu ses nerfs tout en étant bien en jambes, ce qu’on ne peut dire de nos Belges.

Justine : une stature apurée

Après son abandon, Justine était effondrée, alors que les photographes la mitraillaient. Elle avait entamé le tournoi en favorite, car elle avait gagné le tournoi préparatoire de Sydney avec brio, et elle progressait au fil des matches. Certes, elle s’était bien plainte d’une blessure tenace à l’épaule mais quelle joueuse était vraiment en forme ? On n’imaginait pas les effets qu’allaient avoir des anti-inflammatoires et des anti-douleurs administrés à forte dose. En quarts de finale, contre Lindsay Davenport, sa souplesse tactique, sa maturité, sa sérénité lui avaient permis de s’imposer. Au stade suivant, elle avait signé avec Maria Sharapova le meilleur match féminin de la quinzaine. Au premier set, la Russe avait surpris par son jeu varié, toujours appuyé sur beaucoup de force et de rythme, ce qui ne l’empêchait pas d’alterner les coups longs et les courts. On n’avait remarqué que sur les slices et les reprises sèches que Sharapova ne sentait pas bien la balle. Henin, elle, avait prouvé qu’elle avait progressé sur le plan physique. Grâce à ses nouveaux préparateurs physiques, Marc Francaux et Eddy Kuypers, attachés à l’Université de Louvain-la-Neuve, elle travaille davantage la prévention et la récupération. Sa stature s’est apurée et elle se sent plus légère sur le court. Son jeu de jambes a été brillant et couplé à son assurance. Beau match, jolie victoire. Hélas, cette vingtième victoire d’affilée en Australie – elle s’était adjugé les tournois de Sydney et de Melbourne en 2004 – a été sa dernière sur ce continent.

Deux jours auparavant, une Kim Clijsters anéantie avait également affronté la presse après son match contre Amélie Mauresmo. Le fait que la Limbourgeoise ait atteint les demi-finales constituait déjà un petit miracle. A chaque étape de ce tournoi, elle avait paru plus proche de l’abandon que du succès. Son corps l’a progressivement lâchée. L’entorse fatale n’a été que la conséquence de son état psychique et physique. Ses malheurs avaient commencé à la fin de l’année dernière. Après un pénible come-back, Clijsters avait remporté neuf tournois en l’espace de huit mois. Elle n’avait pas pris ensuite assez de repos. Elle n’était pas assez fraîche, mentalement, ni physiquement, pour entamer cette saison. Début janvier, elle a mal digéré son tournoi à Hong-Kong, malgré sa victoire. Elle s’est ensuite blessée à la hanche au début du tournoi de Sydney. Puis ce fut le dos. Clijsters a avalé des tonnes d’anti-douleurs et d’anti-inflammatoires. Un tirage favorable lui a permis de se traîner à travers le tournoi. Son match contre Schiavone a rendu espoir. Elle a atteint un niveau très élevé alors qu’elle ne s’entraînait pas. Son quart de finale contre Martina Hingis a laissé un goût amer. En cas de victoire, Clijsters redevenait première joueuse du monde. Pourtant, elle semblait jouer à contrec£ur, du jamais vu dans le chef de l’enthousiaste Limbourgeoise, le signe manifeste que les deux ans qui la séparent de sa pension s’annoncent très pénibles.

On peut qualifier d’incident malheureux sa blessure au stade suivant mais on peut aussi bien l’imputer à son état mental. Elle l’a admis elle-même : c’est la chaleur du public australien qui l’a aidée à tenir. Entamer un tournoi à contrec£ur tout en étant à peine à 50 % de ses possibilités physiques requiert énormément de résistance, comme toutes ces visites médicales, ces pilules, ces exercices de prévention et les kilomètres de tape qu’on lui a posés jour après jour. Un moment donné, on s’expose à un retour de flamme. Il est survenu dans le match face à Mauresmo.

Nouvelle rééducation pour Kim

Cette déchirure des ligaments oblige Kim à faire l’impasse sur les Diamond Games d’Anvers. Elle met également en péril sa première place au classement WTA. Avant son retour à la compétition, début avril, sans doute à la Fed Cup à Liège, une nouvelle rééducation pénible l’attend. Pourtant, cette blessure lui permet de se ressourcer, en passant plus de temps avec sa famille et son ami. Le corps de Clijsters a déjà encaissé pas mal de coups. Si le c£ur ne suit plus, la plus simple tâche s’apparentera à une mission impossible.

Le tournoi féminin de Melbourne a été bien médiocre. On n’a pas vu de beau tennis ni de suspense. En revanche, les blessures ont été légion. Façon de parler, l’Open a obtenu la finale qu’il méritait. Amélie Mauresmo s’en fiche. Elle a enfin arraché le Grand Chelem dont elle rêvait, et dans dix ans, plus personne ne se souviendra qu’en fait, elle a reçu cette coupe sur un plateau en argent. La survivante des tests physiques, animée de la plus grande rage de vaincre, l’a emporté. La malédiction Mauresmo a eu raison de toute l’opposition belge, à l’Open d’Australie.

FILIP DEWULF

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