LA MACHINE Borlée

Figure incontournable du sport belge, la famille Borlée est devenue une marque de fabrique performante, de plus en plus exploitée par les sponsors, et qui pourrait inspirer les chefs d’entreprise.

Estimant que le système sportif belge, vu ses dysfonctionnements, ne pouvait pas mener ses enfants au sommet, Jacques Borlée a préféré faire cavalier seul plutôt que de suivre la filière classique.  » J’ai refusé certaines aides de la fédération d’athlétisme et de la Communauté française car j’estimais que les programmes proposés ne mèneraient pas sur le chemin de la réussite.  »

En 2004, il se tourne vers le monde l’entreprise.  » Je suis allé voir des patrons et je leur ai expliqué que j’avais besoin de matériel sophistiqué, de caméras, de programmes informatiques et d’études biomécaniques pour travailler « , résume Jacques Borlée.  » A l’époque, c’était un pari sur l’avenir car Olivia n’avait pas encore réalisé de grands résultats.  » Le groupe immobilier John Lang Lasalle, la société Knauf (leader dans la fabrication de plâtres de construction) et la firme PMDS de Nivelles (diamant industriel) ont été les premiers à miser sur la  » marque Borlée « . Quand les premiers résultats d’Olivia sont tombés et que les jumeaux Kevin et Jonathan sont brillamment entrés en piste lors des Jeux olympiques de Pékin en 2008, d’autres sponsors ont embrayé comme Mazda, Nike, la banque Delen, JBC, et les Mutualités neutres. Toutefois, pas question de signer avec n’importe quelle marque, Jacques Borlée entend maîtriser la communication et le marketing de ses enfants.  » Tous nos partenaires sont des n°1 et partagent nos valeurs « , insiste-t-il.  » Je ne prendrai jamais, par exemple, McDonald’s (NDLR : qui a sponsoriséKim Gevaert) comme sponsor.  »

Ces partenaires jouent leur rôle dans la structure privée des Borlée.  » Leur aide n’est pas que financière, elle porte aussi sur l’accompagnement de ma PME « , explique le patriarche.  » On se rencontre régulièrement et ils me donnent leur avis.  » De précieux conseils aussi pour gérer le patrimoine des champions même si l’athlétisme rapporte beaucoup moins que d’autres sports (lire l’encadré  » Et l’argent dans tout cela ? »). Car, en bon père de famille, Jacques Borlée pense déjà à l’après-carrière et place les premières rentrées du clan.  » Je suis occupé à créer une société pour chacun de mes enfants. Je leur demande d’acheter des immeubles pour qu’ils aient quelque chose en main plus tard.  »

Merci la Communauté française !

Pour financer l’année d’un athlète de haut niveau, il faut compter 25.000 euros. Au minimum. Aujourd’hui, comme les résultats sont au rendez-vous, les Borlée sont devenus les chouchous des aides publiques.  » Je suis très virulent par rapport à la Communauté française « , lâche Jacques Borlée.  » Mais je dois re-connaître qu’elle nous aide de plus en plus en finançant des bourses, des stages et les frais relatifs aux grandes compétitions (voyage, hébergement, encadrement). « 

Ce qui ne fut pas toujours le cas.  » Jacques Borlée a dû batailler ferme pour obtenir des moyens financiers des pouvoirs publics « , se souvient Philippe Housiaux, l’ancien coprésident de la Ligue belge d’athlétisme aujourd’hui communautarisée et patron de l’agence de communication Dialogic.  » L’athlétisme est devenu un des sports prioritaires de la CF depuis qu’une dynamique s’est créée autour de ce sport sous l’impulsion des Borlée « , avoue Marc Jeanmoye, le chef de cabinet adjoint du ministre André Antoine, en charge du Sport en CF. Le budget qu’on alloue à la ligue francophone d’athlétisme s’élève à 1 million d’euros par an. Cela permet d’avoir 13 athlètes sous contrat, dont les Borlée. Un tel contrat permet au sportif de percevoir un salaire mensuel. Celui-ci varie, pour un temps plein (NDLR : les Borlée sont encore en partie aux études), entre 1.100 et 1.450 euros en fonction de l’âge.  » Vu ses résultats et son potentiel, le cabinet Antoine soutient de plus en plus l’écurie Borlée, dont Arnaud Destatte, médaillé de bronze aux 4×400 m de Barcelone, fait aussi partie.

Une marque de fabrique qui prend de la valeur

Même si la motivation première de Jacques Borlée n’était sans doute pas l’argent, il doit bien admettre que ses trois champions ont de l’or dans les jambes et sont devenus, par leurs performances, des produits marketing que certains sponsors utilisent plus que d’autres. La chaîne de magasins de vêtements JBC, l’un des derniers sponsors du clan Borlée, se sert, par exemple, des trois stars de la piste comme mannequins pour présenter sa dernière ligne de t-shirts. Olivia, qui étudie le stylisme, pourrait à l’avenir dessiner une collection pour la maison JBC.

 » La marque Borlée est devenue, à l’échelle internationale, une marque de fabrique synonyme de performance « , remarque Housiaux. Outre l’intérêt que la presse française leur a consacré, la BBC a sélectionné les Borlée parmi les 25 sportifs qu’elle suivra dans leur préparation aux JO de Londres. De quoi augmenter leur valeur commerciale. Jacques Borlée est, par ailleurs, en contact avec Belgacom pour créer une télévision dédiée à l’athlétisme comme cela existe aux Etats-Unis.

La  » marque Borlée  » intéresse, par ailleurs, le monde de l’entreprise. Le manager sportif est ainsi sollicité de plus en plus pour transmettre ses recettes de réussite, de performance et d’excellence aux patrons et entrepreneurs. Il anime des séminaires dans le cadre du programme  » PME Plus  » de l’Ichec. Le 30 septembre, il participera à la quatrième Journée de l’Excellence des PME, à Louvain-la-Neuve devant 300 dirigeants d’entreprise.  » Je dis souvent aux patrons et entrepreneurs que le plus important, ce sont les gens qui vont les entourer de façon régulière et qui pourront analyser l’ensemble de leurs erreurs. « 

Parmi les autres tuyaux qu’il leur souffle , il y a aussi celui de créer une ambiance propice à la fête à l’instar de  » b.house « , un lieu de rencontre pour les Belges à Barcelone que Jacques Borlée avait mis sur pied avec Brussels Airlines, également partenaire de la famille, pendant les Championnats d’Europe.

par sandrine vandendooren – photos: reporters

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