« La liberté, c’est sacré pour un Ardennais »

Le médian défensif des Dragons égrène les 13ans de sa carrière sportive de A à Z.

Il nous a fixé rendez-vous au « Pain Quotidien », en plein centre de Charleroi, et en le voyant terminer son petit déjeuner, on ne pourrait pas imaginer qu’Olivier Suray a déjà 31 ans. Pourtant, ses débuts en D1 sous le maillot des Zèbres datent du 10 septembre 1989 lors d’un déplacement à Ekeren.

Depuis, cet Ardennais a joué à Anderlecht, est revenu au Mambourg, a émigré au Standard, fit connaissance de la ferveur turque à Altay Izmir et à Adanaspor, montra le bout du nez à Beveren, signa une bonne saison à La Louvière avant de trouver chaussure à son pied au stade Tondreau de Mons. Suray a-t-il été un oiseau migrateur plutôt que de devenir le merle blanc que tout le montant voyait en lui lors de sa jeunesse flamboyante?

« Je n’ai pas de regrets », dit-il « Mon football, je le vis désormais beaucoup plus sereinement. Avec le temps, j’ai appris à mieux apprécier les choses. Je ne me suis jamais senti aussi bien. La malchance et les blessures m’ont joué de mauvais tours à des moments cruciaux de mon parcours sportif. Je n’ai jamais eu de plan de carrière mais qui peut en avoir alors que tout est si fragile et aléatoire. Une chose est sûre: je n’ai jamais fait la carpette ou le serpent pour obtenir quelque chose. J’aurais peut-être pu avoir plus mais cela n’aurait été possible qu’au prix de ma liberté. éa, jamais, c’est sacré: je suis un Ardennais. Je ne dois rien à personne… »

Ces quelques mots résument bien l’alphabet de sa carrière qui épousa parfois des courbes inattendues.

Albert

 » Philippe Albert n’a jamais cessé de progresser au cours de sa carrière et est très vite passé de Bouillon à l’équipe nationale, d’un club de D1 Provinciale aux Diables Rouges. Il a tout mérité à force de courage et de travail: Charleroi, Malines, Anderlecht, Newcastle, le Soulier d’Or, l’équipe nationale, son but face à la Hollande lors de la Coupe du Monde 94. Un gars bien, droit, pas une girouette comme on en voit trop sur et autour des terrains de football. Il a mérité le respect de tous en Angleterre, ce n’est pas rien. Quand il est revenu à Charleroi, il a été confronté à la mesquinerie et aux doutes par rapport à sa personnalité et ses capacités sportives. Cela l’a dégoûté et il a préféré tourner le dos à ce milieu où les faux jetons sont trop nombreux. Et je vous assure qu’il ne s’en porte pas plus mal. Philippe est le parrain de mon troisième enfant, Mathis, on ne se voit pas souvent mais nous nous téléphonons trois fois par semaine: c’est rare pour des Ardennais ».

Bruxelles

« J’adore me rendre dans la capitale, la ville de mon troisième club: Anderlecht. Il y règne une ambiance spéciale, très cosmopolite, certes, mais je m’amuse toujours en appréciant l’accent bruxellois. Les habitants du coeur de l’Europe ont gardé le sens de l’humour, de la dérision, du surréalisme bien belge, de la fête. Quand je veux m’offrir une bonne bouffe avec les miens et des amis, je vais à Bruxelles où les bons restos ne se comptent pas. Par rapport à cela, Charleroi est une ville morte. Tout se passe à Bruxelles, surtout au point de vue économique, mais si j’aime m’y rendre, je ne voudrais pas y habiter car c’est un peu trop impersonnel. Je vis dans le Pays de Charleroi, j’y reste, c’est chez moi même si j’ai passé ma jeunesse à Gedinne, dans les Ardennes ».

Casto

« J’ai trois vrais amis dans les milieux du football: Philippe Albert, Roch Gérard et Marco Casto. Techniquement, ce dernier n’a rien à envier à personne: conduite de balle, pied gauche affolant, lecture du jeu, frappe de qualité, etc. On n’a pas bien mesuré son talent à Charleroi. Il dit aussi ce qu’il pense sans prendre de gants, c’est pour cela qu’il est mon ami. Marco a beaucoup donné à Charleroi avant d’émigrer à Mouscron. Comme Philippe, comme Roch, comme moi mais quand on montre le bout du nez au Sporting, c’est oublié. Les Zèbres préfèrent-ils leurs soucis actuels à leurs derniers bons moments? »

Dante

« Je n’ai pas la même vision des choses que lui. C’est même exactement le contraire. Dante Brogno ne pense qu’à lui et quand il s’occupe des autres, ce qui est rare, c’est que cela l’arrange bien. Autrement dit, il y a lui et puis le reste. Quand j’organise un dîner d’anciens du Sporting, beaucoup le disent: -Si Dante est invité, je ne viens pas. Il devrait se demander pourquoi. Sportivement, Brogno était un grand joueur capable de gagner un match à lui seul. Personne n’avait un aussi beau crochet et son talent aurait dû le mener en équipe nationale. Or, il n’a jamais été qu’à la pêche en Zélande avec les Diables Rouges: à cause de son caractère égoïste. Il a toujours cherché des alliés parmi les dirigeants et les politiciens. Certains y voient un signe d’intelligence, la presse peut-être, pas les joueurs qui ne connaissent qu’une vérité: le terrain. A mon avis, il ne va pas rigoler dans son nouveau défi: les joueurs de Charleroi ne l’aiment pas ».

Eric

« Mon frère avait plus de talent que moi. Il a été blessé aux mauvais moments, a manqué de caractère pour redresser le tir parmi les jeunes à Anderlecht ou au Sporting de Charleroi. Il est passé à deux doigts de la montre en or. Eric y pense probablement en se levant tous les jours à quatre heures du matin pour se rendre à son boulot, à la poste d’Andenne et faire ses tournées à vélo. Il entraîne actuellement un petit club: Vezin ».

Ferrera

 » Emilio m’a permis de revenir en Belgique après mes aventures en Turquie. Fameux entraîneur qui se retrouvera vite dans un grand club étranger. J’ai eu des problèmes avec lui. Il craignait des choses bizarres, avait-il dit, contre La Louvière où Benoît Thans était parti en cours de saison. Et il m’a écarté, donnant aux autres l’impression que j’aurais pu vendre ce match: je n’ai pas appréciécar s’il n’a rien dit, Emilio m’indiquait ainsi du doigt. Un jour, ma femme, qui était enceinte, fit une chute dans l’escalier dont elle gardera toujours les traces sur une jambe. Je devais m’occuper d’elle, de nos enfants, et j’ai prévenu qu’il m’était impossible de m’entraîner ce dimanche-là. Emilio a dit que c’était une excuse. Je n’ai pas apprécié non plus mais nous avons tout mis à plat en fin de saison: nous nous sommes finalement quittés en bons termes ».

Grosjean

 » J’avais entendu pas mal de choses à son propos,parfois négatives, avant mon arrivée à Mons. La fin de son aventure au Tivoli avait été éprouvante. J’ai découvert un fou de travail, un coach méticuleux qui est exigeant mais humain. Si Emilio Ferrera a une réputation de maître tacticien, Marc Grosjean n’a rien à lui envier et sa science s’exprime via un style de jeu immuable. Mons y puise des habitudes, des automatismes qui rapportent gros ».

Hurryet

« La presse turque, c’est la folie et le foot occupe une place de choix dans les pages de ce journal. Les clubs d’Istanbul sont espionnés jour et nuit. Le moindre détail est grossi à la folie mais les clubs de province sont, eux, snobés. La presse belge est plus gentille mais je n’aime pas les copinages. Certains médias favorisent les sportifs de leur zone de diffusion. Où est le sport là-dedans? On encense trop vite, on est descendu au premier mauvais match par des journalistes qui n’ont parfois jamais touché un ballon de football. Blondel et Buffel sont portés aux cieux alors qu’ils n’ont encore rien prouvé ».

Izmir

 » Altay Izmir a été mon premier club turc grâce au coup de pouce d’ Aktepe, ancien joueur de Charleroi. Une belle aventure. J’y ai bien gagné ma vie mais j’étais tout le temps au vert: c’était trop dur pour ma famille. Je suis passé ensuite à Adanaspor qui était moins performant ».

Karamantli

« Menteur, tricheur, manipulateur, escroc qui a mis des joueurs dans la m…à Beveren. Ce manager qui voulait reprendre Beveren l’a presque tué… »

Johan

 » Boskamp m’a fait venir à Anderlecht. J’étais son premier choix. Il aimait les jeunes mais j’ai longtemps été blessé. Quand j’ai enfin carburé à plein régime, l’affaire Bosman éclata. J’ai joué mais le club donna soudain l’ordre à Boskamp de me garder sur le banc tant que je ne signais pas un nouveau contrat. Boskamp a obéi et a été très p…sur ce coup-là: il m’a déçu, Luka Peruzovic n’aurait jamais accepté ce diktat. Moi, pas question de céder à ce chantage. Certainement pas pour un peu de fric en plus. Je ne l’ai jamais fait, je ne le ferai jamais. J’étais sûr de moi, je suis parti, sans regret, et c’est Anderlecht qui a été le grand perdant: j’étais gratuit alors que j’avais coûté 1.250.000 euros ».

Léonard

« Il m’a blessé volontairement en finale de la Coupe de Belgique entre le Standard et Charleroi. Arie Haan avait exigé un gros engagement liégeois. J’ai eu une capsulite et mon adaptation à Anderlecht fut compliquée par cette blessure. J’ai même consulté des rebouteux et j’ai cru que ma carrière était terminée. Philippe Léonard n’a jamais pris de mes nouvelles ».

Mambourg

« Ce n’est plus ce que c’était. Cétait le temple de la proximité entre public et joueurs. Je n’y vois plus qu’une froide cathédrale. Avant, on nous critiquait quand Charleroi ne visait pas l’Europe. Maintenant, c’est l’indifférence: attention danger, qu’a-t-on fait du Sporting? »

Neba

« Un grand attaquant. Le fer de lance de mon Charleroi. Quand il avait la balle, on pouvait compter jusqu’à dix, il l’avait encore malgré les charges et l’entrejeu pouvait remonter le terrain. Aujourd’hui, quand on compte jusqu’à trois, c’est pas mal et cela fait la différence. Neba Malbasa ne supportait pas qu’on rigole dans le vestiaire avant un match: sacré battant ».

Olivier

« Je me suis blessé en débarquant à Mons. Olivier Berquemanne s’est installé au poste de médian défensif et a prouvé qu’il aurait pu jouer dix ans en D1. Merveilleux clubman. Je l’ai admiré même si j’étais dans la tribune. Il souffre d’une hernie discale et cela m’a permis de retrouver ma place. C’est la vie ».

Portsmouth

« Le club de MilanMandaric. J’y ai passé des tests positifs après avoir quitté le Standard mais grâce à l’agent Michel Poels,j’aurais dû jouer à Leicester City. C’était d’accord après avoir bossé un mois dans ce club mais une nouvelle blessure a tout ruiné ».

Qatar

« Peruzovic y entraîne. J’appréciais Luka. Travail, travail, toujours le travail à nous faire crever mais cela marchait. Il avait la plus belle des collections de gros mots. Heureusement, il ne les prononçait pas en français. Son fils s’entraînait avec nous: il était sans pitié pour lui. Luka Jr rentrait parfois à la maison en train. Quand il était en retard après la douche, son père ne l’attendait pas ».

Roch

« Il a tout donnéà Charleroi qui l’a trahi en ne lui offrant pas le nouveau contrat promis. Un scandale car il s’est retrouvé sans rien à la fin de la période des transferts. A cette époque, on a dit que nous ne crachions pas sur une bière. On ne se cachait pas, c’était familialet performant. Tous les joueurs apprécient une bière après un match ».

Standard

 » Les Carolos m’en ont voulu quand j’ai signé au Standard. Ce n’est plus un grand club. Et le renouveau n’est pas pour demain. Quand il n’y a pas de problèmes, on en crée. On ne peut pas construire en changeant un demi équipe tous les ans. On m’a imposé une amende car j’avais préféré soigner mes enfants malades que d’assister à une séance de dédicaces. J’a menacé de partir si on ne supprimait pas l’amende: ils ne m’ont pas cru,je n’ai pas signé de nouveau Transfert C et j’ai quitté le club car ce manque de respect était intolérable ».

Tivoli

« Bonne saison pour moi. Ariel Jacobs a redressé le tir après le départ de Daniel Leclercq. J’ai repris les entraînements cette saison avec les Loups. Jacobs savait que le club, qui aime les braves toutous, préférait que je parte. Il ne m’a rien dit. Quand j’ai été voir la direction, il m’a demandé de le tenir au courant. Il attend toujours… »

USA

« J’aurais dû y aller à la Coupe du Monde en 1994. Une blessure m’en a privé, c’est un des plus mauvais souvenirs de ma carrière. J’ai été à Las Vegas plus tard: pour me marier ».

Van Meir

« Eric est honnête, correct, loyal. Bravo pour sa carrière ».

Waseige

« Le meilleur! Robert Waseige était craint, respecté, savait être humain et donna souvent une autre dimension à ses joueurs. Il a commis une erreur en quittant l’équipe nationale pour retourner au Standard ».

X

 » J’ai souvent passé des rayons X pour mes blessures. Maintenant, j’espère que l’heure est au rayon de soleil pour moi ».

Yaw

 » J’aimais bien Preko, je l’ai retrouvé en Turquie où j’ai joué contre lui. Il me fait penser à ces nombreux joueurs africains à qui on promet la lune et que des managers ou des clubs abandonnent sans gêne ».

Zetterberg

 » Pär: un maître à jouer qui a su vaincre son diabète et arriver au sommet. Un exemple pour tous. Il a débuté sur le banc à Charleroi. A Anderlecht, il s’asseyait toujours sur la pile de journaux. Pas moyen de lire un quotidien avant lui. Il était toujours lepremier informé ».

Pierre Bilic

« Les joueurs de Charleroi n’aiment pas Dante Brogno »

« Le Standard n’est plus grand : quand il n’y a pas de problèmes, on en crée »

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