LA GREVE DES MILLIARDAIRES

Avez-vous vu Liverpool-Manchester United, l’affiche de la onzième journée de la Premier League, dimanche dernier? En direct sur l’écran de la quasi-totalité des pays du monde. Pourtant, il s’en est fallu de peu que le choc n’ait pas lieu. A cause d’une grève des joueurs professionnels anglais qui sont membres du PFA, la Professional Footballers Association. Cette organisation exige une plus grande part des droits de retransmission que la Premier League et la Football League encaissent, soit environ 65 milliards de nos francs, selon le dernier contrat. L’année dernière, le syndicat recevait 575 millions de francs, une somme qui a sérieusement diminué, car la Premier League a décidé de diminuer sa quote-part de 488 à 338 millions.

Pourquoi la PFA a-t-elle besoin de tant d’argent? D’abord pour assurer sa propre survie. Mais aussi pour alimenter un fonds d’assistance aux footballeurs professionnels dont la carrière est interrompue prématurément, suite à une blessure incurable. A des footballeurs professionnels qui évoluent dans des divisions inférieures, car des vedettes comme Roy Keane, Sol Campbell, Michael Owen ou David Beckham, qui gagnent de 5 à 6 millions par semaine, peuvent se permettre de contracter une confortable assurance. On pourrait penser que ces grands joueurs, qui brassent des sommes considérables, veilleraient eux-mêmes à préserver des coups durs leurs collègues moins bien dotés par les dieux du football. Et bien non. La cotisation annuelle de Roy Keane à la PFA n’atteint même pas 5.000 francs. La moyenne par joueur est de 3.500 francs. C’est la cotisation la plus basse de toutes les associations professionnelles au Royaume-Uni. Or, elles comptent toutes de six cents millions à un million et demi de membres alors que la PFA n’en dénombre que 3.496.

Les dirigeants de ces syndicats sont évidemment des citoyens bien rémunérés mais ceux d’Unison (les pouvoirs publics) ou de TGW, les transports, par exemple, ne gagnent, avec leurs six millions par an, même pas le quart du salaire de Gordon Taylor, le secrétaire général de la PFA. Primes comprises, celui-ci empoche 458.370 livres par an, soit près de trente millions. John Melling a calculé, pour The Mail on Sunday, que ce montant est comparable aux rentrées annuelles du footballeur professionnel moyen en D1 anglaise mais qu’il est deux fois plus élevé que la somme versée par l’Etat à Tony Blair, pour une fonction qui comporte bien plus de responsabilités et qui lui procure sans aucun doute bien des maux de tête.

Il ne faut pas s’étonner si la grève de dimanche dernier n’a finalement pas eu lieu. La semaine dernière, à Lens, où son club affrontait Lille en Ligue des Champions, Ken Merrett, le secrétaire général de Manchester United, nous a expliqué qu’elle n’aurait pas davantage lieu qu’en 1992 et en 1997. La PFA avait déjà prévu des grèves qui n’avaient pas été suivies. Pourtant, à l’époque, Gordon Taylor avait rallié derrière lui 80% des footballeurs professionnels. Ceux-ci n’oseront jamais faire grève ni prendre en otages les supporters ni les téléspectateurs.

C’est d’autant plus difficile que les joueurs étrangers, a priori moins enclins à la solidarité avec les éléments des divisions inférieures, sont de plus en plus nombreux dans les rangs anglais et qu’ils commencent à former une petite majorité en Premier League, surtout si on considère les Gallois, les Ecossais et les Irlandais comme tels. Graeme Le Saux et Gary Neville ont dû en faire l’expérience. Ils représentent les joueurs de la PFA, respectivement à Chelsea et à Manchester United. On peut imaginer l’accueil qu’ils auront reçu en allant exposer leurs arguments de mendiants à Gianfranco Zola, Marcel Desailly et Celestine Babayaro d’un côté, à Fabien Barthez, Juan Veron et Ruud van Nistelrooy de l’autre.

Mick Michels

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