La grande famille du foot

Troisième composante, le joueur lui-même, professionnel de l’engueulade (envers l’arbitre, l’adversaire, parfois le partenaire) et boudeur médiatisé (quand son méchant coach – ou son méchant dirigeant planqué derrière son méchant coach – le met sur le banc) ! Vient alors l’entraîneur, moins querelleur (sauf envers l’arbitre) mais davantage maso/ Caliméro, grand cerveau incompris, personne ne l’aime : ni son président qui doute de lui à tort, ni le public qui hue à tort, ni son joueur écarté qui tire la tronche à tort, ni la presse qui tactique à tort… Cinquième faction, le dirigeant : d’abord il ronchonne sur l’arbitre, puis sur une presse toujours négative, ensuite il grondera ses joueurs si ronchonner sur un tiers s’avère insuffisant, et enfin défenestrera le coach pour tenter quelque chose…  » L’enfer, c’est les autres « , comme disait Jean-Paul ( Sartre, pas Colonval). Une grande famille, je vous disais.

J’allais oublier la sixième composante : last but not least, ze referee, l’arbitre ! Il fait l’unanimité contre lui : à tour de rôle, les cinq autres l’engueulent mais il ferme le sienne. Le seul non-violent de la famille ! Stoïque, masochiste, héroïque, carriériste aussi : car se mettre à contester lui-même un règlement de merde équivaudrait à bousiller ses chances d’être promu ! Mais bon… comment reprocher à l’arbitre d’être -lui aussi- un compétiteur ? Tout bien pesé, le ref est un saint : ou plutôt une sainte, c’est encore plus admirable et virginal. Et même parfois une sainte Nitouche. Car la sainteté, par instants proche de la crétinerie, n’est pas à la portée de tout le monde : elle est non violente mais elle énerve les violents. Une grande famille, décidément.

Lors du passage du footballeur devenu vieux vers l’une des autres composantes, la presse peut s’avérer paradoxale. Ainsi, d’aucuns critiquent au sein de la profession ce qui serait un mélange des genres, dont profite l’ex-footballeur pro pour devenir non plus consultant/interviewé occasionnel, mais journaliste/présentateur/commentateur effectif : au détriment du jeune diplômé en journalisme voyant s’amenuiser ses chances d’être un jour le nouveau Michel Lecomte. Bof. D’abord, ce n’est pas nouveau, rememberArsène Vaillant. Mais surtout, ce mélange des genres mis en cause quand il s’agit de la presse (peut-être qu’un jour, star system oblige, Benjamin Deceuninck disparaîtra du petit écran pour Jean-Marie Pfaff, Rodrigo Beenkens pour Danny Boffin, Lecomte pour Frédéric Pierre, que sais-je encore…), la presse elle-même le prône quand il s’agit des dirigeants, remember les critiques actuelles envers l’URBSFA. Nos gouvernants ne sont pas décrétés nuls parce qu’ils seraient nuls, ils le sont  » parce qu’ils n’ont jamais joué au football, jamais vu un ballon de près  » (sic, fréquent) : et la presse de se demander ce qu’on attend pour  » rendre le football aux footballeurs « , faisant elle-même campagne pour que les Diables d’hier nous sortent du marasme en squattant demain nos hautes instances dirigeantes…

C’est injuste et idiot. Injuste parce que dans la grande famille, les dirigeants n’ont pas moins joué au football que les journalistes ou bien d’autres : faudra un jour arrêter cette accusation imbécile en cascade, qui fait qu’on est toujours le non-joueur de quelqu’un d’autre ayant joué plus haut… Idiot parce que l’ex-joueur du top n’a pas le monopole de la compétence footeuse, qu’il n’en devient pas pour autant idéal dans toutes les fonctions. Ou alors, on pousse la cohérence jusqu’à l’absurde : en décrétant que demain, seuls les ex-joueurs de D1 pourront coacher en D1 (même s’ils ne s’avèrent pas plus fortiches), arbitrer en D1 (bonne chance pour en trouver…), être dirigeant en D1 ou journaliste pour la D1… voire assister à un match de D1 ! Mais ça sera une toute petite famille, et encore plus bordélique que la grande actuelle. « 

par bernard jeunejean

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