» La France n’y voit que du bleu « 

Pourquoi les choix tactiques de Jacques Santini sont-ils au centre de toutes les polémiques en France ?

Georges Heylens : Le jeu des Bleus a constitué une des déceptions de la première partie de la phase finale de l’Euro 2004. Le doute a habité les Bleus dès que l’Angleterre a privé leur équipe d’espace. Mais, même quand il y avait soudain des appels d’air dans la défense adverse, on n’a pas vu Thierry Henry, décevant, ou David Trezeguet, trop attentiste. Pour le même prix, la France, chanceuse, aurait pu se retrouver avec zéro point sur six avant de se mesurer à la Suisse. L’équipe n’était pas équilibrée. Zinédine Zidane s’est déplacé de plus en plus vers l’axe du jeu. Il fallait y apporter de la variété mais il en fait peut-être un peu trop. Ce glissement a généré un vide sur la gauche où les backs gauches (Bixente Lizarazu puis Mikaël Silvestre) furent trop défensifs. La France n’y voit que du bleu. Même la défense a présenté des fêlures. Dans ce secteur, le duo Patrick Vieira-Claude Makelele ou Olivier Dacourt n’avait pas fait oublier le duo Didier Deschamps-Emmanuël Petit. Je trouve aussi que Lilian Thuram est plus fort que William Gallas au back droit. Marcel Desailly a pris un solide coup de vieux et si Thuram est indispensable aux yeux de Jacques Santini, pour son métier et sa vitesse, alors il serait intéressant de placer Willy Sagnol au back droit. A gauche, je me demande pourquoi le staff technique français n’a pas pensé tout de suite à Jérôme Rothen. Avec lui, Zinédine Zidane aurait pu diriger la man£uvre sans songer à se décaler sur la gauche en cas de perte de balle.

La Suède et la Tchéquie ne sont-elles pas les révélations de la première partie de cet Euro ?

Oui. Pays-Bas-Tchéquie fut splendide. Ce sont des équipes bien organisées, certes, mais qui ne calculent pas, pensent et agissent offensivement. Par rapport à cela, à cet apport de fraîcheur, des pays comme l’Italie et la France, par exemple, se protègent trop. A l’heure actuelle, cela donne un football démodé. La vérité appartient aux équipes qui attaquent. Si l’Italie n’a pas battu la Suède, c’est parce qu’elle fut défensive en deuxième mi-temps. Si je devais désigner une équipe idéale, je retiendrais toute la division offensive tchèque, Jan Koller en tête. Mais j’ai encore à l’esprit le but de la tête de Henrik Larsson contre la Bulgarie et l’exploit de Zlatan Ibrahimovic face à l’Italie. Gianluigi Buffon n’en revient toujours pas. La Grèce m’a plu par sa foi et son organisation globale. Quand on voit l’effondrement de la Bulgarie, on peut se demander comment ce pays a pris la mesure des Diables Rouges en éliminatoires. La différence porte un nom : Monsieur Balakov. Sans lui, la Bulgarie a perdu la plupart de ses atouts. Wayne Rooney rend de grands services à l’Angleterre. Mais, entre les vedettes, il y a aussi l’anti-héros : Francesco Totti. Pour son crachat à la figure d’un adversaire, le Danois Christian Poulsen, il mérite bien plus qu’une suspension de trois matches. Son geste était honteux et il devrait être interdit de rencontres internationales, que ce soit avec l’équipe nationale ou son club, durant un an. A ce prix-là, il n’y aurait plus de lamas sur les terrains.

Loin de là, Mbo a enfin signé son contrat à Anderlecht : n’est-ce pas le transfert de l’année ?

C’est en tout cas l’acquisition de l’été. Les départs de Bernd Thijs et d’Onder Turaci vers la Turquie ont aussi défrayé la chronique. Le Limbourgeois rentabilisera son talent à Trabzon. Onder Turaci est fier de jouer à Fenerbahce, un club du pays de ses parents. Le football turc est riche, puissant, talentueux, plein d’avenir mais Onder et Bernd doivent savoir que le plus dur commence. Ils ont été bien accueillis mais les supporters turcs ne supportent pas la défaite. En cas de pépins, ils découvriront une autre pression qu’à Sclessin ou à Genk.

Propos recueillis par Pierre Bilic

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