La France le veut

Un an après l’Euro des -17 ans qui l’a révélé, que devient celui qu’on considère comme le plus grand talent en devenir du football belge ?

Il y a un an, juste avant le Championnat d’Europe des -17 ans organisé en Belgique, EdenHazard nous accordait la toute première interview de sa carrière. Y en a-t-il eu beaucoup d’autres depuis ?  » Pas tellement « , reconnaît-il. Et de fait : on s’est focalisé sur lui pendant l’Euro, et un peu avant le Championnat du Monde, mais après on l’a un peu perdu de vue. Il faut dire que ses parents eux-mêmes ne savaient pas toujours très bien où ils devaient se rendre pour le voir à l’£uvre : au match des -18 ans, à celui de CFA ou tout bonnement en Ligue 1 ? Celui que beaucoup d’observateurs considèrent comme le plus grand talent en devenir du football belge a touché à tout. Comment lui-même a-t-il vécu sa saison ?  » La première partie fut très bonne « , dit-il.  » J’ai connu beaucoup de satisfactions. La seconde fut moins drôle. Au niveau football, mais sur un plan plus général aussi : j’étais un peu las, j’en avais marre de vivre au domaine de Luchin (le nouveau centre de formation du LOSC) et, pour tout dire, j’aspirais à partir en vacances « .

 » Je n’étais pas inférieur à Bojan Krkic « 

Eden, âgé de 16 ans à peine à l’époque, s’est donc révélé à la Belgique du football lors de l’Euro 2007. Les spectateurs présents à Tournai et à Tubize ont été éblouis par sa classe naturelle. On ne va pas faire de comparaisons avec des joueurs légendaires qui ont marqué l’histoire du football, car ce serait sans doute lui rendre un mauvais service, mais lorsqu’il joue contre des garçons de son âge, il est capable d’entrer en possession du ballon au milieu du terrain et d’aller marquer en dribblant toute la défense adverse. Ou, encore, de tenter un lob depuis la ligne médiane lorsqu’il voit le gardien un peu avancé. Grâce à lui, mais aussi au travail des dix autres joueurs qui l’entouraient, la Belgique s’était hissée en demi-finales où elle fut éliminée aux tirs au but par l’Espagne, future lauréate.  » Sur le coup, il y avait évidemment la déception d’avoir été éliminé d’une telle manière « , reconnaît Eden.  » Mais aujourd’hui, lorsque j’y repense, cet Euro n’était que du bonheur. D’autant qu’il s’est déroulé en Belgique : un souvenir inoubliable « .

Dans l’équipe espagnole qui a décroché la médaille d’or, il y avait un certain BojanKrkic, de Barcelone.  » Aujourd’hui, lorsque je le regarde à la télé lors des matches de Ligue des Champions, je me dis que lors de notre affrontement je n’avais pas été inférieur à lui. A l’Euro, il n’avait véritablement donné sa pleine mesure qu’en demi-finales et en finale. Il est déjà beaucoup plus loin que moi, mais il est aussi… un an plus âgé que moi. D’autres joueurs espagnols présents à l’Euro ont effectué leurs débuts en Liga. Comme IgnacioCamacho, de l’Atletico Madrid. En Belgique aussi, certains ont pu goûter à la D1. Surtout les joueurs de Genk, comme ChristianBenteke, KevinKis ou DimitriDaeseleire. SébastienPhiri, lui, a signé à La Gantoise. C’est aussi une belle promotion « .

En août, il y eut l’expédition en Corée du Sud, où la Belgique participa au Championnat du Monde des -17 ans pour la première fois de son histoire. Le tirage au sort incitait à l’optimisme : la Tunisie, le Tadjikistan et les Etats-Unis, cela ne paraissait pas insurmontable. Mais au bout du compte, ce fut la désillusion : les Diablotins rentrèrent au pays après trois matches.  » En outre, on a été éliminé à la différence de buts, ce qui a ajouté à l’amertume « , affirme Eden.  » La chaleur dans laquelle on a dû évoluer était un désavantage. Mais je n’ai pas retrouvé, non plus, cet esprit de groupe qui avait prévalu lors de nos apparitions à l’Euro. En fait, rien n’a tourné comme on l’espérait. On a commencé par une défaite 2-4 contre la Tunisie. On a ensuite battu le Tadjikistan 1-0, c’était la moindre des choses. Un match nul contre les Etats-Unis aurait suffi, mais après une demi-heure, Christian Benteke s’est vu brandir le carton rouge. On a perdu 0-2 « .

 » Un grand Noir de 100 kilos… « 

La fin d’un beau rêve.  » Au niveau de mon bilan personnel, j’espérais mieux également. Dans le jeu, j’ai été bon, mais statistiquement, mon nom n’apparaît nulle part au Championnat du Monde : aucun but, aucun assist. J’avais été bien plus efficace à l’Euro « .

Pas le temps de s’appesantir : les trois coups d’une nouvelle saison vont être frappés. Eden va l’entamer, auréolé d’un premier contrat pro de trois ans. Il évoluera tantôt avec les -18 ans, tantôt avec la CFA entraînée par PascalPlanque, un ancien joueur emblématique du club.  » Je peux vous assurer qu’en CFA, ça… rentre dedans ! « , rigole Eden.  » J’ai parfois été retourné comme une crêpe. Après un match, j’ai mal partout. Je me souviens d’un grand Noir qui m’a foncé dessus alors qu’il devait bien peser 100 kilos…  »

Le métier qui entre, en quelque sorte.  » En CFA, je parvenais encore à dribbler, mais beaucoup moins qu’en jeunes. Je devais aussi veiller à effectuer le bon choix. Quand j’affrontais des garçons de mon âge, il m’arrivait d’effectuer le mauvais choix mais cela réussissait quand même « .

Rien de spécial, jusqu’au 24 novembre 2007 où un petit entrefilet dans la presse passa presque inaperçu : à 16 ans et dix mois, Eden a joué 15 minutes à Nancy et est devenu le plus jeune joueur du LOSC à fouler une pelouse de Ligue 1. Le deuxième en France, après LaurentPaganelli (désormais journaliste à Canal +) à la période de gloire de Saint-Etienne.

 » J’en ai été le premier surpris. En fait, la veille du départ, un joueur de CFA avait jeté un £il sur le tableau où ClaudePuel avait inscrit les noms des joueurs appelés à effectuer le déplacement en Lorraine. Il m’a dit : – Eden, tuesrepris ! J’ai sursauté : – Quoi ? Je ne m’attendais pas trop à jouer, même si, à la mi-temps, je me suis échauffé avec les autres remplaçants. A 15 minutes de la fin, le coach m’a appelé et m’a introduit au jeu en même temps que Kevin Mirallas. Il m’a dit : – Eden, netemetspaslapressionetjouetonjeu ! C’était déjà 2-0 à ce moment-là, on n’a rien pu faire. J’ai touché quatre ou cinq ballons au maximum, et si ma mémoire n’est pas défaillante, je crois que je les ai… tous perdus ! Par contre, j’ai gagné trois duels de la tête… « .

Pour le déplacement à Nancy, Eden avait logiquement partagé la chambre de Mirallas, qu’il considère comme son grand-frère. Lors du déplacement à Sochaux, en revanche, il partageait la chambre de PierreAlainFrau.  » C’est un ancien de Sochaux et une télé locale lui a consacré un reportage à l’hôtel pour son retour. J’apparais furtivement dans le reportage « .

Au total, Eden disputera quatre bribes de matches en Ligue 1 : deux en déplacement (Nancy et Sochaux) et deux à domicile (Metz et PSG). Mais elles le laisseront sur sa faim.  » On dit que l’appétit vient en mangeant, et c’est ce que j’ai ressenti. Après avoir goûté à l’équipe Première, j’aspirais à en reprendre. Je pensais que mon temps de jeu n’allait faire que s’accroître. Or, je suis redescendu chez les jeunes. Cela m’a un peu déçu « .

L’équipe de CFA du LOSC est arrivée en finale de la compétition contre Monaco (en fait, l’épreuve finale ne réunit que les Réserves des clubs pros, pas les clubs amateurs de la série), mais ce fut sans Eden, qui était déjà en vacances avec les -18 ans.  » D’après ce que j’ai entendu, mes apparitions chez les Pros – suivies d’un retour chez les jeunes – étaient destinées à me préparer mentalement. De ce point de vue-là, je n’aurai pas perdu mon temps cette saison : mentalement, je suis blindé désormais « .

De quelques discussions qu’il a eues avec Puel, Eden a retenu l’essentiel :  » Il m’a dit que j’avais du talent, mais que je devais encore progresser dans certains domaines. Défensivement, il y a du pain sur la planche, selon lui. Je dois aussi augmenter mon volume de jeu : ne pas me contenter de l’une ou l’autre action brillante, pour ensuite me reposer sur mes lauriers « . Au LOSC, Eden n’aura pas carte blanche sur le plan offensif : il devra devenir un joueur complet pour s’imposer.

 » Les Diables Rouges ? Oui, j’y pense « 

Au niveau de l’équipe nationale, Eden a tâté des trois catégories : les -17 ans, les -18 ans et les -19 ans.  » Avec cette dernière catégorie, j’ai participé aux qualifications pour le Championnat d’Europe en Angleterre, mais on a été éliminé. On avait pourtant battu la Roumanie 4-0 lors du match d’ouverture, mais on a perdu les deux autres. En fait, cela n’a pas été une année faste pour les équipes nationales de jeunes. Les Espoirs de Jean-François de Sart, nouvelle génération, sont eux aussi déjà éliminés de la course à l’Euro 2009 alors qu’il leur reste deux matches à disputer « .

Le prochain objectif raisonnable pour Eden pourrait être les JO de 2012 à Londres. Il aura alors 21 ans. Et les Diables Rouges, y pense-t-il déjà ?  » Honnêtement, oui. J’ai envie d’y aller le plus vite possible. Mais je sais aussi qu’une éventuelle sélection passera par de bonnes prestations dans mon club. Il faudra que je devienne titulaire, ou du moins, que je joue plus régulièrement. Pour le début de la prochaine campagne, ce sera sans doute trop tôt. Mais j’espère pouvoir frapper à la porte à la fin de la saison prochaine « .

Au printemps 2009, donc. Et pas avec l’équipe de France, que cela soit clair :  » On me l’a déjà proposé, mais j’ai refusé. Je suis Belge et fier de l’être « .

Et en club ? Après de brèves vacances avec un copain du centre de formation, Eden avait rendez-vous le lundi 23 juin pour la reprise des entraînements.  » Ce sera une année importante pour moi. A 17 ans, je dois commencer à percer. J’espère aussi inscrire mon premier but en Ligue 1. En fait, j’espérais devenir plus précoce que Kevin dans ce domaine, mais il a inscrit son premier but à 17 ans et… quelques mois. Je ne dois plus trop traîner. A moins que je compte le but que j’ai inscrit en match amical contre Bruges, une semaine avant mes débuts officiels à Nancy ? Ma toute première apparition avec les pros – et donc mon tout premier but – c’était celle-là. Je l’avais presque oubliée. Tournai est vraiment un stade qui me porte chance. D’abord l’Euro, puis ce bonheur-là ! « 

par daniel devos

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