La force en tête

Plus physique et puissante qu’avant, la Rochefortoise oublie parfois sa finesse technique.

A 19 ans, Justine Henin a encore tout l’avenir devant elle. Pourtant, on a tellement écrit et lu à son sujet durant ces 12 derniers mois qu’on a l’impression qu’elle a déjà une bonne partie de sa carrière derrière elle. Pareil sentiment est dû avant tout à l’étonnante et fulgurante ascension de la Rochefortoise.

Classée seulement 226e joueuse mondiale fin 1998, Henin s’est retrouvée dans le top 10 moins de deux ans et demi plus tard.

L’événement intervint, on s’en souvient, après son brillant parcours à Roland Garros l’an dernier. Demi-finaliste, elle y fut battue par Kim Clijsters lors d’un duel qui est entré dans les annales du sport belge. Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts pour la fille de Marloie. Elle prit sa revanche sur la Limbourgeoise en finale du tournoi de Rosmalen et disputa, quelques semaines plus tard, la finale à Wimbledon.

Cette victoire en terre néerlandaise reste la seule contre sa compatriote à ce jour, si l’on veut bien faire exception de leurs deux premiers affrontements effectués à une période où ni l’une ni l’autre n’avait l’étoffe d’une héroïne.

Cette saison, tant à Sydney qu’à l’Open d’Australie, Henin fut battue par Clijsters, celle-ci prenant nettement le dessus lors du dernier affrontement aux antipodes. Il ne fait aucun doute qu’en raison des classements respectifs des deux joueuses, on les reverra l’une contre l’autre. Un tel événement aurait pu se produire au tournoi d’Anvers au programme cette semaine au Sportpaleis de Deurne. Las! En raison d’une douleur au bras consécutive à un problème récurrent à l’épaule, la fille de Lei a été contrainte à observer une période de repos.

Elle brillera donc pas son absence dans la Métropole, braquant involontairement tous les projecteurs sur Henin, véritable vedette de l’épreuve.

Gérer sa nouvelle notoriété

La dernière rencontre entre les deux « rivales » a laissé apparaître une nette différence de niveau. Dominant la rencontre de la tête et des épaules, Clijsters s’est montrée intraitable en s’imposant 6-2 6-3. Tant le niveau du tennis affiché que l’écart au niveau de la force mentale impressionnèrent les observateurs. Tandis que la Limbourgeoise n’éprouve aucune difficulté par rapport à sa nouvelle notoriété, Henin a besoin de plus de temps pour s’imposer comme l’une des filles dominantes du circuit.

« Justine doit encore digérer tout ce qui lui est arrivé », analyse froidement Carlos Rodriguez, son entraîneur. « Elle a encore du mal à reconnaître qu’elle doit s’installer dans le top 10. Depuis sa victoire face à Capriati en demi-finale à Wimbledon, elle a perdu tous ses affrontements contre une fille classée parmi les dix premières mondiales. C’est un signe qui ne trompe pas ».

Plusieurs événements plaident toutefois en faveur de l’Ardennaise. Son physique ne lui permet pas encore de rivaliser en puissance avec les grosses frappeuses.

Sa présence parmi les filles les plus en vue augmente ses mérites. Malgré un intense travail fourni durant l’hiver, Henin doit encore consolider les nouvelles bases acquises en un bref laps de temps.

Le problème est le même pour son service. Lorsqu’elle fut battue en huitièmes de finale de l’US Open par la future finaliste Serena Williams, la protégée de Rodriguez se rendit compte que sa mise en jeu ne constituait pas une arme susceptible de l’aider en cas de situations délicates. C’est pourquoi, en même temps que les haltères qui s’immiscèrent davantage dans son programme d’entraînement, l’élève entreprit une transformation radicale de son mouvement. Après avoir analysé le service de son élève, Carlos Rodriguez en arriva à la conclusion suivante: le mouvement était trop ample et l’appui (surtout celui sur la jambe droite) pas assez stable.

Un nouveau service?

Au centre d’entraînement de l’AFT de Mons, Rodriguez et Henin se mirent au travail pour corriger ce qui devait l’être. La joueuse ne compte plus les seaux de balles qu’elle vida pour tenter de se rapprocher le plus possible du geste parfait: « J’ai encore besoin de quelques tournois pour juger. Mais je reste persuadée que je peux très bien servir parce que la technique est au point. Le problème actuel réside encore un peu trop dans la tête car il s’agit du seul coup où j’ai le temps de réfléchir avant de l’exécuter. Je manque parfois d’engagement or avant de se mettre à servir, la détermination doit être systématiquement présente si l’on veut faire mal à l’adversaire ».

A Anvers, comme partout ailleurs dans les semaines et les mois à venir, Justine tentera d’y penser à chaque fois qu’elle devra mettre la balle en jeu.

Lorsqu’on analyse ses rencontres qui la menèrent jusqu’au quart de finale contre Clijsters à Melbourne, on se rend compte que rien n’est décidément simple avec Henin. Contre Kournikova, Marrero et Pratt (du moins lors du premier set), la septième mondiale voulut souvent trop bien faire.

« J’aimerais toujours jouer le tennis parfait », reconnaît-elle. « Contre Marrero, notamment, je me souviens avoir voulu trop en faire à un moment donné du match. Je faisais tout le jeu et la balle revenait sans cesse. J’ai eu l’impression de me retrouver face à un mur et au lieu de contourner la difficulté, j’ai frappé de plus en plus fort ».

C’est le problème actuel de Henin. Plus physique et plus puissante qu’avant, elle veut trop jouer en force. Or, la spécificité (et le charme) de son jeu réside ailleurs.

« Je sais que si je suis dangereuse, c’est parce que je possède un jeu plus fin que la majorité des joueuses. Si je suis redoutée, c’est parce que je ne sais pas jouer deux balles identiques. Même si je suis plus solide et plus stable sur mes assises, je ne battrai jamais les grosses frappeuses à leur jeu ».

Elle connaît donc son équation: pour tenter de gravir encore les échelons qui la séparent de la première place mondiale (l’un de ses deux objectifs principaux avec une victoire dans un tournoi du Grand Chelem), la fille de Marloie doit avant tout rester elle-même. Plus facile à dire qu’à faire pour une joueuse dont on sait qu’elle se pose beaucoup de questions. Car au contraire d’une Clijsters qui applique un tennis plus stéréotypé et qui n’éprouve jamais de regrets, même en cas de défaite, Henin garde un mental fragile.

A ce titre, le tournoi d’Anvers où elle sera attendue au tournant par tout le monde sera un autre test de vérité pour une fille qui n’a jamais que 19 ans. D’autant que le plateau promettait quelques belles empoignades.

Florient Etienne

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire