La Foire de Mons

 » L’équipe trop douée pour descendre  » se retrouve quand même en D2. Explications.

Le Dragon a le moral en berne. Comme en 2004-2005, la troisième saison consécutive de Mons en D1 a été fatale. Cette année a aussi été fatale à Christophe Dessy, l’entraîneur le moins productif de l’histoire du club en D1 (6 points en 17 matches). Dans ce club pas comme les autres où le vestiaire a pris l’habitude de faire les règlements, on a encore assisté à une scène surréaliste samedi après la défaite contre Westerlo suivie par 1.650 spectateurs ! Après la rencontre, les joueurs faisaient leur décrassage sur le terrain principal et ont décidé de l’arrêter prématurément sous l’£il ébahi du préparateur physique. Ils se faisaient insulter et traiter de mercenaires par une vingtaine de supporters…

Pendant tout le championnat, on a lu et entendu que Mons ne pouvait pas chuter avec un groupe aussi doué. Du talent, il y en avait. Mais aussi des tares qui ont méchamment compliqué la mission. Retour sur des mois de misère.

Des inspirateurs aux abonnés absents

Durant l’été 2008, Mons a perdu des joueurs qui alliaient pêle-mêle : talent, efficacité, personnalité, leadership. Les départs de Benjamin Nicaise, Wilfried Dalmat, Adriano Duarte, François Zoko et Daré Nibombé, c’était une méchante saignée. Premier constat, avant même le début du championnat : les transferts étaient surtout de sages moutons. Exceptions : David Fleurival, Cédric Collet et Mounir Diane. Mais il leur a fallu du temps pour s’imposer dans l’équipe, donc pour être pris au sérieux et écoutés.

Le  » tirage  » du vestiaire vers le haut reposait sur les épaules de Mohamed Dahmane et Frédéric Herpoel. Dahmane a assumé, il a joué son rôle de grande gueule – avec les étincelles que cela suppose. Mais il est parti en janvier. Herpoel, lui, a vite eu du mal à cacher qu’il se sentait démobilisé. Il a rendu son brassard en cours de saison : un symbole. Mais il a aussi cherché à quitter le club. Alain Lommers, directeur :  » En décembre, il est venu me trouver. Il m’a demandé combien on lui donnait s’il partait. Le monde à l’envers. Je lui ai répondu que s’il ne se sentait plus concerné, il devait casser lui-même son contrat. Il était hors de question de lui verser de l’argent.  »

 » Faux « , réplique Herpoel.  » C’est après deux matches seulement que j’ai contacté les dirigeants. Je voulais qu’on trouve une solution et qu’on casse mon contrat. Mais ils ont été catégoriques : hors de question que je m’en aille. On n’a jamais parlé d’argent, ils ne m’en ont même pas laissé la possibilité. Je voulais m’en aller parce que j’en avais marre, je voyais que rien n’avait changé par rapport à la saison passée. « 

Samedi dernier, Herpoel ne fut pas repris par Dessy. Comme si on voulait le pousser définitivement vers la sortie.  » Je suis sous contrat jusqu’en 2010, la balle est dans le camp des dirigeants. Aujourd’hui, je suis sûr d’une chose : je n’aurais jamais dû m’investir dans ce club.  » Ses bons rapports avec Rudi Cossey, le futur T1, pourraient l’aider  » mais aura-t-il seulement les mains libres ? »

Les inspirateurs purement sportifs ont eux aussi ramé. Cette saison aurait dû être celle de l’éclosion définitive pour Alessandro Cordaro mais il n’a pas justifié son talent. Et plusieurs autres joueurs confirmés sont régulièrement passés à travers ou n’ont en tout cas signé qu’une saison moyenne : Fadel Brahami, Frédéric Jay, Antti Okkonen. Hocine Ragued est celui qui a le mieux surnagé.

L’échec de la carte D2

La campagne estivale des transferts en général fut un échec. Mons avait surtout recruté en D2. Au final, mention bien pour Mustapha Jarju. Kevin Oris et Ludovic Buysens se sont débrouillés, sans plus. Steven De Pauw, Jérôme Vanderzijl et Moussa Gueye n’ont pas montré grand-chose.  » On s’était habitué à ce que Mons réussisse de temps en temps son recrutement « , dit Marc Grosjean, qui fut le premier coach de ce club en D1 (en 2002-2003).  » Cette fois, il y a eu pas mal de déchet. C’est Philippe Saint-Jean qui avait insisté pour que Mons aille se servir en deuxième division. C’était un risque car non seulement ces joueurs n’avaient encore jamais rien prouvé en D1, mais en plus, ils n’étaient pas considérés comme des valeurs sûres en D2. Oris n’était pas encore titulaire confirmé à KVSK United. De Pauw n’était qu’un joueur moyen à Tirlemont. Buysens était valable avec Deinze, sans plus. Aucun n’est arrivé d’un top club de D2. Quand Thierry Pister a pris le relais de Saint-Jean, il ne s’est pas retrouvé dans ces transferts. A côté de cela, les étrangers qui sont arrivés l’été dernier – NDLA : Mounir Diane, Ivica Dzidic, Francesco Migliore, Fleurival – n’ont pas non plus apporté énormément à l’équipe. Je ferais une exception pour Collet, qui a été très bon par moments. Mais il a aussi pété les plombs plus d’une fois : plein de fautes, des réactions surprenantes, deux cartes rouges. Je m’étonne toujours du crédit que certains clubs accordent à des joueurs venant de CFA 1 ou même de CFA2. Les jeunes Belges ne partent pas sur le même pied. Mais où est l’identification, où est l’esprit de groupe quand on rassemble des gars qui viennent de gauche et de droite, qui visent déjà une autre équipe au moment où ils signent leur contrat ? Il n’y a pas de continuité dans le projet sportif de Mons, il n’y a plus de repères à l’intérieur du club. Et les supporters ne s’y retrouvent évidemment pas. Pendant toute la saison, des joueurs se sont plaints de leurs coéquipiers dans les interviews. On n’a jamais senti un vestiaire qui ambitionnait un même objectif. Quand la mentalité est aussi négative, il faut beaucoup de talent pour faire des résultats. Mais ce talent exceptionnel, Mons ne l’avait pas. On entendait sans arrêt : -Avec un noyau pareil, Mons ne peut pas descendre. On peut maintenant se poser une question : y avait-il tant de qualités dans le groupe ? Savoir jongler ne suffit pas pour tenir sa place en D1. Si vous avez une cote de 10 sur 10 en technique mais seulement un 3 sur 10 en mental, vous êtes cuit. Il y avait aussi beaucoup trop de joueurs d’un niveau comparable. Très peu d’indiscutables. C’est toujours un problème pour un entraîneur parce qu’il doit tout remettre en question chaque semaine.  »

10 exclusions

Deux rouges pour Collet, une pour Brahami, Buysens, De Pauw, Dzidic, Kevin Hatchi, Jarju, Roberto Mirri, Oris : Mons trône en tête de ce classement. Et ces fautes étaient rarement justifiées. On a vu des attentats en milieu de terrain. Plus d’une fois, Mons s’est effondré après avoir perdu un homme.  » Des gestes stupides, et en plus, on a tout fait à Mons pour s’attirer l’antipathie des arbitres « , dit Grosjean.  » Quand vous multipliez les agressions, les arbitres vous tiennent à l’£il et ne vous passent plus rien. Domenico Leone dit que l’arbitrage à coûté 10 points à Mons, les joueurs ont fait les mêmes commentaires. Mais c’est en respectant les arbitres qu’on gagne leur respect. Maintenant, c’est clair que certains penalties auraient pu être sifflés pour Mons. C’est une réalité pour les clubs de bas de classement.  »

Dessy n’avait pas la carrure

Le bilan chiffré de Dessy est catastrophique. Son bilan humain n’est guère meilleur. L’homme a mis une barrière entre les joueurs et lui, une autre entre les médias et lui. Et il s’est grillé auprès de sa direction en se recommandant à Charleroi lorsqu’on a compris que Thierry Siquet allait sauter.  » Il a cru pouvoir faire ça incognito, mais dans le petit monde de la D1, tout finit toujours par se savoir « , dit un employé du club.  » Le problème de Mons, ce n’était sans doute pas Dessy « , lâche Grosjean.  » Ils ont essayé à trois cette saison : Saint-Jean, Pister et Dessy. Mais les problèmes étaient toujours les mêmes dans le vestiaire. On changeait de coach mais les disputes continuaient. Il fallait une personnalité forte pour arrêter tour cela. Quand Albert Cartier est arrivé la saison dernière, c’était le loup qui entrait dans la bergerie : plus personne n’avait intérêt à broncher et, du jour au lendemain, on n’a plus entendu ces plaintes et ces critiques qui visaient des coéquipiers.  »

Mons s’était sauvé la saison dernière avec le duo Cartier- Michel Wintacq. Quand il analyse le parcours montois en 2008-2009, Wintacq sort le bazooka :  » Je serais resté si Cartier avait prolongé, j’étais sa priorité. Mais quand il a dit qu’il partait, on m’a poussé vers la sortie. Normal : ma relation avec Alain Lommers et Dessy était catastrophique. Lommers aurait voulu que je fasse la taupe dans le vestiaire, que je lui rapporte les petits problèmes entre joueurs. Je n’ai pas accepté, je lui ai dit d’aller se faire voir. Par contre, Dessy était impeccable dans ce rôle-là. Cartier a décidé de s’en aller après avoir compris le mode de fonctionnement de Mons : ce club est géré par des gens qui n’y connaissent rien en foot. Tu parles de football avec Cartier ou José Riga, puis tu passes dans le bureau de Lommers ou de Leone : tu changes de planète. On ne met pas un mécanicien dans la cuisine d’un grand restaurant. Avant de devenir directeur à Mons, Lommers vendait des hamburgers. Du jour au lendemain, il a eu le pouvoir de prendre les grandes décisions sportives. C’est n’importe quoi et ça explique en bonne partie la situation actuelle du club. Je ne suis pas étonné. Leone n’a pas su recadrer ses hommes. Cette saison encore, il a accepté un v£u de Lommers : bombarder Dessy à la tête de l’équipe. Lommers et Dessy, c’est père et fils. Entre-temps, le vent a tourné, la chute en D2 est mathématique et le paternel lâche le fiston : il ne sera plus coach la saison prochaine. Pourquoi n’a-t-on pas fait confiance à Rudi Cossey dès le limogeage de Pister ? Lui, il connaît le foot. Mons avait peut-être un groupe capable de se maintenir mais l’entraîneur ne convenait pas. Il n’y avait pas d’esprit d’équipe, on a vu plein d’erreurs tactiques, le mental était à la ramasse. Et dans le vestiaire, aucun joueur n’écoutait Dessy : ils n’en avaient rien à foutre de ses discours. Le copinage entre Lommers et Dessy a conduit Mons à la catastrophe. Nous nous étions vidé les tripes pour sauver l’équipe la saison dernière mais on a tout mis à la poubelle. Un Dahmane n’est pas un mal pour un vestiaire. Il faut simplement savoir le recadrer. Cartier l’a collé plusieurs fois au mur devant tout le monde : Dahmane a besoin de ça. Dessy n’a pas été capable de le gérer. Pas capable non plus de créer un esprit. La saison dernière, les joueurs bossaient, déconnaient et allaient au resto ensemble. C’était un groupe. Cette saison, il y avait des sous-groupes.  »

Confronté à ces critiques, Lommers réagit :  » Je n’ai jamais demandé à Wintacq de faire la taupe. Je lui ai simplement dit de m’avertir dès qu’il y avait un problème dans le vestiaire. Aujourd’hui, il est aux Francs Borains : à son niveau. Je lui souhaite tout le bonheur du monde là-bas. Il avait fait son temps à Mons. Je ne suis pas sûr qu’il avait le profil pour faire la différence dans un club de D1. « 

Quant aux critiques récurrentes sur le manque de connaissance du foot de Lommers…  » Il faut arrêter. Je connais le sport. J’ai joué au foot, j’ai évolué en D2 nationale en volley, j’ai été vice-champion de Belgique de judo, j’ai joué en D3 en hockey sur gazon et j’ai un bon handicap au golf. La différence entre Wintacq et moi, c’est qu’il s’est contenté du football. Il a été un bon joueur mais il ne sera jamais un bon entraîneur. « 

Demain avec Cossey

Mons attaquera le prochain championnat avec un budget d’environ 3 millions (pour 6,5 millions cette saison). On ne sait pas encore avec quel noyau : beaucoup de joueurs sont encore sous contrat et ils toucheront 20 % en moins. Le club ne retiendra pas ceux qui n’ont pas envie de jouer en D2. Cordaro part à Charleroi, De Pauw et Okkonen (en fin de contrat) s’en iront probablement aussi. Mons aimerait que Mirri resigne. Herpoel risque d’annoncer son départ et peut-être la fin de sa carrière.

Le club a finalement renoncé à donner à Dessy la double casquette de directeur sportif et d’entraîneur. C’est Cossey qui hérite du survêtement de T1. Officiellement, Dessy n’est pas poussé vers la sortie.  » Nous sommes reconnaissants pour le travail qu’il a fait et nous souhaitons qu’il reste comme directeur sportif « , dit Lommers. Pour Wintacq, Cossey est le bon choix :  » C’est un bosseur qui connaît le groupe et la maison. Mais il faudra qu’on le laisse travailler, qu’il puisse prendre lui-même les décisions sportives. Si l’administratif vient à nouveau mettre son nez dans le sportif, Mons se cassera encore la gueule. « 

Cossey a surtout un long passé d’adjoint à Lokeren. La saison dernière, il fut le T1 de Oud-Heverlee Louvain, qu’il a mené au tour final. Toni Brogno était un de ses joueurs :  » Cossey est un maniaque, il ne néglige aucun détail. L’alimentation, le poids, le taux de graisse, des tests physiques poussés, beaucoup de données encodées sur ordinateur, des séances vidéo fouillées : tout y passe. Il n’est pas très proche de ses joueurs, il est réservé et méfiant. Et il impose une grande discipline. A Louvain, un joueur est arrivé un jour en retard au rendez-vous pour un match amical. Cossey lui a dit de se lever devant tout le monde et lui a passé un savon. Il a dit : -Le prochain qui se pointe en retard ne doit même plus entrer dans le stade. Le message est bien passé.  »

 » Je suis flatté qu’on m’ait proposé le poste « , avoue Cossey.  » C’est rare qu’on nomme T1 l’adjoint d’une équipe qui descend. Je vais consacrer les prochaines semaines à l’analyse du groupe. J’ai l’impression qu’un joueur sur deux veut partir. Je ne retiendrai personne contre son gré.  » Cossey tient à conserver le préparateur physique et l’entraîneur des gardiens. Et il ne sait pas si Dessy sera ou pas son directeur sportif.  » Aucune idée. Mais je ne pense pas qu’il soit content de sa situation à Mons. Il me paraît mal dans sa peau, comme beaucoup de gens dans un club qui ne gagne pas. Quand les défaites s’accumulent, tu peux finir par voir le mal partout. Nos contacts professionnels sont bons mais la relation humaine est difficile. Nous avons rarement discuté, il préfère parler avec la direction. C’est difficile pour moi car j’ai toujours été habitué à être proche de mon entraîneur principal. Depuis que Dessy a repris l’équipe, je n’ai jamais su ce qu’il attendait de moi. « 

par pierre danvoye – photos: belga

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