La FLÛTISTE

De Kampenhout à Athènes, sur les traces de notre reine du sprint.

Stade Cloetens. Autour du terrain de football, une piste d’athlétisme à quatre couloirs. C’est ici que s’entraînent les membres de Haacht en Regio Atletiek (HERA), c’est ici que Kim Gevaert, qui a fêté ses 26 ans la semaine dernière, a posé les jalons de sa première sélection olympique. N’ayant rien d’autre à faire, Kim, alors âgée de 15 ans, avait accompagné son frère aîné, Marlon, au stade. Mais à Wespelaar, on a décelé son talent. C’en était fini de son premier hobby, la flûte traversière. Sa mère :  » Dire que je venais de lui en offrir une nouvelle !  »

Huit kilomètres séparent Wespelaar du centre de Kampenhout, où vivent les Gevaert, au bord de la nationale qui relie Louvain à Malines. De l’autre côté, on aperçoit les tours de contrôle de Zaventem. Un peu plus loin, Melsbroek, où vit désormais Kim. La commune de Kampenhout compte 10.838 âmes. Elle est le centre de la culture des chicons. Le village est banal. Le mardi, il accueille le marché. L’équipe locale de foot, entraînée par Geert Deferm, l’ancien Malinois, est championne de 1re Provinciale et s’apprête à évoluer en Promotion C.

Kampenhout honore ses célébrités. C’est ici que les ancêtres de Ludwig Van Beethoven ont vécu jusqu’en 1641, avant de rejoindre Bonn, où Ludwig est né en 1770. Le site de la commune rappelle aussi que Will Tura a habité ici de 1961 à 1967 et que le cycliste Raymond Impanis, sixième du Tour de France 1947, vainqueur du Tour des Flandres, de la Flèche Wallonne et de Paris-Roubaix, habitait ici. Citoyenne d’honneur depuis le 28 mars 2002, Kim Gevaert raffole de musique et de sport. Elle ne tient aucun de ces talents de ses parents.

Marc et Mieke Gevaert se sont installés dans le quartier du Rood Klooster il y a 33 ans, Marc souhaitant se rapprocher de son lieu de travail, à Diegem. Leur accent trahit leurs origines brugeoises mais leurs enfants sont devenus brabançons. Dans le salon, des photos des quatre enfants. Sur le poste TV, une réplique d’un Oscar : celui de la Best Mom (la meilleure maman). Kim l’a ramené de Hollywood. Sa mère :  » Un des plus beaux cadeaux que j’ai reçus « . La famille stimule le talent : de l’étage, on entend du piano. John (20 ans), le cadet, va entamer sa troisième année au conservatoire d’Anvers. Récemment, Kim a assisté à un récital de son frère, à l’école de musique locale. Mieke :  » On a donné le coup d’envoi en parlant des jambes rapides de Kim et des doigts agiles de John, qui a ensuite joué du Beethoven et du Rachmaninov. Kim assiste aussi aux ballets de sa s£ur « .

Les quatre enfants, Marlon (28 ans), Kim, Sigrid (24 ans) et John, ont été libres de s’essayer à tout. Mieke :  » Il faut déceler le talent. Trop d’enfants ne sont pas suivis et leurs dons se perdent. De mon temps, les filles ne s’inscrivaient pas à un club ni à une école de musique. Elles se dirigeaient vers l’horeca. J’ai eu la chance de pouvoir étudier l’interprétariat. J’aurais voulu jouer du piano mais c’était réservé aux filles de juges et d’avocats. J’ai transmis à mes enfants toute cette énergie non utilisée. Kim a fait du solfège, puis du piano et de la flûte. Sa s£ur a pratiqué le judo et la danse, l’aîné peint, il a fait du judo, du foot puis il s’est tourné vers l’athlétisme en Scolaires. Le plus jeune est resté fidèle à la musique. La commune propose toutes ces activités. Il ne manque qu’une piste d’athlétisme. Les enfants jouaient aussi dans les bois derrière la rue. J’étais contente qu’ils ne regardent pas tous ces stupides programmes TV « .

Mieke s’intéresse moins au sport :  » Ce n’est pas mon univers. Je suis les courses de Kim. C’est fini en quelques secondes… Je suivrai ses courses à la TV. Je suppose qu’elle va emmener son canard en peluche à Athènes « .

Sprinteuse par hasard

Kim a débarqué à HERA par hasard.  » Les trois autres y étaient affiliés. Le prix était le même pour trois ou quatre enfants. Un jour, Kim s’est décidée, puisque ça ne coûtait rien. Elle avait peur de ne pas suivre les autres mais elle a immédiatement pris la tête. Depuis ses sept ans, Kim jouait de la flûte. Berdien Steinberg était au hit parade avec un morceau à la flûte. Kim l’adorait. Au début, elle voulait jouer de la harpe mais c’était cher, il fallait une remorque pour la transporter. A cause de l’athlétisme, elle a abandonné la musique, alors qu’elle venait de recevoir une nouvelle flûte. Elle dit qu’elle en rejouera quand elle aura des enfants « .

Rudi Diels (40 ans) a rencontré Kim il y a dix ans. Elle était en dernière année d’humanités et elle accompagnait son frère à un entraînement fédéral à Louvain.  » Tous les athlètes flamands répondant à une norme sont invités. Nous avons très vite demandé à Kim et à son frère de travailler constamment avec nous. Son frère, un excellent sprinter, a pris l’initiative. Il était plus ambitieux, à l’époque. Kim accusait un retard important mais signait de bons chronos, malgré son manque de technique. Un diamant brut. Je lui ai appris à prendre le départ, par exemple. Si son frère ne l’avait pas emmenée, elle se serait sans doute distinguée dans un autre domaine car sa famille stimule beaucoup ses enfants. D’emblée, j’ai remarqué son intelligence et sa sociabilité. Elle ne reste pas dans son coin « .

De trois séances hebdomadaires, Diels est progressivement passé à neuf, pendant ses études universitaires. Elle n’a jamais brossé un entraînement. Sa mère :  » Kim a toujours été volontaire. Rudi l’a toujours soutenue. Il la comprend, ce qui est essentiel pour Kim. Personne ne l’a jamais forcée. C’était à elle de savoir ce qu’elle voulait. Ainsi, elle a toujours voulu étudier la logopédie, travailler avec les enfants. Je ne comprends pas que tant de jeunes tâtent de tout sans rien finir. En tout cas, après l’athlétisme, Kim ne connaîtra pas de trou noir « .

Kim a vécu en kot avec une camarade de classe de Haacht. Ilse Devrieze travaille maintenant à Bruxelles.  » Kim a fait latin/sciences et moi latin/maths. Nous avions quelques cours en commun. Nous avons étudié la logopédie ensemble. Kim a fait son stage avec des enfants qui bégaient, moi avec des adultes « . Leurs liens sont restés étroits. Il y a quelques semaines, Kim a assisté au Blue Note Jazzfestival de Gand avec Ilse, qui l’avait accompagnée à l’EURO de Munich en 2002 et va la soutenir à Athènes. Que de chemin parcouru depuis ce cours en première candidature, alors que Kim venait de battre le record de Belgique :  » Sans commentaire, le professeur a affiché l’article qui la concernait. J’ai compris ce que Kim représentait en athlétisme « .

Dès la première année, Kim a obtenu une grande distinction. Elle a fait sa dernière année en deux ans. Rudi Diels, lui-même professeur dans une haute école, suivait attentivement ses résultats :  » Si j’avais ignoré sa vie estudiantine, j’aurais peut-être provoqué un conflit. Elle devait pouvoir s’adresser à moi pour tout, pas seulement pour l’athlétisme « .

Mieke Gevaert :  » Gamine, Kim était fatigante car elle ne tenait pas en place mais j’avais le sentiment de devoir la protéger : elle était trop gentille. Une fois, elle a même songé à laisser gagner une autre. Elle est devenue plus indépendante, elle voyage dans le monde entier mais il y a quelques années, elle avait peur de passer une nuit seule. L’effet Dutroux « . Quand elles font des courses, elles évitent Louvain ou Bruxelles, où on reconnaît et aborde Kim.

Si Kim atteint la finale d’Athènes, elle concrétisera son grand rêve. Mieke :  » Quel que soit son résultat, un cadeau l’attend, à son retour « .

Geert Foutré

 » Kampenhout propose toutes sortes d’activités : il ne manque qu’une piste d’athlétisme  » (sa maman)

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