La flèche wallonne

La vedette de Louvain a passé sa thèse en D1 mais cette réussite longtemps attendue le mènera-t-elle ailleurs ?

L’inventeur d’assists d’OHL a atteint le c£ur de sa cible : Jordan Remacle (25 ans) est une des révélations de la phase classique du championnat. Perdu en Hollande et en D2, le citoyen de Welkenraedt est sorti cette saison d’un anonymat que son talent n’aurait jamais dû connaître. Cette tête blonde a enfin rejoint les bons élèves de la classe. Ses déboulés sur la droite, la clarté de ses idées et ses passes décisives ont attiré le regard des autres clubs.

L’ancienne promesse du Standard est le joyau du club des brasseurs de la Dyle qui réaliseront une bonne affaire en le mettant bien en vue dans leur vitrine lors du prochain marché d’été. Le transfert d’un joueur de cette allure, qui a encore un an de contrat, se négocie entre 700.000 et 1.000.000 d’euros. Sclessin est intéressé mais il y a d’autres clubs lancés sur la piste de ce dynamique attaquant.

Pour des débuts en D1, c’est pas mal…

Jordan Remacle : Mais j’ai déjà évolué en D1 ! A Genk et avec Waalwijk, en Hollande, je me suis retrouvé dans des stades pleins à craquer comme à l’Ajax, Feyenoord, Twente, PSV. Même si cela date un peu, je connais ça…

Mais le constat concernait OHL ! Comment ce club s’y est-il pris pour digérer aussi facilement le passage de D2 en D1 ?

Louvain n’avait plus eu de représentant en D1 depuis 60 ans. Or, c’est une ville dynamique qui a du succès dans d’autres disciplines sportives. OHL est d’abord un club sympathique et bien organisé. A mon avis, il faudra longtemps avant qu’il reprenne l’ascenseur vers le bas. Ronny Van Geneugden est venu me chercher à Roosendaal où je me posais des questions. Il m’avait connu à Genk et il a été direct : – Viens, on va tout faire pour monter. Son discours m’a tout de suite plu car je sais que c’est un travailleur perfectionniste.

 » J’aurais dû rester à Genk… « 

Et vous avez survolé la D2 ?

Non, il a fallu mettre l’organisation en place. Mais j’ai tout de suite compris que c’était le bon choix. OHL a émergé durant la deuxième partie du championnat et je me suis régalé avec 16 buts et 26 assists. J’étais dans mon élément avec Harbaoui en pointe : je savais où il allait mettre son caillou. Je trouvais mon ami les yeux fermés.

Le couple Harbaoui-Remacle a pourtant été dissous : dommage ?

Oui, mais c’était un départ normal pour un joueur, un peu plus âgé que moi et qui doit penser à son avenir. A 25 ans, je vais entrer dans cette catégorie. Il faut alors signer un bon contrat. Les clubs investissent sur les jeunes. A 28 ans, il est presque déjà trop tard, c’est fou. Cette saison et le titre en D2 m’ont fait du bien. Je ne nourrissais aucune crainte particulière à l’égard de la D1.

C’est le seul titre qui figure à ton palmarès. N’est-ce pas maigre quand on voit le palmarès des meilleurs jeunes du Standard ?

Peut-être, il y en a qui y arrivent tout de suite, d’autres plus tard comme c’est mon cas. J’ai fait partie de la génération Pocognoli, Mirallas, Werner, Legear, Goreux, etc. Si j’ai fait un grand détour avant de confirmer, j’ai quand même joué le premier en D1. J’étais bien au Standard mais, chez les jeunes, je suis tombé sur Daniel Boccar et il y a eu des tensions… J’ai aussi été entraîné par Alex Czerniatynski, Gigi Govaert, Christophe Lonnoy. A un moment, j’ai été contacté par l’Ajax Amsterdam qui m’a même demandé de visiter ses installations, le stade, le centre d’entraînement. J’étais fier mais, à mon retour, alors que je n’avais pris aucune décision, ce fut la douche froide et Boccar décréta : – Au Standard, on ne forme pas des joueurs pour les autres clubs.

 » Pour OHL, chaque match, c’est 90 minutes de bonheur « 

Réaction normale, non ?

Pas du tout. Comme tout se détériorait, j’ai décidé d’aller à Genk, réputé pour son école de jeunes. Je ne regrette pas cette décision même si elle a changé ma vie. Il fallait prendre de nouvelles habitudes. Il y a parfois des choix délicats mais j’aurais dû rester à Genk où j’ai débuté en D1 à 16 ans et demi. L’impatience m’a joué un vilain tour et j’ai signé à Waalwijk en 2006. J’ai vécu quelques belles semaines sous la direction d’un coach formidable : Adrie Koster. Puis, il a été déboulonné. Son successeur ne me connaissait pas. J’ai été écarté, le club est descendu, on passait de stades de 40.000 spectateurs à des publics de 500 personnes. Je n’ai pas déprimé mais je me suis demandé ce que je faisais seul dans mon grand appartement de 250 mètres carrés. Je n’avais qu’une amie : ma télévision. La vie d’un footballeur pro est parfois étonnante. Il faut alors s’accrocher.

Tu as au moins eu le temps de potasser ton néerlandais…

Ah, oui : -Perfect tweetalig. Avec le recul, même si je n’ai pas eu de chance, cela a forgé mon caractère. En Hollande, le football est très différent. Là, on joue d’abord pour gagner. Ici, tout est mis au point pour ne surtout pas perdre. Les Néerlandais ont des paquets de grands attaquants mais il leur a parfois manqué une bonne défense pour être champions du monde, par exemple. En tant que joueur offensif, le football prôné en Hollande me convenait. J’ai perfectionné mes atouts et c’est ce que j’apporte à Louvain où je m’amuse.

OHL a eu un creux après la trêve hivernale : vous n’avez pas craint une longue panne sèche ?

Nous sommes arrivés en D1 sur l’élan du titre, de la fête, de l’émotion, de l’adrénaline. Et pour le premier match, on a reçu Anderlecht dans une ambiance exceptionnelle. Amoah a marqué le but de la victoire en fin de match. Cette saison, on a arraché quatre points sur six contre les Mauves. Le succès de nos débuts en D1, c’est comme une page d’histoire de Louvain. Mais je n’oublie pas ce qui est arrivé ensuite au héros de la soirée. Amoah a quitté le club car l’écart entre la D1 et la D3 était trop grand. Van Geneugden savait parfaitement qu’OHL éprouverait le besoin de souffler. La reprise a été difficile mais on a pu compter sur le métier d’un Karel Geraerts, impeccable dans son rôle de guide expérimenté. Il est très important chez nous. Il n’y a pas de Maradona à OHL mais bien un collectif solide, comme c’était le cas en D2. Van Geneugden ne cesse de le souligner. On le respecte énormément : il est strict et a raison de l’être ; face à de grandes équipes capables d’élever leur niveau de jeu, il faut être solide.

Le 4-3-3 d’OHL te va comme un gant…

Oui, je peux déborder, percuter, distribuer, centrer. J’aime me rendre utile dans ce rôle-là. En équipes de jeunes au Standard, je jouais aussi en 10. Si je suis content d’animer le jeu offensif, j’assume aussi ma part de travail défensif. A ce niveau-là, c’est indispensable. Pour OHL, chaque match, c’est 90 minutes de bonheur. J’ai été étonné de constater qu’Anderlecht joue parfois à la carte, comme ce fut le cas contre nous. Notre club doit devenir une valeur sûre de la D1. OHL n’a pas le droit de passer à côté de ses PO2. L’objectif était de se sauver le plus vite possible. Il faut profiter des PO2 maintenant pour avancer, confirmer, être digne de la D1, préparer la saison 2012-2013.

 » On joue bien au football ailleurs qu’au Standard « 

Mais ce sera sans toi ?

Normalement, oui. J’ai tout donné et OHL m’a tout offert. J’ai fait le tour de la question et nous devrions nous quitter.

Le Standard t’attend…

Je ne sais pas.

Comment cela ?

J’ai entendu Jean-François de Sart à Studio 1 La Tribune. Je sais que le Standard songe à moi. Mais je n’ai pas eu de contacts et tout passera par mes agents, Christian Negouai et Roberto Bisconti.

Le Standard joue bien, c’est un club pour toi…

Peut-être mais il n’y a pas que le Standard sur terre. On joue bien au football ailleurs qu’au Standard qui n’a pas trop secoué OHL dernièrement. J’ai d’autres offres de Belgique et de l’étranger.

Lesquelles ?

D’autres offres, c’est tout ce que je peux dire. Mais si je quitte OHL pour un autre club belge, ce sera pour le top 3. Ailleurs, ce ne serait pas mieux qu’à OHL. Si je pars, une quasi-certitude, c’est pour progresser.

Ce qui signifie qu’au moins un club du top 3 est intéressé…

Je suis arrivé à un moment charnière de ma carrière et de ma vie d’homme. J’ai rencontré la femme de ma vie, Sabrina, qui enseigne l’allemand et l’anglais. Nous avons des projets de mariage. Elle m’apporte beaucoup de stabilité. C’est important pour moi. Si je pars à l’étranger, elle prendra une pause carrière pour m’accompagner. Nous vivons près de Welkenraedt et je fais la route tous les jours pour venir à Louvain.

PAR PIERRE BILIC

 » En Hollande, on joue pour gagner et ici pour ne pas perdre. « 

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire