LA FIN D’UN CAUCHEMAR

Lundi prochain, Uli Hoeness retrouvera la liberté. Sa peine de prison n’a guère altéré l’image du gourou du Bayern. Mieux même : le foot allemand aspire à son retour. L’homme va maintenant réfléchir à son avenir.

Uli Hoeness a fait exactement 21 mois de prison, soit la moitié de sa peine. Au terme d’un procès très médiatisé, l’ancien président du Bayern a été condamné à trois ans et demi de prison pour avoir dissimulé au fisc 28,5 millions d’euros et placé l’argent sur un compte suisse secret. Il n’est pas allé en appel. Le 2 juin 2014, il a entamé sa peine à la prison de Landsberg. Après six mois, son régime a été assoupli : Hoeness a reçu l’autorisation de quitter la maison d’arrêt en journée et a réintégré son bureau au Bayern. Il y a été accueilli les bras ouverts et il s’est penché sur la formation des jeunes. Un chauffeur du club l’attendait à huit heures à la porte de la prison et l’y ramenait à 18 heures. Plus tard, le régime d’Hoeness a été assoupli une seconde fois : il a pu passer les week-ends chez lui.

Uli Hoeness était considéré comme un moraliste, un évangéliste presque. Cette affaire de fraude fiscale ne cadrait pas avec le personnage. Certes, tout le monde savait qu’outre sa passion pour le Bayern, il en cultivait une autre, pour l’argent. C’était une relation quasi érotique, selon un de ses proches. Mais peu de gens se sont vraiment choqués de ce détournement d’argent. En octobre de l’année dernière, Hoeness assistait à un match de basket du Bayern. A l’issue de la rencontre, les spectateurs l’ont littéralement ovationné. Pas parce que le Bayern avait gagné mais parce qu’Hoeness quittait la salle. Les larmes aux yeux.

UN COMPORTEMENT EXEMPLAIRE

Uli Hoeness a bénéficié d’une telle compréhension qu’une fois le procès achevé, il a acquis la stature d’une victime alors qu’en fait, il s’est rendu coupable d’un acte délictueux. Le fait qu’il ait remboursé 43 millions n’adoucit pas les faits. Il a retiré l’argent de sa propre fortune. Hoeness était royalement rémunéré par le Bayern et, en plus, il a fondé une usine de saucisses florissante, maintenant dirigée par son fils, à Ulm, sa ville natale.

On dit qu’Uli Hoeness a eu un comportement impeccable en prison. Il aurait fait preuve de respect envers ses codétenus, voire d’amitié, et aurait toujours été prêt à les aider. Il aurait accompli son travail consciencieusement et soigneusement. Il était chargé de la distribution des vêtements et des draps de lits aux détenus, travaillant de 9 heures à 15 h 30. Comme les autres détenus, il percevait 1,12 euro de l’heure pour ce travail, un salaire revu à 1,87 euro après deux mois.

Hormis un séjour à l’hôpital pour un problème cardiaque, Hoeness a participé à la vie quotidienne de la prison. Toutefois, ses visiteurs ont dit qu’Uli Hoeness souffrait en silence et que l’agitation ayant entouré son procès avait laissé des traces profondes en lui. Il a maigri. Malgré la douceur de son régime – Hoeness a passé les dernières semaines de sa détention dans un institut accueillant les personnes sur le point d’être libérées -, sa libération anticipée est la fin d’un cauchemar.

LE VISAGE DU BAYERN

Avant, Uli Hoeness décidait à peu près de tout au Bayern. Quand l’ancien joueur Mehmet Scholl est devenu entraîneur de l’équipe B mais s’est fait remarquer par un habillement nonchalant, Hoeness l’a convoqué dans son bureau et lui a intimé l’ordre de s’habiller plus correctement.

Reste à voir s’il retrouvera la totalité de son influence au sein du club. Après sa libération, Uli Hoeness va prendre des vacances et veut en profiter pour faire le point. Il prendrait sa décision en juin. Plus exactement, il décidera à ce moment s’il se présente à nouveau à la présidence du Bayern. Les élections ont lieu en automne.

L’actuel président, Karl Hopfner, a d’ores et déjà annoncé qu’il ne se présenterait en aucun cas contre Hoeness et qu’il pourrait très bien redevenir président du conseil d’administration. Quant à Franz Beckenbauer, il a proclamé, dans son style habituel, qu’il voulait revoir Hoeness à la place qui est la sienne : sur le trône du club.  » Il est tout simplement le visage du Bayern « , a tranché le Kaiser.

Les observateurs et les initiés pensent également qu’Hoeness, qui a maintenant 64 ans, va reprendre les rênes du Bayern. On peut d’ailleurs se demander si, ces derniers mois, il a vraiment limité sa tâche au fonctionnement des équipes d’âge. On murmure que pour toutes les décisions importantes, on aurait demandé son avis. Il est également certain qu’il a tenté de pousser Pep Guardiola à prolonger son contrat. Sans succès.

UN HOMME D’ARGENT

Nul en Allemagne ne s’offusquera de voir Uli Hoeness reprendre la direction du Bayern. Le sélectionneur Joachim Löw a exprimé l’espoir qu’Hoeness investisse à nouveau ses compétences, sa connaissance du football et son empathie dans son sport. Le président de la Ligue, Reinhard Rauball, a félicitéHoeness pour l’humilité avec laquelle il avait surmonté la pire crise de sa vie.

Plus personne ne s’arrête au fait que cet apôtre de la morale avait jadis vendu les droits des photos de son mariage pour 75.000 marks, soit un peu moins de 40.000 euros. Plus personne ne va le fustiger d’avoir enfreint la loi après avoir prôné pendant des années en faveur de normes financières et de valeurs en football. Uli Hoeness va tout simplement revenir au ballon rond. Comme si rien ne s’était passé. Certains médias vont peut-être se battre pour une interview sur sa vie en prison.

Il n’acceptera pas. Même s’il aime l’argent, Uli Hoeness respecte certaines limites. Il demandait 30.000 euros par conférence mais il donnait cet argent à une oeuvre caritative. En revanche, jadis, quand il manquait dix centimes dans la caisse de la boucherie attenante à son usine, il faisait fouiller toute l’entreprise. Personne ne devait essayer de le tromper. C’est plutôt bizarre, puisqu’il a lui-même fraudé.

PAR JACQUES SYS – PHOTOS BELGAIMAGE

Au début, en prison, Uli Hoeness gagnait 1,12 euro de l’heure.

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