La fille du boulanger

Enzo Scifo (35 ans): Marie-Pierre et moi nous sommes liés en 1984, nous nous sommes mariés en 1989 et nous sommes toujours ensemble! Ses parents tenaient une boulangerie. J’allais chercher le pain pour voir Marie-Pierre. Nous passions souvent devant leur commerce et chaque fois, je me disais -Elle sera ma femme. A 14 ans, si j’étais sûr d’une chose, c’était de ça, alors que nous ne sortions pas ensemble. Je rougissais chaque fois que je la voyais. Je rêvais d’être footballeur professionnel mais c’est de notre union que j’étais sûr.

Que vous apporte-elle?

L’équilibre. Je suis heureux de m’être marié aussi tôt. Vivre seul à l’étranger n’aurait pas été évident. Cette décision ne coulait pas de source pour une famille sicilienne avant notre mariage, mais j’étais sûr de moi et mes parents l’ont compris. Marie-Pierre ne s’intéresse au football que pour moi. Elle ne regarde pas les matches à la TV, contrairement à moi. Nous n’en discutons pas à la maison. J’en suis heureux car ça me permet de penser à autre chose. Elle est de bon conseil et elle sait relativiser. Cependant, même si les conseils de mes proches sont bienvenus, je prends mes décisions seul. Sans être vaniteux car je sais que je peux me planter. Marie-Pierre et moi sommes complémentaires. Nous avons en quelque sorte grandi ensemble.

Etes-vous sicilien?

J’aime le fond sicilien: les gens sont chaleureux, accueillants. Ils attachent de l’importance à la famille. Je ne renie pas mes origines. La Sicile a changé, elle est même plus moderne que nous. Mes parents appartiennent à une autre génération mais ils ont aussi évolué. D’ailleurs, ma mère est la meilleure copine de Marie-Pierre.

Sarah (11 ans) et Lena (8 ans) sont-elles sportives? Vous imaginez-vous suivre les traces de Lei Clijsters et de vous impliquer pour leur carrière?

Ce serait fabuleux! Les deux aînées font du tennis, de la natation, de la musique, ce qu’elles veulent, en fait. Jamais je ne les forcerai à faire quelque chose qu’elles n’aiment pas et la réussite de Kim est exceptionnelle mais je serais comblé si mes filles pouvaient ressentir, comme moi, l’intensité des bons moments en sport. Avant tout, je veux, j’espère que mes filles soient heureuses. Trop de parents poussent leurs enfants, en pensant à l’argent.

Vous avez toujours un restaurant à La Louvière…

J’y passe plusieurs fois par semaine, en fonction de mon emploi du temps. La cuisine m’a toujours attiré: l’accueil, la fine cuisine, c’est un art. Je suis fier d’avoir ouvert un établissement où j’ai grandi.

Quels sont vos loisirs?

Nous vivons pour nos enfants! Quand je suis à la maison, je m’occupe d’eux. J’ai une salle de sport en bas, je m’y entraîne, comme je continue à jouer, sans surcharger ma hanche. Je mange sainement et je ne prends pas de poids. Je ne le supporterais pas. Mais vous voyez le billard? La première semaine, j’y ai joué tous les jours. Depuis un an et demi, je n’y ai plus touché. Par manque de temps. Le soir, Marie-Pierre et moi bavardons, une fois les enfants au lit, quand je ne suis pas pris par un match ou une réunion. Le football me prend beaucoup de temps mais je ne peux laisser tomber ce qui m’a tant apporté. Pas maintenant même si parfois nous en sommes réduits à nous téléphoner!

Souffrez-vous encore de la hanche?

Je dois tempérer mon enthousiasme sur le terrain. Je ne m’attendais pas à arrêter aussi brutalement mais j’ai repris le dessus. Heureusement, j’avais entamé ma reconversion. J’aime le football mais je ne continuerai pas pendant vingt ans. Dix ou quinze, puis on verra.

Vous avez une superbe maison, classique, spacieuse, pratique.

Je suis méticuleux en matière d’art et de décoration. Je pourrais m’imaginer styliste. J’aime le classique, qu’il s’agisse d’habillement ou de décoration. Marie-Pierre et moi sommes sur la même longueur d’ondes. En fait, nous voulions construire mais nous ne trouvions pas de terrain et j’ai découvert cette maison. J’ai eu de la chance: elle corrrespondait à la maison de mes rêves et le propriétaire, un médecin argentin, est retourné dans son pays. Nous avons redécoré l’intérieur.

Marie-Pierre Jude (35 ans): Je n’imaginais pas l’ampleur que prendrait la carrière d’Enzo. A mes yeux de jeune fille, il n’était pas une vedette car nous avions été à l’école ensemble et nous nous connaissions depuis toujours. J’ai tout abandonné pour le suivre en Italie. C’était difficile, car je ne parlais pas italien et à cet âge, on souffre de perdre ses amis, son entourage. Je me réjouissais qu’il soit repris en équipe nationale pour revenir quelques jours en Belgique! Souvent, j’ai pleuré, surtout qu’Enzo lui-même n’était pas bien dans sa peau. Il devait affronter un championnat très dur, un monde qui lui était ausi inconnu. Maintenant, nous le vivrions de manière différente; on réfléchirait plus. Enzo a eu plusieurs offres impossibles à refuser il y a quelques années, mais nous avons pensé aux enfants.

Vous avez une petite dernière, Elsa (2 ans)…

Un accident de parcours mais nous en sommes heureux même s’il y a une énorme différence entre avoir deux enfants ou trois. Quand les trois filles sont là, en fait, nous nous inquiétons si nous n’entendons rien! Mes parents ont eu peu de temps à me consacrer et j’ai toujours pensé que si je pouvais me le permettre, je me chargerais de l’éducation de mes enfants. C’est un travail 24 heures sur 24. C’est mentalement fatigant, surtout qu’Enzo n’est pas souvent libre. C’est pire depuis qu’il est entraîneur. Le vendredi, il y a les Réserves, le samedi match et le dimanche, il va visionner une autre équipe! Même si les enfants sont malades, je dois parfois les emmener avec moi pour faire les courses. Je ne m’ennuie jamais. Je n’ai même pas une minute à moi! Lorsqu’il a congé, ça ne m’arrange pas toujours. Mais nous ne nous plaignons pas: nous sommes heureux. Le football nous a beaucoup apporté. Alors, oui, nous pourrions prendre davantage de vacances, aller skier mais on ne peut tout avoir.

Vous vivez simplement.

Bien sûr. Comme Monsieur et Madame tout le Monde. Simplement, quand je fais les commissions, je ne dois pas tenir compte d’un budget strict.

Quelles valeurs inculquez-vous à vos enfants?

Les valeurs essentielles, comme la sincérité, l’honnêteté, la générosité. Nous leur expliquons que la vie n’est pas toujours rose. Ils ne peuvent pas avoir tout ce qu’ils veulent: pas de GSM, par exemple. Ils sont favorisés mais ils sont attirés par les plus démunis. Ils le font spontanément, parce qu’ils ont mal au coeur. Nous ne sommes pas des parents sévères. S’ils écoutent, c’est gagné. Ils ont plus peur d’Enzo que de moi, même s’il n’est pas dur. Il prétend qu’il le serait plus avec un garçon mais si une fille pleure, ça lui fait mal au coeur. Il lui arrive de se fâcher mais après, il me demande s’il n’aurait pas dû s’abstenir. J’aimerais aussi que nos enfants fassent des études et soient heureux. Je me tracasse pour beaucoup de choses. Une mauvaise note et je dramatise. Enzo, lui, remet l’église au milieu du village. C’est l’homme de la situation, vraiment!

Vos filles souffrent-elles de la célébrité de leur père?

Lena et Elsa sont trop jeunes. Sarah entend parfois des remarques du style -Ton père a encore été battu. Mais elle est discrète et elle ne répond pas, donc, on ne l’ennuie pas. Parfois, elle demande cinq photos. Et elle les a, bien sûr!

Avez-vous du temps à vous?

Non, car quand les aînés sont à l’école, Elsa est là et il faut la surveiller. Ce sera pour plus tard.

Enzo n’est pas macho.

Non. Nous sommes tous les deux libres. Il m’est arrivé de prendre des vacances sans lui. Notre couple est régi par une confiance réciproque. Nous ne nous posons même pas de question.

Vous n’avez pas d’animaux de compagnie?

Les enfants suffisent! (elle rit) Non. Nous vivons dans la nature, il y a des écureuils, des lapins… Un animal dans la maison? Non. Les filles aimeraient bien mais qui s’en occupera? Et puis, Enzo est trop méticuleux.

Pascale Piérard

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