La filière française

Formé à Lille, il a choisi Mouscron pour poursuivre son apprentissage.

Depuis quelques années, Mouscron accueille régulièrement dans son effectif l’un ou l’autre jeune joueur issu d’un centre de formation du Nord de la France. Jusqu’à présent, ce ne fut pas une réussite. Mustapha El Idrissi, originaire de Lille, est celui qui avait démontré le plus de potentiel. Joueur de petite taille, vif et déroutant, il était de la race des dribbleurs: une espèce en voie de disparition dans notre championnat. Au cours de la saison 97-98 (la première d’ Hugo Broos), il avait livré quelques prestations de fort bonne qualité durant le deuxième tour et avait contribué au redressement des Hurlus.

Mais, déçu de ne pas recevoir plus souvent sa chance la saison suivante, il laissa trop percevoir sa mauvaise humeur et fut vendu à Santa Clara, un club des Açores qui venait d’accéder à la D1 portugaise. La saison dernière, il évolua aux Pays-Bas sous le maillot du FC Groningen, mais il vient d’en être renvoyé pour motifs disciplinaires.

Farid Bihhi, lui aussi originaire de Lille, n’a guère reçu d’opportunités. En une occasion, cependant, il démontra de réelles qualités d’ailier de débordement sur le flanc gauche. Mais ce fut sans lendemain. Il a été renvoyé dans le noyau B, où il se trouve toujours.

Matthieu Assou, qui était arrivé en provenance de Lens, n’a jamais percé. Il évoluait la saison dernière à Créteil et porte cette saison le maillot de Valenciennes, en Nationale (l’équivalent de notre D3).

Malgré ces échecs successifs, Mouscron a retenté l’expérience cette saison en accueillant Sébastien Pennacchio (18 ans), formé à Lille. Malgré toutes les blessures et suspensions dont l’Excelsior a été l’objet, il n’a pas encore débuté en D1. Est-ce, dès lors, un nouveau coup dans l’eau?

Hugo Broos n’est pas de cet avis. « Je ne veux pas brûler les étapes avec Sébastien », affirme l’entraîneur. « Un jour, il recevra sa chance car il possède d’indéniables qualités. C’est un demi offensif, mais pas un meneur de jeu. La grosse différence, par rapport à ses prédécesseurs, est que nous l’avons nous-même choisi. Nous sommes allés le visionner en France et ses prestations nous ont convaincus. El Idrissi, Bihhi et Assou avaient eux-mêmes demandé à venir chez nous ».

Deux ans pour réussir

Sébastien Pennacchio confirme: « Mouscron est venu me voir à plusieurs reprises. Notamment Eddy Mestdagh. J’ai été flatté par l’intérêt des Hurlus. Si j’ai accepté leur offre, c’est d’abord parce qu’on me proposait de m’entraîner avec l’équipe Première. A Lille, j’aurais dû travailler avec le noyau B. Le problème, en France, c’est qu’après les moins de 17 ans nationaux, il n’y a plus rien pour les jeunes. Il n’y a pas, comme ici, l’équivalent des Juniors UEFA et des Espoirs. Arrivé à 18 ans, on doit intégrer l’équipe Première, ou jouer avec la deuxième ou la troisième équipe -en CFA ou en PH- avec des adultes ».

Si le souriant Pennacchio s’entraîne avec le noyau A de l’Excelsior, il a dû se contenter jusqu’ici de jouer avec l’équipe Réserve et de quelques apparitions sur le banc. « Je suis disposé à prendre mon temps », affirme-t-il. « L’équipe Réserve est un passage obligé. Je l’accepte volontiers. Il faut que je fasse mes preuves et que les autres m’acceptent. J’ai signé un contrat de trois ans. J’espère pouvoir déjà faire quelques apparitions en équipe Première cette saison-ci et être appelé de façon régulière la saison prochaine. Je me donne deux ans pour réussir. Je sais que le plus dur, c’est lorsqu’on a goûté à la D1: après, on en veut encore plus. Moi, en tout cas, je suis comme cela: je suis ambitieux, et si j’ai la chance de monter au jeu, je voudrai être titulaire le week-end suivant ».

Bien qu’habitant à Tourcoing, Sébastien Pennacchio n’était encore jamais venu à Mouscron. « J’avais entendu parler de l’Excelsior par la presse, mais je n’avais jamais eu l’occasion de me rendre au Canonnier. J’étais focalisé sur Lille. Puisque je jouais pour le LOSC, il était normal que je m’intéresse surtout à mon club. Je me rendais à Grimonprez-Jooris lors de chaque match à domicile. Mais, depuis que je joue à Mouscron, je ne suis plus retourné à Lille ».

L’adaptation se déroule normalement. « Paradoxalement, venir à Mouscron constitue tout de même un petit dépaysement. On ne le croirait pas, et pourtant… C’est juste de l’autre côté de la frontière, mais c’est l’étranger malgré tout. Difficile d’expliquer où se situe la différence: chaque club a son ambiance, chaque joueur a sa personnalité. On m’avait dit que l’Excelsior possédait de très bonnes structures et j’en ai eu la confirmation: Lille, qui dispute la Ligue des Champions cette saison, n’est pas aussi bien loti dans certains domaines. Les entraînements sont un peu plus physiques à Mouscron, mais c’est normal puisque je m’entraîne désormais avec des adultes. J’ai la chance que tout le monde parle le français, c’est un avantage par rapport à d’autres joueurs qui sont partis dans d’autres pays. Je pense notamment à Mathieu Antonelli, un autre ancien du centre de formation de Lille qui joue désormais à De Graafschap et que j’ai eu l’occasion de rencontrer lors de notre stage à Delden. Il m’a avoué que son adaptation était assez difficile, notamment au niveau de la langue et des habitudes alimentaires ».

A vélo à l’entraînement

Chaque matin, Sébastien Pennacchio parcourt la dizaine de kilomètres qui séparent Tourcoing de Mouscron à… vélo.

« Je n’ai pas encore de permis de conduire, il fallait bien que je trouve un moyen de me déplacer », rigole-t-il. « Mes partenaires trouvent cela très marrant. Personnellement, j’avoue que je m’en passerais volontiers. Surtout maintenant, car l’hiver approche. J’espère décrocher mon permis de conduire pendant ce mois d’octobre. En arrivant à l’entraînement, j’ai les jambes coupées. Le retour à la maison est plus relax. C’est surtout le matin, en me disant que j’ai un quart d’heure de vélo à faire, que j’ai du mal à me mettre en route ».

Sébastien Pennacchio a commencé à jouer au football au FC Tourcoing. « Très rapidement, Lille et Lens se sont intéressés à moi. J’ai opté pour le LOSC parce que c’était le club le plus proche de mon domicile. J’ai intégré le centre de formation à partir des moins de 13 ans. Comme j’étais originaire de la région, j’ai pu continuer à habiter chez mes parents. Le club avait installé un système de navettes: on venait nous chercher à la maison à 7 heures du matin, nous allions à l’école puis à l’entraînement à Lille, et on nous redéposait le soir vers 20 ou 21 heures. Tous les jours. C’est dur, il faut s’accrocher pour tenir le coup. D’ailleurs, la saison dernière, en moins de 17 ans, il n’y avait plus que trois joueurs du groupe qui allaient encore à l’école. Tous les autres avaient arrêté. Je trouve que ce n’est pas très malin, car dans cette génération, seuls deux ou trois joueurs ont une chance réelle de réussir dans le football. En ce qui me concerne, j’ai eu la chance d’avoir mes parents derrière moi. Je voulais absolument obtenir mon BAC et je l’ai eu: en juin, j’ai décroché mon diplôme en commerce ».

Sébastien Pennacchio ne regrette pas les sacrifices qu’il a consentis. « Le centre de formation, c’est une école de vie. J’en ai parfois bavé, mais aujourd’hui, j’en récolte les fruits. Si je tiens le choc à Mouscron, c’est grâce à l’éducation que j’ai reçue. J’ai dû me plier à une certaine discipline. Je suis sans doute passé à côté de beaucoup de choses durant mon adolescence, mais je sais que si je réussis, j’aurai la plus belle vie dont peut rêver un sportif ».

Malgré son jeune âge, il a déjà des souvenirs plein la tête. « A deux reprises, j’ai eu l’occasion de disputer la Coupe Gambardella – NDLA: la Coupe de France des jeunes. La première saison, nous avons été éliminés en seizièmes. La deuxième, nous sommes parvenus en finale au Stade de France, où nous avons été battus par Auxerre. C’était en mai 2000, en lever de rideau de Calais-Nantes. J’étais rentré dans le dernier quart d’heure. Jouer au Stade de France est très impressionnant. Lorsque j’étais sur la pelouse, j’ai plus regardé le public que le ballon! J’ai aussi participé à la Coupe Nationale des Ligues. Pour les moins de 15 ans, c’est une sorte de Coupe de France pour sélections régionales. Avec l’équipe du Nord-Pas de Calais, j’ai disputé la demi-finale. En moins de 15 ans, j’ai aussi disputé deux rencontres avec l’équipe de France: contre l’Ecosse et la Suisse. Cela ne s’était pas trop mal passé. Mon idole, c’est Zinedine Zidane. Comme tout le monde en France, je dirais. Mais j’apprécie aussi Alessandro Del Piero. Dans le vestiaire, à Mouscron, on me charrie en disant que j’ai son style. Mais, jusqu’à présent, je crois que je n’ai encore que les… chaussures! »

Daniel Devos

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire