La  » fête  » à dix milliards

L’organisation d’une Coupe du monde de football suscite de plus en plus de protestations. En 2010, on s’est interrogé sur son bien-fondé, l’Afrique du Sud croulant sous la misère. Comme les grandes manifestations sportives sont utilisées pour se placer en vitrine, on a éloigné des rues tous les mendiants, pour les déporter à des centaines de kilomètres, comme des parias d’une société déséquilibrée. On a diffusé des récits angoissants, craignant que la criminalité issue des townships, foyers d’échanges de tirs, n’atteigne le tournoi. Il ne s’est finalement rien passé, grâce au déploiement impressionnant des forces de police.

Quatre ans plus tard, au Brésil, les scénarios les plus horribles ont refait surface. Le tournoi a été précédé de nombreuses protestations contre la corruption des politiciens, le gaspillage et toutes sortes de problèmes sociaux. La flambée des prix a suscité un large mécontentement. Mais il n’y a pas eu de nouvelle explosion de protestations pendant le Mondial. Une fois encore, le dispositif de sécurité était impressionnant.

Vendredi, le tirage au sort à Moscou a donné le coup d’envoi du tournoi dans un enthousiasme soigneusement nourri. Mais en Russie aussi, il y a un revers à la médaille, une sinistre réalité. Avant la Coupe des Confédérations, des protestations contre la corruption ont éclaté dans 200 villes. Elles ont été brutalement réprimées. Des manifestants pacifistes et sans défense ont été tabassés et arrêtés. Ensuite, il a été question d’ouvriers morts sur les chantiers et on a dévoilé un recours à grande échelle au dopage.

Le CIO vient de suspendre à vie cinq athlètes russes. Le vice-premier ministre et ministre des Sports Vitaly Mutko a piqué une crise de colère, déclarant qu’on voulait à tout prix discréditer son pays. La FIFA a balayé les critiques de la main, de même que la question de savoir s’il était moral d’organiser une Coupe du monde dans un pays qui bafoue les droits de l’homme. De ce point de vue, rien n’a changé au sommet de la fédération mondiale sous la présidence de Gianni Infantino. Le Suisse a paradé aux côtés du président russe Vladimir Poutine pendant la cérémonie d’ouverture, avec une auto-satisfaction qui rappelait l’attitude de Sepp Blatter, qui aimait se poser en apôtre de la paix.

Le Mondial russe, le plus cher de l’histoire, doit être une grande fête. Le budget est passé à dix milliards d’euros, ce qui est relativement peu selon les normes russes. Par exemple, les Jeux Olympiques d’hiver de Sotchi ont coûté 37 milliards.

La Russie, qui peut s’appuyer sur une riche tradition footballistique, doit se présenter en nation folle de football l’année prochaine. Mais ça risque de poser problème. La violence et les maigres assistances sont le principal souci du football professionnel russe. Juste avant le tirage au sort, on a installé sur la Place Rouge une patinoire où les enfants jouent au hockey sur glace, le sport le plus populaire du pays. Reste à voir si l’intérêt se reportera sur le football en été.

Les Diables Rouges ont bénéficié d’un tirage au sort favorable et peuvent commencer à préparer ce tournoi. On peut s’étonner que tout le monde voie déjà l’équipe en quarts de finale. Les récents matches de préparation ont révélé que le chemin était encore long. Y compris contre des adversaires de moindre envergure.

Ça n’abaisse pas les attentes. Cette génération, portée par des footballeurs qui se distinguent chaque semaine dans des compétitions étrangères de pointe, reste adulée. Il est grand temps qu’elle se montre sur le terrain. Avec les bons joueurs à la bonne place.

La
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