LA FAUTE À QUI ?

C’est donc le Steaua Bucarest, vainqueur voici 20 ans (Ah ! Laszlo Boloni, quel joueur c’était !), qui disputera les poules de cette Ligue des Champions où ç’aurait été excitant d’avoir deux représentants. Nous trouverions la sentence logique et méritée si nous avions suivi les deux rencontres avec des yeux roumains. Mais nos yeux sont belges, rouches au surplus pour bon nombre d’entre nous : et l’élimination du Standard oscille ainsi entre tristounetterie simple et mal au bide insupportable. Est-ce parce que le sien est hors normes que l’élimination fut particulièrement insupportable pour Johan Boskamp : au point qu’à chaud, il déroge au sacro-saint principe de groupe  » On gagne ensemble, on perd ensemble  » et préfère la fureur ?

Je lis le coach dans Vers l’Avenir :  » Je suis furieux sur le second but. Comment un joueur, qui a joué 73 fois en équipe nationale, peut-il donner une rentrée dans l’axe à un gamin de 17 ans ? Il devait relancer vers l’avant « . En clair, Eric Deflandre serait coupable d’avoir passé le ballon à Marouane Fellaini, libre et qui le sollicitait : coupable d’abord non pas parce que l’homme libre était dans l’axe, mais parce que c’était un gamin, sous-entendu un joueur pas encore fiable à 100 % ! Si Deflandre avait passé le même ballon au même endroit à Ricardo Sa Pinto, si c’était sous la semelle de Sa Pinto que le ballon avait ripé, sur lequel de ses deux vieux joueurs Boskamp aurait-il râlé ?

Stigmatiser Deflandre sur ce coup-là, lui refiler la patate chaude, c’est petit, Ponce et Pilate : car voir l’homme libre qui demande le ballon et le lui donner, ça s’appelle un automatisme, et c’est en principe bienvenu en foot. Rater un contrôle, c’est une erreur individuelle, c’est con mais ça arrive. Certes, cela peut arriver en raison d’une forme de nonchalance découlant d’un manque d’expérience. Mais si Fellaini a sollicité un ballon que son jeune âge lui interdisait de solliciter, c’est la faute à Boskamp qui a oublié de lui interdire de solliciter pareils ballons à pareils endroits… et l’on pourrait être furieux contre Boskamp ! Sans blague : quand un coach choisit d’aligner, dans des matches de type struggle-for-live, un gamin peu expérimenté, c’est à lui seul d’en assumer les conséquences.

Cela dit, du point de vue de l’enthousiasme médiatique, ça m’a l’air de démarrer exagérément pour Fellaini comme pour d’autres avant lui, c’est une maniaquerie en vogue au foot : suffit qu’un p’tit jeune sorte de l’ombre pour deux matches potables, et on nous la joue a-star-is-born sur tous les tons ! Autant j’ai été un peu distrait durant Steaua-Standard au retour (je l’avoue, j’étais dans un clubouze de tennis, mon pote Robert venait de me battre pour la 17e fois consécutive, et je buvais quelques cervoises pour faire passer la 17e pilule…), autant j’avais été attentif lors de Standard-Steaua à l’aller : et surpris ensuite par l’unanimité des appréciations positives, voire dithyrambiques, quant à la prestation du jeune Marouane.

En Fellaini, j’avais vu un grand gars athlétique, bien placé en perte de balle, profitant bien de ses grandes cannes pour bien disputer les ballons, à l’aise dans le jeu aérien ; mais aussi péchant un peu par indolence dès qu’il avait le cuir, appuyant trop peu ses passes faciles, et perdant par là quelques ballons à ne pas perdre. Bref, un débutant perfectible qui avait tiré sa jeune épingle du jeu, mais pas un gars qui aurait crevé l’écran en se montrant le meilleur des siens. Ce que laissaient pourtant imaginer bon nombre de gazettes.

Dirigeants rouches, vous qui aimez le business, circonspection ! Via Fellaini, gaffe au scénario en six phases qu’ont connu les Mauves avec Walter Baseggio hier ou Anthony Vanden Borre aujourd’hui ! Un, on lance un gamin qui s’en tire pas mal. Deux, la presse rajoute la sauce. Trois, le gamin prend de la valeur marchande. Quatre, pour qu’on ne lui pique pas, le club file rapidos au gamin un contrat de longue durée pas piqué des vers : en rêvant de revente future avec plus-value jolie, vu que le gamin va forcément gommer ses tares et progresser. Cinq, le gamin ne progresse pas tant que ça, les tares s’avèrent tenaces… Six, terminus, tout le monde déchante.

par bernard jeunejean

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