« La faute à Ivic et Tapie! »

Deux certitudes: il ne se contentera pas d’une place sur le banc et n’attendra pas la fin de son contrat à Marseille avant de tenter sa chance en Angleterre.

C’est dans le golfe du Morbihan qu’a battu le coeur du football français, durant deux semaines. L’Olympique de Marseille y effectuait jusqu’à ce lundi son deuxième stage de préparation à la nouvelle saison, après avoir travaillé en altitude dans les Pyrénées. Même si ce club sort de deux saisons de galère, il reste un sujet de discussion privilégié en France.

La composition du noyau changeait pour ainsi dire chaque jour. Des joueurs originaires des quatre coins du monde débarquaient en Bretagne pour deux ou trois jours de tests. D’autres, bel et bien sous contrat, apprenaient qu’ils n’entraient plus dans les plans de Tomislav Ivic et devaient décamper. Et pendant ce temps, les rumeurs faisaient des petits. De très grands noms circulaient, comme renforts potentiels: Blanc, Djorkaeff, Seedorf, Wiltord, Dhorasoo. Mais aussi Boban, Folha, Dragutinovic, etc. C’est dans ce cadre et cette ambiance que Vedran Runje a fait connaissance de ses nouveaux coéquipiers et retrouvé son pote Daniel Van Buyten.

Le géant de Froidchapelle ne semble pas impressionné par les événements ou par les visites de Bernard Tapie qui passe à l’heure du dessert et va de table en table pour échanger quelques mots avec chaque joueur ou improviser un petit speech sur la diététique des footballeurs. Van Buyten poursuit sa rééducation en solitaire, attend avec la plus grande impatience qu’on lui donne le feu vert pour effectuer son premier entraînement avec le noyau et espère être opérationnel dès la deuxième ou troisième journée du championnat. Sa fissure du cinquième métatarse, encourue en fin de saison, ne sera bientôt plus qu’un mauvais souvenir.

« Je ressentais une gêne au pied depuis plusieurs mois, mais les médecins du Standard s’obstinaient à me dire que je ne devais pas m’inquiéter », raconte Van Buyten. « Finalement, l’os s’est fissuré sur un mouvement anodin. Si on m’avait laissé me reposer plus tôt, je ne me serais pas retrouvé dans le plâtre ».

Van Buyten n’est plus revenu en Belgique depuis la conclusion de son transfert. Il sait toutefois qu’on a énormément parlé de la somme déboursée par Marseille pour l’arracher au Standard. « Je n’en reviens toujours pas d’être plus cher qu’une star comme Emile Mpenza », sourit-il modestement.

Ce transfert a étonné pas mal de monde. Dont vous-même?

Daniel Van Buyten: Effectivement, dans la mesure où tout s’est fait très vite. J’étais à peine au courant de l’intérêt de Marseille, que je me retrouvais dans l’avion. Je m’étais fait à l’idée de reprendre les entraînements avec le Standard, et la perspective de disputer la Coupe de l’UEFA avec une équipe encore renforcée me plaisait beaucoup. En réalité, je m’attendais à quitter le Standard en cours de saison prochaine. J’espérais réussir un tout bon premier tour pour impressionner les scouts d’un très grand club européen, puis partir à la trêve comme les Mpenza l’avaient fait. Tout ce planning est tombé à l’eau quand j’ai compris que Marseille me voulait absolument.

« J’avais signé un précontrat avec le Bayern »

On a aussi cité un paquet d’équipes, dont le Bayern, Everton, Leeds, Middlesbrough, Tottenham, Southampton, etc.

Arsenal et Dortmund aussi… J’avais apparemment une très bonne cote en Angleterre. Chaque semaine, il y avait un ou deux recruteurs de ce pays au Standard. Contre Anderlecht, ils étaient quatre ou cinq. Le but que j’ai inscrit en Ecosse a achevé de marquer les esprits en Angleterre. Mais c’est avec le Bayern que les choses sont allées le plus loin. J’avais même signé un précontrat là-bas. Les gens du Standard n’étaient au courant de rien, mais ce n’était pas un problème à mes yeux car je savais que les Allemands débourseraient sans même marchander la somme réclamée par le Standard. Ils m’avaient directement fait comprendre que, pour eux, l’argent n’était pas un problème.

C’est votre blessure qui a fait capoter ce transfert?

Exactement. Quand je me suis rendu à Munich pour signer mon contrat, j’avais des béquilles et un pied dans le plâtre. Cela les a effrayés. J’ai lu des interrogations dans le regard des dirigeants et de Hitzfeld. Je leur ai expliqué que ce n’était pas grave du tout. Ils ont appelé le médecin du club pour avoir son avis. Il leur a confirmé que c’était une blessure mineure, que cela ne devait pas remettre mon transfert en cause. Mais les patrons du Bayern ont quand même souhaité attendre mon rétablissement complet. J’étais déçu, mais rassuré d’avoir intéressé un club aussi prestigieux. Raymond Goethals m’a dit que si le Bayern m’avait sur ses listes, il continuerait à me suivre et ne me lâcherait plus.

Entre-temps, Marseille s’est manifesté. Contrairement à tous les autres contacts, c’était très concret. Cette envie de m’avoir à tout prix et la présence de Tomislav Ivic à Marseille ont été décisives. Je connaissais aussi Tapie pour l’avoir rencontré plusieurs fois à Liège. Notamment lorsque j’assistais aux matches depuis la tribune d’honneur, en fin de saison. Nous avions aussi discuté après la pièce de théâtre qu’il avait jouée à Liège. Quel personnage! Il me fascine. Il me fait penser à… mon père parce qu’ils prononcent souvent la même phrase: -Il faut toujours chercher à être le numéro 1 parce qu’on ne parle jamais du numéro 2.

« Je vais jouer contre Anderson et Anelka ».

On vous imaginait plutôt en Allemagne ou en Angleterre. Avec votre stature, vous ne serez pas toujours à l’aise dans un championnat rapide, technique et où ça combine beaucoup.

Je sais que je devrai me battre et donner ma dernière goutte de sueur pour avoir ma place dans l’équipe. Ce n’est pas un problème parce que j’ai toujours tout donné. Il est clair que les championnats d’Angleterre et d’Allemagne étaient, sur le papier, davantage faits pour moi. Actuellement, je ne peux pas être sûr à 100% que tout se passera bien pour moi en France. C’est pour cela que je suis si impatient de jouer mon premier match. Je manque encore de repères et c’est minant. En tout cas, je sais que les clubs anglais et allemands reviendront si je m’impose à l’OM. J’aurais alors prouvé que j’ai certaines qualités techniques qui, associées à mon gabarit et à ma condition physique, devraient définitivement les convaincre que je peux leur rendre des services. Je vais affronter Jardel tous les jours à l’entraînement; je suis certain de progresser face à un joueur pareil. Une fois que j’aurai relevé ce défi, je pourrai penser à autre chose. J’ai signé un contrat de cinq ans, mais je ne compte pas attendre aussi longtemps avant de m’en aller dans un environnement encore plus performant. Ma progression étonne parce qu’elle est fulgurante, mais elle est loin d’être finie (il sourit).

L’étape suivante, si j’en ai la possibilité, ce sera l’Angleterre. C’est un football fait pour moi. Mais c’est sans doute mieux de prévoir une étape intermédiaire dans une compétition un peu moins relevée comme la France. Il y a plusieurs espoirs belges qui sont partis trop tôt en Premier League et cela me fait réfléchir. Ils étaient promis à une toute grande carrière quand ils ont signé en Angleterre, mais on ne parle plus beaucoup d’eux aujourd’hui. Ils ne parviennent même pas à retrouver un club belge d’un niveau acceptable.

Marseille est un club dans lequel rien n’est facile, et la pression sera encore beaucoup plus forte qu’au Standard!

Pas de problème. La pression me donne des ailes. C’est dans les stades chauffés à blanc que je joue mes meilleurs matches. L’OM a déjà vendu près de 50.000 abonnements et nous aurons entre 50 et 60.000 spectateurs lors de chaque rencontre à domicile. On m’a dit qu’un Stade Vélodrome plein, c’était carrément monstrueux. Je suis déjà tout excité. Plus il y a de monde, et plus mon adversaire direct est réputé, mieux je me sens. Je rêve déjà de duels face à Anderson et Anelka. Je monterai sur le terrain en étant bien décidé à leur montrer de quel bois je me chauffe. En Belgique, je me suis toujours bien tiré d’affaire contre Koller et Radzinski, par exemple.

« Waseige n’est pas stressé par mon transfert ».

On vous appelle déjà le nouveau Stam!

Un peu de patience (il rit)

Vous êtes conscient qu’une première saison ratée à l’OM vous priverait de la Coupe du Monde?

Evidemment, j’y ai réfléchi. Je sais très bien que Robert Waseige n’emmènera pas des réservistes au Mondial. Par contre, il comptera sans doute sur moi si je figure régulièrement dans l’équipe de Marseille. Il a confié à Luciano D’Onofrio que j’avais fait un très bon choix. J’ai décidé de quitter le Standard parce que je pars du principe que je vais très vite devenir titulaire à l’OM. Je ne veux pas entendre parler d’une période de transition. Je devrais être au point physiquement dès que je pourrai retâter du ballon, et il ne me faudra que quelques jours pour être totalement opérationnel. Je ne peux pas avoir perdu toutes mes qualités en trois mois. J’entends bien prendre ma place directement et ne plus la lâcher! Si ce club a déboursé autant d’argent pour me transférer, ce n’est quand même pas pour me mettre continuellement sur le banc.

Ivic me connaît très bien. Il ne me rayera pas de ses plans après deux mauvais matches. J’aurai plus de crédit avec lui qu’avec un autre entraîneur. Il n’était pas apprécié par tous les joueurs du Standard, mais moi, j’avais une relation particulière avec lui. Ici, j’ai retrouvé le même homme… en un peu plus calme. Sans doute parce qu’il est encore mieux entouré dans son staff. Ivic voit pour le moment que je mets toute la gomme, à la salle de musculation, pour entretenir mes capacités physiques. Les kinés et le préparateur physique sont étonnés quand ils voient que je me défonce tous les jours, quand ils m’observent sur le vélo. Un autre entraîneur m’imposerait sans doute de lever le pied. Ivic, lui, sait que j’ai besoin de cette intensité. Lors de nos premières semaines en commun au Standard, il est venu plus d’une fois me rechercher sur le terrain après l’entraînement. J’estimais que je n’avais pas assez travaillé et je faisais des heures supplémentaires. Après un certain temps, il m’a laissé faire car il avait compris que je serais encore plus performant en match si j’avais travaillé comme un malade pendant toute la semaine. Si je ne suis pas complètement crevé le vendredi soir, mon match ne se passe pas bien.

37 buts avec les Réserves de Charleroi!

Que vous a appris Ivic au Standard?

Je lui dois surtout d’avoir trouvé ma meilleure place sur le terrain: comme stoppeur. Il m’avait d’abord essayé au back droit, mais il a vite compris, comme moi, que je n’étais pas fait pour ce job. Ivic ne tentera plus jamais cette expérience, j’en suis certain. S’il a fait venir à Marseille un pur droitier comme Yobo, ce n’est pas pour m’aligner à droite de la défense.

J’ai pas mal voyagé sur la pelouse depuis que je joue au foot. Chez les jeunes, je ne jouais qu’à l’attaque. Normal: j’étais systématiquement le plus petit de mon équipe! Tout a changé à 17 ans: j’ai commencé à grandir de façon spectaculaire et j’ai pris une trentaine de centimètres en deux ans. On a même eu peur que mes genoux ne tiennent pas le coup, car ils ne s’étaient pas développés en conséquence. Quand Waseige m’a fait monter dans le noyau A de Charleroi, il avait l’intention de me confier un rôle à la Koller. Il avait remarqué mon aisance devant le but. L’année précédente, j’avais marqué 37 buts avec la Réserve de Charleroi, en tant que médian défensif. Dont un hat-trick contre Anderlecht, dont la Réserve était pour ainsi dire aussi forte que la Première! Scorer, j’avoue que j’adore ça. Michel Preud’homme m’a fait monter plusieurs fois en fin de saison, quand le Standard était mené. Cela impliquait un bouleversement total de notre style de jeu. Mais cette audace tactique a été payante deux fois.

Pierre Danvoye, envoyé spécial en Bretagne

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