© BELGAIMAGE - CHRISTOPHE KETELS

La fabrique internationale

C’est une douce mélodie. Presque inaudible, lointaine, mais attirante. Celle d’un crachin qui, tombé sur le bout des lèvres, donne un goût de déjà-vu. L’hiver, le gris, janvier et la reprise. Coincé dans la buvette, un moustachu observe derrière la vitre, et sous sa casquette du FC Liégeois, le spectacle qui s’annonce. Les locaux du FC Herstal, dixièmes de D3 amateur, répètent leurs dernières gammes avant d’en découdre avec les Namurois de Spy.

Réfugié dans le gymnase jouxtant l’ensemble, Diego Munoz prend soin de ses convives, parmi lesquels des  » fidèles supporters « , comme il aime les appeler, charmeur. Accolades, sourires et clins d’oeil au menu. Indépendant spécialisé dans la vente de pièces détachées, il souligne fièrement une ligne de son CV : trente-deux ans de ballon rond.

Longtemps à la tête de la JS Molise-Herstal (JSMH), c’est lui qui devient en 2009 le président de la nouvelle entité du cru, souhaitée par le désormais ex-bourgmestre Frédéric Daerden pour sauver l’AS Herstal, alors nonagénaire à la dérive. Les deux clubs de deuxième provinciale unissent leurs forces et leurs couleurs. Du rouge, du noir et un surnom qui reste, les  » Armuriers « , vestige de la FN, fabrique d’armes indissociable de la commune.

Tandis que les plus privilégiés terminent leur assiette, jouissant au passage d’une vue partielle mais appréciable sur le terrain, les vingt-deux acteurs jouent déjà depuis plusieurs minutes. A un moment donné, l’ailier droit de Spy repique sur son pied gauche, tente un centre au cordeau et réussit, sans le vouloir, à frapper le montant et la lucarne du portier herstalien. Une Christophe Jallet, dans le jargon.

 » Elle est dedans, là ! ? « , interroge un supporter visiteur, distrait.  » OUI « , lui hurle un autre, appuyant bien sur les voyelles et sur son porte-bonheur, qu’il brandit glorieusement en le serrant fort dans sa paume.  » Je t’avais dit que les carottes portent bonheur !  » S’il semble plutôt tenir une pomme de pin, son camarade acquiesce, conciliant :  » Tu as bien raison, Gilbert.  »

La mi-temps rafraîchit les esprits et réchauffe les extrémités. À domicile, le matricule 82 peine à imposer son rythme, mais réussit quand même à rentrer aux vestiaires sur un score de parité (1-1).

Président-serveur

Diego Munoz se transforme à nouveau en  » président-serveur « , décidément polyvalent. Entre deux plateaux, il distille quelques anecdotes, se rappelle au bon souvenir de l’accueil de la sélection du Gabon ou de celle du Mali, il y a deux ans, dans ses installations.

Il y a deux ans, la patrie de Moussa Djenepo, invitée par le Japon pour une triangulaire à Sclessin, avait établi son QG dans les installations herstaliennes. En somme : un club à l’envergure internationale, présidé par un citoyen du monde.

 » Moi, c’est l’Europe avant l’heure « , lâche encore Munoz.  » Ma femme est italienne, je suis né en Allemagne et ma famille est originaire de Cordoba, en Andalousie. Mais mon équipe favorite, c’est le Real.  »

En 1983, la Maison Blanche de Di Stefano accueille justement Alberto Bernardo Murcia, le temps d’une saison. Né à Liège en 1960, le gamin porte les couleurs de l’AS Herstal et du Standard avant de retourner dans le pays du paternel, mineur.

Trois décennies plus tard, les rouge et noir se revendiquent d’un projet  » à la Bilbao « . Des jeunes du cru pour faire briller la région. Fastidieux. C’est aussi la raison pour laquelle, l’été dernier, le noyau de l’équipe première a été complètement renouvelé. Dix-huit nouveaux joueurs, dont quatre issus de l’académie, encadrés par un coach burundais, Patrick Sangwa, et un homme d’expérience, Jordan Remacle.

En fin de partie, l’ancien Carolo offre le 3-1 à son compère d’attaque. Échec et mat. Dans les couloirs des vestiaires, Remacle se confesse.  » Après Charleroi, j’ai vécu une saison compliqué à Solières et je pensais que j’allais arrêter. Il n’y a pas d’apprentissage quand on passe de professionnel à amateur. Les joueurs ne sont pas préparés. Tout s’arrête, d’un coup. Ici, je suis content parce que j’ai retrouvé un super groupe « , assure-t-il, alors qu’un coéquipier aux cheveux rouges – la faute à un pari perdu au Nouvel An – lui livre une bière fraîche en guise de récompense. Le retour aux fondamentaux.

La fabrique internationale
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