La dynamo est relancée

Pierre Bilic

Le buteur croate fait parler la poudre, son ambition et sa gentillesse avant le choc contre Anderlecht.

Josip Simic: « Cela tourne bien pour le moment et je prouve que j’ai ma place dans cette équipe brugeoise. Je peux lui rendre service, me distinguer, avancer dans mon plan de carrière, me faire un nom à Bruges mais je sais, évidemment, que la réussite est aussi fragile que le verre dans le monde du football. On ne me connaissait pas en Belgique au moment de mon arrivée à Bruges. J’avais peut-être la réputation d’être un espoir. J’avais dépassé ce cap car j’avais déjà vécu de belles choses: titre croate avec le Dynamo Zagreb, mon ancien club, sept sélections en équipe nationale, Ligue des Champions et équipier de Robert Prosinecki ou Mark Viduka.

J’ai remis tout cela en jeu en ne signant pas un nouveau contrat au Dynamo Zagreb. Je n’étais pas d’accord avec une nouvelle proposition de contrat. J’ai tenu tête. J’étais certain de pouvoir faire du chemin à l’étranger. Mon frère, Dario, se faisait déjà un nom à l’Inter Milan, mais j’ai préféré une voie un peu différente mais aussi intéressante.

Je ne suis absolument pas préoccupé par l’avenir. Je ne veux vraiment pas m’encombrer l’esprit avec des plans, des ambitions de transfert vers je ne sais quel grand club. Chaque chose en son temps. Je vis au présent. Je ne pense qu’à Bruges. J’ai éliminé tous les autres soucis afin que le football soit le fil rouge de ma vie. Je lis très peu la presse afin de ne jamais être déconcentré. Cela va mieux mais je ne désire pas en tirer une gloire personnelle. Si j’ai trouvé mes marques, je le dois aussi aux qualités du groupe. Avec le Dynamo Zagreb, j’ai marqué un but splendide en Ligue des Champions à l’Ajax. Sans une grande ligne médiane derrière moi, je n’aurais jamais lobé le gardien adverse. Et le Dynamo ne se serait pas distingué à Porto ou à Old Trafford ».

Verheyen méritait le Soulier d’Or.

« L’esprit de groupe est très important et je ne citerai que deux exemples: Gert Verheyen et Gaëtan Englebert. Ils sont d’abord collectifs et travailleurs. Je n’ai rien contre Wesley Sonck, un magnifique attaquant, mais si quelqu’un méritait le Soulier d’Or, c’était bien Gert Verheyen. N’a-t-il pas largement contribué à la qualification des Diables Rouges pour la phase finale de la Coupe du Monde? Gaëtan Englebert travaille sans cesse pour le collectif. Quand je suis arrivé ici, fin 2000, on m’a dit que je devais être le successeur de Khalilou Fadiga, Robert Spehar et Mario Stanic. Je veux d’abord être moi, avec mes qualités, mon style de jeu afin de ne remplacer personne mais de laisser, plus tard, un très bon souvenir de mon passage à Bruges et en Belgique. Cela n’a pas toujours été très évident. Je me suis posé des questions quand on m’expédiait avec les Espoirs au fin fond du pays. Trois heures d’autocar et un match dans l’indifférence alors que j’avais encore des souvenirs de la Ligue des Champions dans la tête. Je devais me faire minable et modeste : j’ai souffert mais j’en suis sorti encore plus fort et ambitieux dans ma tête.

Je devinais parfois des doutes dans le regard de l’un ou l’autre en arrivant à l’entraînement. Pas grave et j’attendais ma chance. Elle est venue petit à petit. Je n’ai pas peur de l’adversité. A Zagreb, j’ai souffert d’un mal étrange: mes veines étaient trop compressées au niveau des jambes. A un moment, je ne parvenais plus à monter les escaliers. Les médecins m’ont même dit que je pouvais faire une croix sur le football. J’ai finalement subi une intervention chirurgicale en Suisse. Je me suis mordu deux fois la langue en match: deux opérations, des points de suture, etc. Un peu après mon arrivée à Bruges, un examen sanguin révéla que j’avais des problèmes glandulaires.

Je savais que rien n’aurait raison de mon envie de jouer au football. En automne, je n’étais pas encore assez serein dans mon jeu. J’ai écopé d’une carte rouge en Coupe d’Europe: à éviter quand on commence à s’affirmer. La moindre absence peut vous écarter durant des semaines. En championnat, j’ai souvent mordu sur ma chique. Il m’est parfois arrivé d’être coupé en deux par un géant d’Afrique. Je ne sentais plus ma jambe ou mon genou mais pas question de quitter le terrain. Qu’aurait-on dit? Tiens, Josip Simic s’est blessé, point final. Je me suis parfois éclaté les poumons pour qu’un adversaire ne passe pas sur mon flanc. J’aurais préféré crever comme un poisson rouge hors de son bocal plutôt que de céder. Un joueur étranger doit forcément être très productif : on l’achète pour cela. En Belgique ou ailleurs, c’est normal. Mais c’est parfois dur à vivre ».

Trond Sollied n’a jamais douté

« L’élimination face à Lyon a fait mal et précéda un mois difficile. Notre beau jeu a parfois été pris en défaut, à Anderlecht ou face au Standard aidé par un terrain difficile et le fait de ne pas être obligé de faire le jeu. Ce jour-là, j’avais eu le pressentiment avant le match que la chance ne serait pas du tout de notre côté. Je ne m’étais pas trompé. Notre avance a fondu mais le coach n’a jamais douté de ses choix tactiques: c’était important et même vital pour le groupe. Il y a eu des interrogations mais Trond Sollied a conservé le cap. Lors de notre stage d’hiver, il a procédé à de petits réglages d’occupation de terrain.

Bruges a mieux orchestré la récupération de la balle. Nous misons un peu plus sur le contre mais, en gros, notre philosophie est d’abord offensive. On a dit que j’avais des problèmes avec le 4-3-3 : faux. A Zagreb, le ton était au 4-4-2, c’est vrai, et quand Mark Viduka était là, je tournais autour de lui. Je tâchais de récupérer les ballons en zone de vérité et d’y être le plus dangereux possible. Mais j’ai également joué en 4-3-3 en équipe nationale: nema problema, pas de problème. A Bruges, on écarte le jeu sur les ailes, cela crée des espaces intéressants pour tout le monde.

Un des buts est de ravitailler Rune Lange, notre pivot, en bons ballons. Mais un extérieur offre aussi de bonnes géométries de jeu aux médians. A Bruges, on décortique sans cesse nos mécanismes tactiques. La machine est attentivement huilée, au point que tout le monde sait ce qui se passe et où les autres se trouvent sur le terrain. Automatisme ne signifie absolument pas manque d’imagination. Rien ne m’interdit de décrocher ou de me pointer dans l’axe mais il faut le faire au bon moment ou avoir un brin de chance. Si on rate son coup, il y aura des reproches. Pas de problème, évidemment quand cela marche ».

La concurrence est terrible

« Quand on m’a un peu critiqué, je n’ai pas bronché, j’ai regardé en me disant: -Qui c’est celui-là? Que sait-il de mes problèmes? J’avais probablement un petit sourire narquois. Je savais que j’allais leur répondre. J’avais besoin de temps. Quand on a surmonté tout cela, c’est qu’on est sur le bon chemin. Pour nous, il était important de bien entamer le deuxième tour: c’est ce que nous avons fait à Westerlo. A gauche, je ne suis pas dans un fauteuil. La concurrence est terrible.

Il y a un certain Andres Mendoza dans la zone. Le Péruvien est un très grand joueur. Il a tout pour plaire et réussir: technique, vitesse, taille et présence. Mais je suis là aussi. A Zagreb, il y avait autant de concurrence qu’à Bruges: j’aime car cela vous oblige à progresser tous les jours. Je suis un bosseur. Mendoza est plus proche de Fadiga que moi. Je suis sans cesse en activité, je ne peux pas rester tranquille sur une pelouse: j’explose, je sers les autres et je fonce. En décembre, il y a eu des problèmes à la finition. J’ai raté des occasions mais j’étais là où il fallait, c’était bon signe. Il convenait simplement de soigner le dernier geste.

Je savais que cela viendrait et c’est le cas. J’ai toujours été optimiste et positif. Cela ira de mieux en mieux. Bruges a un noyau élargi, riche en profondeur. La ligne arrière joue parfois sans Nzelo Lembi, Milan Lesnjak ou Tjörven De Brul. C’est pas rien mais les autres sont là. Devant, il y a du monde aussi: Lange, Mendoza, Verheyen, Martens, Sillah et moi. Ceh n’a pas encore trouvé sa place dans l’entrejeu.

C’est dire si la lutte est dure dans le groupe. Ce sera un des atouts de Bruges dans la lutte pour le titre. Le retour d’Anderlecht ne m’étonne pas. Son groupe a de la qualité. Le Standard a eu des ratés mais il faudra se méfier des Liégeois bien renfocrés avec Robert Spehar et Régis Genaux. Genk développe, selon moi, le plus beau jeu de nos adversaires dans la course au titre. Tout le monde parle de la classe de ses deux attaquants: Sonck et Dagano. S’ils sont impressionnants, un autre joueur régit le tempo: Josip Skoko. C’est l’architecte de Genk, brillant dans le jeu court, fort à la frappe, clairvoyant dans la distribution à distance. Difficile de dire qui sera champion: cela se terminera au sprint. Personne ne peut s’en plaindre car cela procure des affiches lors de chaque journée d’un championnat passionnant ».

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Pierre Bilic

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