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La drôle de panthère noire

Depuis que le Club Bruges a accédé à la D1 en 1959, il a employé 34 entraîneurs. Le Néerlandais Frans De Munck a sans doute été le plus étrange.

Un livre en néerlandais est sorti sur Frans De Munck. C’est surprenant dans la mesure où l’ancien gardien est mort depuis onze ans. Sa vie a toutefois été pour le moins inhabituelle. Elle a été marquée par une succession d’anecdotes piquantes. De 1949 à 1960, De Munck s’est produit à 31 reprises pour l’équipe nationale néerlandaise. On l’appelait la Panthère Noire à cause de ses cheveux de jais, de sa tenue de la même couleur et de ses réflexes félins.

Frans De Munck était vaniteux. Il était très populaire auprès des dames et se déplaçait dans une grosse voiture américaine. À en croire la légende, il avait un miroir et un peigne en poche quand il jouait et draguait les filles en plein match. Durant sa grande époque, il s’est souvent fait remplacer avant le terme d’une rencontre pour quitter le stade et rendre visite à la femme d’un coéquipier. De Munck a même fait sensation en embrassant à pleine bouche l’actrice américaine Jayne Mansfield, avant un match entre le Sparta et DOS Utrecht.

De Munck, originaire de Zélande, ne manquait pas d’assurance. Il a joué pour le FC Cologne et là aussi, c’était un véritable tombeur. La ville l’admirait tellement qu’il a obtenu un rôle dans le film Das ideale Brautpaar (Le couple de mariés idéal, ndlr). Il a toutefois fait moins bonne impression une fois devenu entraîneur. Il a débarqué au Club Bruges en 1969, pour deux saisons, devenant le premier entraîneur néerlandais des Blauw en Zwart. Le Club avait déjà connu quelques coaches bizarres, comme le Hongrois Janos Schwanner, qui faisait surtout courir ses joueurs. Il se distinguait par la souplesse de sa démarche et ses ordres, lancés sur un ton hilarant. Plus tard, on a appris qu’il avait été maître de ballet adjoint à l’opéra de Vienne. Il y a aussi eu le Français Louis Dupal, qui rendait visite à leur domicile aux joueurs blessés. Pour leur parler, mais aussi pour les masser.

Frans De Munck était d’un tout autre genre. Il obligeait ses joueurs à s’entraîner lourdés de sacs de sable, pour améliorer leur vitesse. Son arrogance le rendait insupportable. Il a notamment interdit à son gardien de jouer en noir, car il n’y avait qu’une Panthère Noire: lui-même. Il aimait provoquer les joueurs et s’est rapidement disputé avec la plupart d’entre eux. Il a notamment voulu changer le style de jeu de Fernand Boone, qui était un vrai gardien de ligne, qui amenait neuf fois sur dix l’adversaire se dirigeant vers lui dans la direction qu’il voulait. Un moment donné, il a donc écarté Boone afin d’offrir une chance à Luc Sanders, qui venait d’être transféré. C’était lors d’un match à domicile contre le Racing White. Boone était resté au café qu’il tenait à proximité du stade. Il était en train de servir des bières quand, à vingt minutes du coup d’envoi, un membre de la direction a surgi, paniqué. Sanders s’était blessé à l’échauffement et il fallait que Fernand vienne rapidement. Boone s’est exécuté, à contre-coeur, et a exigé que De Munck lui présente ses excuses dans le vestiaire. Il lui a fait jurer devant témoins qu’il l’alignerait aussi trois jours plus tard en Coupe d’Europe contre Ujpest Dosza. De Munck n’a eu d’autre choix que de s’exécuter.

C’était une autre époque. Frans De Munck, qui a remporté la Coupe de Belgique 1970 avec le Club Bruges, pouvait surprendre. Avant un match de Coupe d’Europe contre le Kickers Offenbach, il est entré dans le vestiaire pour donner une photo à tous les joueurs en leur disant que c’était l’équipe adverse. En fait, c’était le cliché d’une femme nue. Les joueurs ont éclaté de rire en s’en apercevant.

Il ne fallait pourtant pas trop rire avec Frans De Munck. Du Club, il est passé au Lierse. Il l’entraînait quand l’équipe a réalisé un exploit à Leeds en s’imposant sur le score de 0-4. De Munck a ensuite été limogé d’une manière peu banale: le Lierse devait affronter le PSV et l’entraîneur aurait parié avec un joueur sur ce match. De Munck avait misé gros sur la victoire du PSV. Il a pris la porte sur ces entrefaites.

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