La dernière carte de Leone

Le successeur de Scifo n’a pas peur du défi qu’il doit relever à Mons, perdu en queue de classement et dans d’autres soucis inquiétants…

La semaine passée, les Montois ont écrit leur histoire dans l’émotion. Quelques jours après la triste montée sur le bûcher d’Enzo Scifo, Elio Di Rupo prononçait un discours très remarqué à la tribune de l’ONU. Mons qui pleure, Mons qui rit, Mons qui est fière d’avoir accueilli, il y a bien longtemps, ou plus récemment dans le cas de Scifo, ces fils de l’immigration italienne. L’entraîneur est reparti vers son destin et c’est au tour de Cedomir Janevski maintenant de se pencher sur les Dragons. Il devra être aussi éloquent que le Premier ministre.

Le choix de ce technicien expérimenté, qui n’appartient à aucune chapelle proche du président Dominique Leone, a le mérite important de rebattre les cartes. Son regard sur les événements est totalement neuf et, surtout, imperméable aux pressions extérieures. Et il y en a eu des grenouillages pour prendre la place de Scifo.  » Le téléphone d’Alain Lommers, le directeur du club, chauffa à la mi-temps du match à Malines « , nous dit-on.  » Des coaches se plaçaient déjà au cas où Scifo serait démis.  »

A ce moment-là, cependant, Mogi Bayat, le plus influent des agents de joueurs est le maître du jeu, ce qui incite des gens de la place montoise à affirmer  » qu’il a les clefs du Tondreau et l’oreille du président « . Il y fait la pluie et le beau temps, choisira la couleur des tapis quand le stade sera terminé même si ce n’est pour tout de suite. Et les mêmes personnes, qu’il énerve, ont parfois eu l’impression que le Dragon ressemblait de plus en plus à un Zèbre, surtout quand l’agent de joueurs en question débarque avenue du Tir avec son ordinateur et sa clef USB.

Enzo parti, c’est une digue qui se rompt avec des échanges très durs, comme celui entre un ancien du club, Benjamin Nicaise et le T2 resté en place, Geert Broeckaert Proche de Bayat, le bouledogue français a estimé dans un tweet que  » Scifo paie l’incompétence de son adjoint : le football, c’est surtout savoir s’entourer « . Nicaise ne s’attendait certainement pas à la réponse de Broeckaert :  » Si cela vient de lui, ce n’est pas grave : je n’aime pas les tricheurs.  » Et toc.

N’en déplaise à Nicaise et certains consultants, Broeckaert n’a pas l’importance qu’on lui donne. Il est incapable de bousiller un coach. Chercher des explications dans cette direction, serait trop facile. C’est un T2 professionnel qui n’a pas l’ambition de gérer une équipe, de prendre la décision finale en matière de sélection. Broeckaert n’est pas un patron mais un employé du club, une petite main qui espère que Scifo restera son ami.

Mbuyu a contré Bayat

L’attaque contre Broeckaert a eu pour effet de jeter un voile de discrétion sur l’apport totalement insuffisant des derniers renforts.  » Leone a dépensé de l’argent mais il a acheté des chèvres à la fin de la période des transferts, pas des footballeurs de course « , a-t-on entendu au Tondreau.  » A la longue, tout cela lui coûtera cher : un dédit pour Scifo, deux ans de contrat pour Janevski. Il aurait mieux fait d’être un peu plus généreux afin que Benjamin Mokulu se lie à Mons, pas à Malines.  »

Un homme a fait preuve d’une grande discrétion la semaine passée : Dimitri Mbuyu. Débordé par Mogi Bayat, il n’avait plus la main. Les solutions de Speedy Bayat impressionnaient Leone. Il ne lui restait plus qu’à placer un coach à Mons pour réduire le rôle de Mbuyu à néant. Deux noms se détachèrent dans la mêlée : GeorgesLeekens et Mircea Rednic ont occupé la pole position avant de renoncer. Ils avaient beaucoup à perdre dans une aventure incertaine.

S’il avait été convaincu que l’un ou l’autre était l’homme de la situation, Leone aurait trouvé de quoi mettre du bon beurre dans leurs épinards. Poussé par Bayat, Rednic voulait plus que les 25.000 euros par mois proposés par Mons. Leekens aussi. Scifo tournait à 15.000 euros. Janevski, de son côté, connaissait le prix pour se rapprocher de sa famille.

C’est quand Leekens et Rednic ont reculé, chuchote-t-on, que Mbuyu a sorti ses cartes, à la plus grande fureur de Bayat. Il était temps pour lui de passer à l’action, de défendre son acquis, son pré carré à Mons. Même s’il semble parfois manquer de poigne, Mbuyu connaît parfaitement le football de chez nous.

Avec la venue de Janevski, il marque donc son territoire, contient Bayat, coupe la ligne directe entre ce dernier et Leone. A Mons tout le monde sait cependant qu’il reviendra, même par la fenêtre s’il le faut. Le président l’aime bien et il a de nombreux joueurs, donc d’espions, dans le vestiaire.

Mons : un investissement de 17 millions

Mons ne peut pas se permettre de retrouver la D2. Une relégation signifierait, peut-être la fin de ce club. Leone a déjà investi 17 millions d’euros dans ce club. Ce grand homme d’affaires, qui donne du travail à 600 personnes, a probablement atteint ses limites. Qui pourrait en faire autant dans cette région économiquement sinistrée ? Personne.

Janevski est la dernière carte de Leone, celle qui doit effacer toutes les erreurs de gestion sportive commises cet été et fatales à Scifo. Janevski est un antidote pour que Leone ne soit pas rayé de la carte comme ce fut le cas d’autres businessmen du sud amoureux du football : Marchandise, Blaton, Gaone, etc…

Leone a du répondant mais une de ses sociétés, présente dans le secteur des briques réfractaires, éprouverait des difficultés pour le moment. Une commande de 10 millions d’euros n’a pas été payée par un gros client étranger. Autrement dit : il n’y a pas que le football et le triste stade du Tondreau dans ses pensées.

Mons n’a pas démérité contre le Club Bruges de MichelPreud’homme. Mais les faits sont là, cruels. Cette défaite s’ajoute à l’élimination en, 16es de finale de la Coupe de Belgique, à Westerlo. Mons est le seul club de D1 incapable de franchir ce cap. Les Dragons doivent renverser le cours de l’histoire et cela passe par une première victoire.

Janevski le sait et il a examiné la suite du programme. Mons se déplace au Lierse avant de recevoir la visite d’Anderlecht au Tondreau. Janevski a signé vendredi et n’a pas coaché le lendemain contre Bruges. Au-delà de l’Albert, c’est tout le football de la région Mons-Borinage qui vit d’inquiétudes.

Le Royal Boussu Dour Borinage (D2) va effacer ses dettes en vendant son numéro de matricule à Seraing. Le Pairay retrouvera la D2 et Boussu Dour la P1 ou la Promotion. L’Albert n’a jamais songé à une fusion avec ses voisins : n’est-ce pas une erreur ?

PAR PIERRE BILIC – PHOTOS : IMAGEGLOBE

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