LA DER de Pär

Bruno Govers

Le compte à rebours a débuté pour le lutin suédois qui tirera sa révérence en mai 2006.

Pär Zetterberg va au-devant d’une saison particulière. Et pour cause, puisque en mai prochain, après douze campagnes de bons et loyaux services pour le compte du RSCA (entrecoupées d’une pige de deux saisons au Sporting Charleroi et une autre de trois saisons à l’Olympiakos), le lutin suédois mettra un terme à sa carrière active. Et rien ni personne ne le fera changer d’avis.

Pär Zetterberg : Ma décision est irrévocable. Même si je suis sacré Footballeur Pro de l’Année, je remiserai mes boots, promis juré. Je fêterai mes 35 ans cette année encore. C’est un âge respectable, pour ne pas dire canonique, pour un sportif. Certains, à ce stade-là, profitent déjà d’une retraite dorée. Quand bien même ils ne s’arrêtent pas avant d’avoir atteint ce cap. Comme mon bon pote Bertrand Crasson (il rit). Je me sens encore parfaitement bien aujourd’hui. Mais, d’un exercice à l’autre, les jambes peuvent parfois s’alourdir subitement. Et je n’ai nullement envie d’accomplir la saison de trop. Si j’ai un souhait à formuler, c’est de pouvoir partir en beauté et de quitter la scène par la grande porte.

Comment percevez-vous cette ultime saison. Comme une tournée d’adieu ?

Dans mon esprit, je ne me vois pas prendre congé de qui ou de quoi que ce soit. Pour la bonne et simple raison que les stades belges et les joueurs, qu’ils soient partenaires ou adversaires, je les fréquenterai toujours à l’avenir, puisque ma reconversion sera synonyme d’intégration dans la cellule scouting du club. Par là même, indépendamment des missions que je pourrais être appelé à effectuer à l’étranger, je serai amené à suivre toujours de près le football belge. Mais cette occupation-là ne hante pas encore mes nuits. Pour moi, je suis et je reste avant tout joueur. Même si, quelque part, le compte à rebours a d’ores et déjà commencé en ce qui me concerne, je n’y pense pas. A mes yeux, il ne deviendra vraiment effectif que le jour où je quitterai le terrain pour de bon. Cette fois-là, je sentirai réellement les secondes s’égrener et je réaliserai que ma fin est toute proche. Sur le terrain, du moins (il rit).

Partir en beauté, ce serait quoi pour vous ?

Avoir contribué au 28e titre d’Anderlecht et à mon neuvième personnel, dont trois acquis sous les couleurs de l’Olympiakos. Une chose est sûre : si j’arrive à décrocher ce nouvel écusson national, ce sera le plus beau. Je le savourerai davantage encore que le premier de la série, en 1994. J’aimerais aussi, si possible, fouler une dernière fois l’herbe du stade roi Baudouin à la faveur d’une finale û victorieuse, évidemment û en Coupe de Belgique. Car bizarrement, alors que j’ai engrangé les sacres avec les Mauves, je ne compte qu’une seule victoire au Heysel : en 1994 quand, sous la houlette de Johan Boskamp, nous avions réussi le dernier doublé du club. Douze ans d’attente, ce n’est tout simplement pas permis pour un ténor de la dimension d’Anderlecht. Mais ce que je veux effacer par-dessus tout, c’est le souvenir de cette piètre campagne européenne 2004-2005. Zéro sur 18 en Ligue des Champions, c’est un bilan effroyable qui me reste toujours en travers de la gorge.

LC : Real Madrid ou Barcelone

Si le club vient à accéder à la phase des groupes en Ligue des Champions, avez-vous une préférence quant à l’identité des adversaires ?

Personnellement, il me plairait de rencontrer le Real Madrid ou le FC Barcelone, car je ne me suis jamais mesuré aux deux géants du football espagnol. Je ne cache pas non plus que la perspective de croiser sur ma route un Zidane ou un Ronaldinho me comblerait de plaisir. Mais il ne faut pas vendre la peau de l’ours : au préalable, il y aura deux rendez-vous extrêmement importants à honorer lors des deux étapes préliminaires. A commencer par celle du 26 juillet qui marquera notre entrée en matière dans cette compétition.

On présume que d’autres dates sont inscrites en lettres grasses dans votre calendrier ?

Vous avez raison. Sitôt publiée la grille du championnat, mes préoccupations sont allées à la date et au nom de l’adversaire que nous rencontrerons lors de la journée de clôture. Le hasard faisant bien les choses, ce sera Zulte Waregem, le 6 mai 2006, au Parc Astrid. Mais j’ai repéré le 8 avril aussi : un certain Charleroi-Anderlecht est programmé. Et il va de soi qu’il ne me laisse pas du tout indifférent non plus. Chaque fois que je me suis rendu au Mambourg, après mon départ là-bas en 1993, le public carolorégien ne m’a jamais marchandé son soutien. Je présume qu’il n’en ira pas autrement dans quelques mois.

Ces ovations-là ne devraient pas représenter grand-chose en regard de celle qui vous attendra face aux néo-promus. Comment voyez-vous cette dernière sortie ?

J’ai le très net sentiment que, pour la première fois depuis longtemps, mes larmes couleront à flots. D’ordinaire, je ne suis pas du genre émotif. Mais depuis mon retour au Sporting, en 2003, il m’est déjà arrivé à deux reprises d’être proche du point de rupture. La première fois, c’était contre le Rapid Bucarest, au deuxième tour préliminaire de la Ligue des Champions 2003-2004. Après avoir été menés 0-2, nous nous étions en définitive qualifiés pour la phase finale en empilant trois buts aux Roumains en deuxième mi-temps. J’avais rétabli l’égalité à la marque et offert le troisième but, ce soir-là, à Ki-Hyeon Seol et il n’en avait pas fallu plus pour que le kop, puis l’assistance entière, scandent mon nom sur l’air des lampions. La saison passée, j’avais eu droit à une incroyable ferveur aussi après le match contre le Lierse, que nous avions remporté 5-1. Sur le moment, j’en avais eu la chair de poule. Dans quelques mois, tout porte à croire que les circonstances seront plus spéciales encore. Mon épouse, mes deux enfants et la famille seront là. Sans oublier 25.000 personnes que je considère aussi comme des proches. Emotionnellement, ce sera dur. Très dur. Mais j’ai encore le temps d’y penser et de me préparer (il rit).

Frapper un grand coup

A ce propos, vous êtes-vous préparé différemment à cette dernière campagne qu’aux précédentes ?

Je me suis effectivement imposé, journellement, un programme supplémentaire à celui qui m’avait été concocté. Par exemple, quand je devais effectuer un footing de cinq kilomètres, j’en faisais huit ou même le double. Mais je ne dois manifestement pas être le seul à avoir procédé de la sorte car la plupart de mes coéquipiers étaient aussi affûtés que moi à l’heure du grand rassemblement. Chacun a envie, à l’évidence, de frapper un grand coup. Quoi de plus normal, en ce sens que nous sommes tous restés singulièrement sur notre faim la saison passée, même si nous n’avons échoué qu’à un fifrelin de Bruges. Ce coup-ci, compte tenu de l’accession directe aux groupes de la Ligue des Champions pour le vainqueur du championnat, on perçoit une énorme envie de bien faire. C’est d’autant plus intéressant que, si cet objectif est matérialisé, les joueurs auront droit à quelques journées de repos supplémentaire puisqu’il ne faudra plus être prêt fin juillet. Je ne jouirai plus de cette faveur mais cela ne m’empêche pas de vouloir à tout prix décrocher le titre.

Qu’a-t-il manqué à Anderlecht pour pouvoir supplanter Bruges la saison passée ?

Un peu de tout : des prestations plus autoritaires dans le chef de quelques-uns, une sérénité qui ne s’est pas toujours vérifiée dans les rapports humains entre le groupe et l’ancien entraîneur et, comme Frankie Vercauteren l’a soutenu dans vos colonnes la semaine passée, un collectif mieux huilé. Par rapport à la même époque la saison passée, j’estime que nous sommes déjà davantage dans le bon. Même si le groupe n’épouse pas encore ses contours définitifs, il y a une ligne de conduite dans le travail effectué. Il y a un an, c’était moins perceptible. Avec le nouveau coach, tout est fixé jusque dans le moindre détail. Il n’existe pas plus méticuleux que lui dans son approche.

Qu’a-t-il apporté depuis sa reprise en main ?

Tant au niveau du style que des hommes, sa griffe est évidente. D’un côté, il s’est prononcé tour à tour pour un 4-3-3 et un 3-4-3 qui correspondaient mieux aux possibilités du groupe. D’autre part, il n’a jamais épargné personne dans ses choix, aussi douloureux qu’ils fussent. Il est ainsi fait qu’il n’y a jamais de demi-mesure avec lui. On a beau avoir livré un match plein, il trouve toujours quelque chose à redire. Ce qui est clair également, c’est que tout le monde, sans exception, est logé à la même enseigne. Plus personne ne peut s’estimer privilégié. Il a instauré une concurrence qui se vérifie dans les faits et qui sera sans nul doute plus prononcée encore cette saison. J’ai l’impression, en tout cas, qu’en fonction des circonstances, le turn-over sera plus marqué que par le passé.

Vous risquez de devoir composer avec cette réalité, entendu qu’à votre âge, vous ne livrerez sans doute plus 60 matches.

J’en suis conscient et je m’accommoderai nettement mieux de cette situation qu’il y a deux ans quand, sans réelle raison, j’avais été contraint à prendre place immédiatement sur le banc. A présent, je sais que je devrai partager et je n’ai aucune difficulté à l’admettre. Personnellement, je préfère livrer 40 bons matches et m’asseoir à une vingtaine de reprises dans le dug-out que disputer 60 matches moyens.

Akin, une découverte

Que vous inspire Marius Mitu, présenté comme votre successeur ?

Très bon. Excellent même. A La Panne, il s’est d’emblée fondu dans le groupe. Il est vrai que ce stage a contribué à tisser ou à resserrer des liens. C’est à refaire, même si je ne le vivrai plus (il rit). Mine de rien, sans avoir l’air d’y toucher, nous avons bien travaillé physiquement en nous adonnant non pas au ballon mais au vélo, au kayak et à la voile. Le tout dans la bonne humeur, ce qui ne gâte rien.

Quid de Serhat Akin ?

Une découverte. Honnêtement, je ne le connaissais pas mais il m’a fait d’emblée une grosse impression. Il est extrêmement mobile, vif et a manifestement le sens du but. A l’entraînement, il marque comme à la parade. Si cette réalité-là se transpose en championnat, nous serons armés aux avant-postes avec deux réalisateurs de la trempe de Nenad Jestrovic et lui.

L’effectif actuel est-il paré pour le titre ?

Oui, à condition d’être épargné par la guigne. Car pour certains postes, il y a l’embarras du choix mais pour d’autres, nous ne baignons pas dans le luxe. Si Olivier Deschacht se blesse, il n’y a que Michal Zewlakow comme alternative. Mais il était destiné à une autre place au départ.

Qui faudra-t-il redouter dans la course au titre ?

Toujours les mêmes, Bruges et le Standard. Par rapport au Club, nous avons la chance de pouvoir £uvrer cette année dans la continuité, puisque l’entraîneur est resté et que d’une saison à l’autre les correctifs apportés au groupe ne sont pas légion. C’est différent à Bruges, qui doit imbriquer à un poste-clé un garçon comme Ivan Leko, par exemple. Sans compter que le départ de Timmy Simons se fera sans doute lourdement ressentir aussi. Je me demande dans quelle mesure le principal danger ne viendra pas du Standard, qui s’est tenu fort coi par rapport aux autres années. Les Rouches ont eu le bon goût de conserver ce qui est valable et ils n’en seront que plus redoutables. Sur le papier, toutefois, je suis d’avis que nous leur sommes supérieurs.

Qu’est-ce qui va vous manquer le jour où vous tournerez la page ?

L’ambiance dans le vestiaire, la chaleur et le soutien du public, la vie de footballeur que j’ai menée. J’ai été un privilégié pendant près de 20 ans. Même si, quelque part, je le resterai encore puisque ma reconversion est d’ores et déjà assurée dans un club qui me tient à c£ur. Il n’y aura pas de trou noir ou d’interrogation quant à ma vie future. C’est important. Essentiel, même.

Quels souvenirs voudriez-vous laisser aux supporters anderlechtois ?

Celui d’un joueur qui s’est toujours donné à fond pour essayer de les contenter. J’ai toujours perçu le football comme un échange. Avec moi et mes potes, d’un côté, qui tentions de régaler l’assistance. Et celle-ci, qui apportait son écot afin que nous puissions faire de ce jeu fabuleux notre métier. Le football et ses inconditionnels m’ont permis de gagner royalement ma vie et je leur en suis et serai toujours éternellement reconnaissant. Si j’ai pu engendrer la même satisfaction chez eux, je m’en irai avec le sentiment du devoir bien accompli.

Bruno Govers

 » J’ai toujours eu un bel échange AVEC LE PUBLIC  »

 » Il n’y a pas plus méticuleux que VERCAUTEREN  »

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