La der’ de Juju

Voici pourquoi la finale du Diamond Games était peut-être son tout dernier match officiel en Belgique.

Quel est le point commun entre Greg Rusedski et Justine Henin ? A priori, rien dans leur tennis, n’est comparable. Le Canadien devenu Anglais basait son jeu sur une première balle de service tonitruante et montait à la volée dès qu’il en avait la possibilité. Tout le contraire de Juju qui préfère construire du fond. Le classement ? Que nenni, Rusedski n’a jamais dépassé la quatrième place mondiale alors que la Belge, on le sait, est leader mondiale.

Allez, puisque vous donnez votre langue au chat, on vous livre la réponse. Justine Henin a joué dimanche dernier la finale de ce qui pourrait être la dernière édition officielle du tournoi d’Anvers alors que Rusedski a remporté le tout dernier tournoi de l’ECC, version ATP Tour. C’était il y a juste 10 ans. Il avait alors battu le Suisse Marc Rosset en quatre sets.

La finale de 1998 marquait la fin de l’aventure magnifique de l’ECC. Celle de dimanche devrait quant à elle logiquement ouvrir une nouvelle ère pour le tournoi féminin cher à Bob Verbeek puisque le Diamond Games pourrait devenir dès 2009 un tournoi sur invitation. Exactement ce qu’était l’ European Champion’s Championship lors de sa création (il changera de nom en 86 pour devenir l’ European Community Championship).

En 1982, le tennis est en train de vivre ce qui peut probablement être considéré comme ses plus belles années. La domination de Bjorn Borg vient de se terminer et, pendant la carrière de l’éblouissant Suédois, le tennis est devenu l’un des sports les plus médiatisés. A ce moment, les joueurs belges ne sont pas légion. Outre Bernard Boileau, ils ne fréquentent que très peu le circuit international, préférant les très lucratifs tournois disputés sur le territoire national. Mais le tennis déchaîne tant de passions qu’une bande de doux rêveurs se met en tête d’organiser un tournoi exhibition doté d’atouts tels qu’aucun joueur – et aucune femme de joueurs – ne pourrait lui résister.

D’une part, il le dote de 700.000 dollars, une somme qui constitue en 1982 le plus important prize money de l’histoire du tennis. D’autre part, il crée un trophée magnifique : la fameuse raquette d’or et de diamants, d’une valeur estimée à un million de dollars. Laquelle raquette est promise au joueur qui remportera trois fois le tournoi en cinq années. Tout de suite, l’ECC attire les meilleurs mondiaux, ainsi que leurs épouses, ravies de pouvoir visiter les diamantaires anversois.

La première année, Ivan Lendl rencontre John McEnroe en finale. Une rencontre de rêve, remportée en quatre sets par l’Américain d’origine tchécoslovaque. L’année suivante, Big Mac prend la mesure de son compatriote Gene Mayer. Mais Lendl ne l’entend pas de cette oreille et, en 1984, il signe son deuxième succès face au Suédois Anders Järryd. Il revient en 85 avec la ferme intention de s’emparer de la raquette. Les diamantaires anversois et, surtout, les assureurs, sont inquiets. Diantre, ils ne pensaient pas que leur bijou risquait de partir aussi vite. Tous leurs espoirs reposent alors sur les épaules de McEnroe, ultime rival de Lendl. Mais ce dernier se montre intraitable. Il perd certes le premier set mais se reprend ensuite pour s’imposer en quatre manches. Pas peu fier, il exhibe alors son trophée et pense le ramener illico presto chez lui.

Il n’en sera rien. Du moins pas tout de suite car les assureurs estimeront que cette raquette a été surévaluée par les organisateurs. Il faudra des mois de palabres pour qu’un accord soit trouvé et que Lendl dispose enfin de son dû. Pendant ce temps, une autre raquette est fabriquée et proposée aux tennismen. Lendl, qui rêve du doublé, ne sera pas loin de l’obtenir. Encore vainqueur en 87 et 89, il sera néanmoins battu par Boris Becker en 1991. Au grand soulagement d’organisateurs qui avaient aussi d’autres chats à fouetter puisque cette édition sera aussi la dernière en tant qu’exhibition. En 10 ans, le tennis avait beaucoup évolué et le prize money anversois n’avait plus rien d’exceptionnel. De 92 à 98, l’ECC fera donc partie du circuit officiel de l’ATP. Il aura encore des visiteurs prestigieux ( Pete Sampras s’est tout de même imposé à deux reprises) mais ne parviendra plus à sortir du lot et connaîtra aussi pas mal de soucis financiers et judiciaires qui mèneront à sa disparition. Rusedski restera donc dans l’histoire comme étant le dernier vainqueur masculin de l’ECC.

Henin ne joue pas d’exhibition pendant la saison !

Pendant ces seize années d’aventures, le tennis belge aura, lui aussi, fortement progressé. Plus que le masculin, c’est le tennis féminin belge qui attire les regards. Il y a tout d’abord eu la période Sabine Appelmans et Dominique Monami, suivie on le sait par l’épopée Kim Clijsters-Henin. C’est donc très logiquement qu’en 2002 on verra renaître à Anvers un tournoi majeur réservé exclusivement aux femmes et offrant, lui aussi, une raquette d’or et de diamants réservée à la triple lauréate de l’épreuve.

L’édition 2002 attire donc les meilleures joueuses de la planète dont Venus Williams qui s’impose face à une certaine Henin. Laquelle n’avait à l’époque pas encore remporté de tournoi majeur et ne savait pas qu’elle devrait attendre cinq années avant de rejouer une finale à Anvers (elle a été battue en demi en 2003 et n’a pas joué les autres éditions).

Lauréate de l’édition 2003 (face à Kim), Venus pensait imiter son compatriote Lendl et s’emparer de la raquette en deux temps, trois mouvements. Une blessure à la jambe l’empêche cependant de réaliser son rêve en 2004. L’année suivante, elle fut à deux doigts d’y parvenir. Finaliste, elle mena même un set à rien et bénéficia d’un break dans le suivant. Mais Amélie Mauresmo se réveilla et priva sa rivale du plus beau prix du circuit féminin. La Française se prit d’ailleurs au jeu puisque, lauréate en 2006 et 2007, c’est elle qui est repartie de la Métropole avec le précieux bijou.

C’est pour cette raison qu’a été présentée il y a deux semaines une nouvelle raquette de rêve, faite de 2008 diamants et valant, elle, un million d’euros. Qui s’en emparera ? C’est très difficile à dire tant l’avenir semble incertain.

 » J’espère pouvoir encore organiser à l’avenir un tournoi WTA « , expliquait Verbeek la semaine dernière.  » Nous disposons d’un sponsor principal fidèle et satisfait qui souhaite continuer à soutenir un grand projet. Nous allons nous entretenir à Dubaï avec le patron de la WTA, Larry Scott. Nous prendrons notre débriefing des Proximus Diamond Games 2008 sous le bras, ainsi que les témoignages des joueuses. Notre ambition consiste toujours à organiser un tournoi WTA avec un minimum de 3 joueuses du top 10 et 6 à 7 joueuses du top 20. Avec bien évidemment Henin. Je suis personnellement moins favorable à un tournoi exhibition, que je considère plus comme un show. Mais seul l’avenir déterminera ce qu’il y a lieu de faire. Nous en saurons plus fin mars « .

Si on doit attendre encore un peu pour savoir ce que deviendra le Diamond Games, force est de constater que Henin, elle-même, n’a pas l’air d’y croire.

 » Je voulais absolument être de la partie cette année « , disait-elle avant son premier tour.  » C’est probablement la dernière fois que j’ai l’occasion de disputer un tournoi devant mes supporters « .

Un tournoi officiel, en tous les cas. Et rien ne dit non plus que Justine accepterait de prendre part à la version exhibition de l’épreuve. On sait que la Rochefortoise prépare son calendrier de manière hyper professionnelle. Il faudrait que le Diamond Games soit programmé au mois de décembre pour convaincre Henin d’y participer. Or, on sait que Luigi Coduti, le manager de Justine, organise en fin de chaque saison une exhibition avec sa joueuse ! Autrement dit, les dizaines de milliers de spectateurs qui se sont rendus au Sportpaleis ont sans doute eu le nez fin : il serait étonnant de revoir un jour Justine Henin jouer un match officiel en Belgique.

Henin probablement absente définitivement des terrains belges, reste à savoir quelles épreuves intéressantes se dérouleront encore dans notre pays. Après l’ECC, le Belgian Indoor Championship et le Diamond Games, il serait triste que la Belgique n’organise plus des épreuves richement dotées et attirant quelques-unes des meilleures raquettes du globe. Côté masculin, il y a certes le tournoi Challenger de Mons, mais ce dernier ne tient la route qu’en fonction de la présence des joueurs belges.

Puisse-t-il dès lors y avoir encore quelques doux rêveurs qui, comme en 1982, osent lancer un projet fou, fou, fou. Puisse aussi la WTA ne pas oublier que la Belgique est, pour quelques années encore, la terre de la meilleure joueuse du monde.

par patrick haumont – photos: reporters

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