La déglingue

Résultats insuffisants, conflits, exclusions, supporters en colère, procès :le triste quotidien d’un club à la dérive.

A nos actes manqués, hé, hé, hé, hé… Un refrain bien connu très populaire à Charleroi depuis quelques mois. Deux fois, depuis une semaine, les Zèbres ont eu l’occasion de passer à l’acte mais ils se sont échoués. Leurs rencontres face à un Cercle démobilisé et un Zulte Waregem qui accuse le coup étaient autant d’opportunités de se mettre à l’abri. Echec presque total avec une défaite à Bruges et un match très nul contre les hommes de Francky Dury. Il reste trois rendez-vous pour éviter les barrages et ceux-là n’auront rien de facile car les trois adversaires ont encore quelque chose à gagner : La Gantoise veut engranger un maximum pour aborder les playoffs dans de bonnes conditions, Anderlecht veut continuer à distancer le Club Bruges et Lokeren risque de venir jouer son maintien au Mambourg.

Quel pourcentage de chances d’éviter le tour final avec des équipes de D2 ? Chez les supporters purs et durs, la tendance n’est pas franchement optimiste après la très pauvre série d’un seul point en sept matches. Un sondage est en cours depuis quelques jours sur le site www.mambourg-charleroi.be. Question : le Sporting va-t-il descendre ? Résultat :  » oui  » à 56 %. La cible privilégiée de ces internautes : une direction qui, depuis longtemps, n’est plus du tout en phase avec les gens de la place. Nous avons relevé quelques perles sur le forum de discussion de ce site : elles révèlent l’état d’esprit de ceux qui vont au stade et de ceux qui ont cessé d’y aller !

Premier exemple, adressé à la famille Bayat :  » Vous vouliez faire de Charleroi un grand de Belgique et vous allez nous mettre en D2. C’est peut-être mieux ainsi. On recommence tout, on éjecte les racailles, on reprend avec des jeunes Belges, quitte à rester deux, trois ou quatre ans en D2.  »

Récit d’une nouvelle semaine peu ordinaire.

12 exclusions : le record de D1 n’est plus loin

La série rouge continue. Au Cercle, Charleroi a récolté deux nouvelles cartes rouges : ça en fait 12. A nouveau des exclusions ridicules : Grégory Christ pour deux fautes inutiles en milieu de terrain, Peter Franquart pour un tacle qui aurait pu avoir des conséquences très graves, lui aussi, dans une zone du terrain sans danger. Le Sporting n’est plus qu’à une expulsion du record de notre D1 : Beveren avait eu 13 exclus en 2003-2004. En 34 journées ! Mais cela n’avait pas empêché ce club de terminer le championnat à une douzième place très valable, alors qu’à Charleroi, on ne compte plus cette saison les matches perdus en partie à cause de cartes rouges.

Herman Helleputte, qui était entraîneur de Beveren cette année-là, se souvient et dresse un parallèle :  » Quand un coach voit depuis le banc que ses joueurs multiplient les fautes grossières et dangereuses, il se sent complètement impuissant et frustré. J’avais des joueurs fort influençables dans mon noyau, il suffisait qu’on les provoque un peu pour qu’ils réagissent. Et tous mes Africains taclaient à l’africaine… Le pied en avant, ça pouvait avoir des suites dramatiques. A l’entraînement, je n’arrêtais pas de leur en parler, j’essayais de les calmer. Ils semblaient me comprendre. Mais dès que le match commençait, ils oubliaient tout. Ils étaient beaucoup trop impulsifs. Je ne pouvais même pas en vouloir aux arbitres parce qu’ils prenaient les bonnes décisions. J’ai aussi l’impression qu’ils sont cohérents avec le Charleroi actuel. J’ai vu plusieurs matches à la télé et le club ne peut pas critiquer l’arbitrage. Je vois une équipe qui fait des fautes grossières, comme s’il y avait une frustration énorme d’être tout en bas de classement alors que certaines personnes du club s’imaginaient qu’elle serait très haut.  »

Un supporter écrit :  » Le nombre de points perdus par la faute de la connerie de certains ( Mohamed Chakouri, Christ, j’en passe et des pires) me laisse pantois. C’est à croire qu’ils le font exprès.  »

Même le banc perd ses moyens

Au total, il y a eu trois exclusions carolos au Cercle puisque Tibor Balog, l’adjoint de Tommy Craig, a dû lui aussi dégager. Balog, c’est pourtant le calme des calmes, un type qui a toujours su se tenir. Il ne veut pas évoquer à son tour la théorie du grand complot anti-Charleroi mais il a des réserves sur l’arbitrage dans certains matches, dont celui-là :  » Il y a une des deux cartes jaunes de Christ qui n’est pas méritée. Et Franquart fait simplement un tacle appuyé sans toucher son adversaire. Comment peut-on donner une carte rouge directe sur une phase pareille ? Et moi, qu’est-ce que j’ai fait de mal ? Quand Denis Viane a stoppé Cyril Théréau à l’approche du rectangle, je me suis levé du banc en voyant que l’arbitre lui montrait simplement une jaune alors que ça valait une rouge. Je n’ai pas été grossier, j’ai seulement dit au quatrième arbitre que Viane devait être exclu. Tout le banc s’est d’ailleurs levé, tellement c’était évident.  »

Visés, les Zèbres ? Mario Notaro, l’autre adjoint de Craig, répond :  » Je ne vais pas faire de commentaires sur un sujet aussi sensible. Notre situation est déjà suffisamment difficile.  »

Un supporter écrit :  » Pauvres Bayat ! Ils sont au centre d’une gigantesque toile d’araignée tissée par la CIA, les anticastristes, la mafia, le FBI, l’Union belge, les journaleux, la Ligue pro, les crétins réunis, la météo,… Un vaste complot destiné à déstabiliser le staff et les joueurs. « 

Les Bayat et De Wolf ont rendez-vous au tribunal

La semaine dernière, le tribunal de Charleroi devait traiter une plainte du Sporting contre Michel De Wolf, l’adjoint qui a dû dégager en décembre. Une plainte faisant suite à l’interview que l’ex-Diable Rouge nous a accordée en début d’année. Il n’y était pas tendre pour la famille Bayat.  » Ils m’attaquent pour calomnie et diffamation et me réclament 20.000 euros de dédommagement « , nous explique De Wolf.  » L’affaire a été reportée à la fin du mois de mars parce que je ne pouvais pas être au tribunal la semaine passée : j’étais à l’enterrement du gardien de but de mon club, Clabecq. Il a été tué dans la collision de trains à Buizingen. Il y a donc des choses bien plus graves qu’une action en justice du Sporting de Charleroi… Je suis très serein par rapport à cette histoire. Qu’est-ce que j’ai fait de mal ? Je n’ai dit que la vérité. Mais je suis le seul à avoir résisté à Mogi Bayat, et ça, ça ne lui plaît pas du tout. Je suis occupé à rassembler des articles de journaux dans lesquels d’autres avaient déjà mis le doigt sur le fonctionnement particulier de ce club. Je n’ai pas été le premier à ruer dans les brancards, loin de là. Je ne m’en fais pas.  »

De Wolf constate ironiquement que son éviction n’a pas suffi à rendre des couleurs aux Zèbres :  » Qu’est-ce qu’ils ont réussi comme résultats entre-temps ? Je lis que le Charleroi actuel joue bien au football : la belle affaire… Et après ? L’équipe rate ses occasions mais c’était déjà le cas quand j’y étais. « 

Un supporter écrit :  » On avait déjà une idée de comment ça marchait avant l’interview de Michel De Wolf. Maintenant, cela permettra à de nouvelles personnes (ou des indécis) de se rendre vraiment compte de la situation. « 

Le lapin de Taylor

Paul Taylor nous a fixé rendez-vous pour une interview devant le stade d’Anderlecht, quelques heures avant le match européen contre Bilbao. Peut-être une façon pour lui de se souvenir qu’il a été Mauve pendant quelques jours en janvier, après son transfert de Montegnée et avant de signer chez les Zèbres. Le feu follet anglais a commencé à baliser le terrain au téléphone :  » What do you want to speak about ? » Non, le but n’est pas de discuter de son adolescence chahutée mais de faire le point sur ses premiers pas en D1 belge avec Charleroi.

Nous n’en aurons pas l’occasion : Taylor pose un lapin, nous laisse en rade à Anderlecht puis fait le mort. Il ne décroche plus, ne réagit pas aux messages. Paul Topping, son compatriote qui était son président à Montegnée, n’est pas tout à fait surpris :  » Taylor n’aime pas s’adresser aux médias. Je ne pense pas qu’il ait déjà donné une seule grosse interview dans sa vie. C’est un gars nerveux et terriblement timide. Il doit se sentir en confiance pour être bien dans sa peau. Il revient encore trois ou quatre fois par semaine à Montegnée parce qu’il a vraiment besoin de retrouver des gens qu’il connaît. Et moi, je suis très souvent avec lui. But he’s a fantastic boy.  »

Taylor n’est donc pas à Anderlecht comme prévu il y a quelques semaines, mais quelques crans plus bas. Topping est toutefois plus persuadé que jamais que son ex-poulain va faire son trou :  » J’ai notamment vu son match à Westerlo. Il a fait une première mi-temps d’enfer alors qu’il avait été assez vite blessé dans un contact avec un adversaire. Il n’a aucun problème avec le niveau du championnat belge. Techniquement, il est au-dessus du lot. Il sait marquer des buts. Et sa vitesse… Sur 20 mètres, je ne sais pas combien de joueurs sont capables de le suivre. Il a un avenir ici, c’est certain. « 

Un supporter écrit :  » My Taylor is not rich with Craig et la défense pleine de trous.  »

Et si le transfert de Taylor avait des suites juridiques ?

Au fait, Charleroi a-t-il vraiment le droit d’aligner Taylor, qui a quitté Montegnée pour Anderlecht en janvier et déserté Anderlecht pour Charleroi en février ? Beaucoup en doutent à partir du moment où un joueur ne peut pas être transféré deux fois durant la même saison.

De Wolf repasse à l’attaque :  » Les Bayat voudraient me faire payer 20.000 euros ? OK, on verra. Mais s’ils gagnent, je m’adresserai à mon tour à la justice. J’attaquerai sur l’affaire Taylor. L’arrangement qui a été trouvé est inadmissible, la Fédération ne devait jamais l’accepter. Anderlecht l’a désaffilié pour qu’il puisse aller à Charleroi, tout en sachant qu’il retournerait à Bruxelles en fin de saison. J’ai des articles de presse qui expliquent clairement la man£uvre. J’attaquerais en tant que président de club. Je suis lésé parce qu’on ne m’autoriserait jamais à faire la même chose. Il y a un règlement et il doit s’appliquer à tout le monde, aussi bien à Anderlecht qu’à Clabecq. On a retiré plus de 20 points à Péruwelz pour avoir aligné un joueur non qualifié mais on permet à Taylor de changer deux fois de club : on ne peut pas laisser passer ça. Si l’affaire va au tribunal, ça pourrait faire mal à beaucoup de monde : à Charleroi mais aussi à Anderlecht et à l’Union belge. Tant pis. « 

Allô Jean-Marie Philips ? Le CEO de la fédé est tranquille :  » Taylor n’a pas fait l’objet de deux transferts puisqu’il n’y a pas eu de transfert d’Anderlecht à Charleroi mais simplement une désaffiliation suivie d’une affiliation. Il n’avait plus aucun lien avec Anderlecht au moment où il est passé à Charleroi.  » Si on suit ce raisonnement, c’est tout le système des transferts qui va voler en éclats. En pleine saison, n’importe quel joueur souhaitant changer de club devra simplement rompre son contrat de travail avec une équipe A (et avec l’accord de celle-ci) et pourra passer librement dans une équipe B.  » Il y a effectivement une possibilité de contourner le règlement si des joueurs et des clubs sont de mauvaise foi « , reconnaît Philips.  » Mais dans le cas de Taylor, d’Anderlecht et de Charleroi, je ne vois pas de mauvaise foi. A la Fédération, nous sommes de toute façon tenus par le verdict de la justice civile dans l’affaire Davy De Beule. Il voulait quitter Lokeren pour La Gantoise mais Lokeren n’était pas d’accord. Il s’est adressé à la justice qui nous a obligés à le laisser changer de club. Le raisonnement est simple : un footballeur a le droit de s’affilier dans le club de son choix pour payer sa maison et mettre du beurre sur sa tartine. Tout le monde a le droit de travailler.  »

Un supporter écrit :  » Les avocats du Sporting sont aussi nuls que les chèvres. « 

Un accueil mitigé au Cercle

En début de semaine passée, le Cercle Bruges a publié un communiqué signalant que les Bayat ne seraient pas les bienvenus pour le match de rattrapage du mercredi, qu’ils auraient bien droit à du café et des sandwiches comme le veut la tradition, mais qu’ils seraient accueillis dans une salle séparée de la direction du Cercle et qu’ils étaient priés de quitter le stade dès le coup de sifflet final. Une suite aux incidents du match aller, quand il y avait eu du crêpage de chignon et des insultes entre les directions dans le couloir menant aux vestiaires de Charleroi. Le Cercle avait signalé que son staff sportif avait été agressé par des Carolos, dont certains joueurs.

Ce fut bien plus calme mercredi dernier. Pol Van Den Driessche, le porte-parole du Cercle qui avait publié le communiqué, se réjouit que les choses se calment :  » Abbas Bayat n’était pas là. Mogi est arrivé une heure avant le match, nous l’avons accompagné à sa table, réservée dans un recoin. Notre président, Frans Schotte, lui a serré la main par politesse mais ils n’ont pas discuté. Le ministère de l’Intérieur avait été mis au courant des relations tendues entre les deux clubs et suivait l’affaire. Suite à notre communiqué, Charleroi nous avait signalé qu’il prévoyait deux stewards spécialement pour escorter Mogi. Nous avions répondu que ce n’était pas nécessaire, que nous avions assez de stewards et de policiers pour assurer sa sécurité. Nous voulions surtout éviter de remettre de l’huile sur le feu, d’autant que le Cercle et Charleroi risquent encore de se croiser prochainement dans les playoffs II. J’avais demandé à notre speaker de souhaiter la bienvenue aux supporters de Charleroi et de présenter les équipes en français. A quoi bon prolonger la dispute ? Tout a été dit mais nous sommes toujours fort fâchés. Si les gens de Charleroi nous avaient présenté des excuses après les incidents du match aller, nous aurions enterré l’affaire. Au lieu de cela, ils ont inversé les rôles et essayé de faire croire que les torts étaient chez nous. Frans Schotte est peut-être le plus pacifique des présidents de D1 : il est toujours fort marqué par cette histoire. Charleroi est quand même un club fort bizarre. Sa direction est complètement différente des autres gens qui travaillent là-bas. Après notre victoire au match aller, les supporters n’ont pas du tout été agressifs par rapport à nous. En quittant notre stade après le match de la semaine dernière, les joueurs carolos nous ont souhaité bonne chance pour notre demi-finale de Coupe. J’ai discuté avec Tommy Craig : un chic type, un gentleman, un vrai Ecossais. C’est plus haut dans le club que ça coince.  »

Un supporter écrit :  » J’ai bien peur pour nos Zèbres avec ces histoires de dispute carolo-brugeoise. Le Cercle est la seule équipe non concernée pour le classement que l’on doit encore rencontrer, et manque de bol (comme d’habitude), ils ont la rage contre nous… « 

par pierre danvoye – photos: belga

« Il y a des choses bien plus graves qu’une action en justice du Sporting de Charleroi. (Michel De Wolf) »

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