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La crise au Club Bruges? Quelle crise?

Le malaise brugeois a davantage trait aux résultats qu’à la qualité du football. Les faits démontrent que le manque d’efficacité n’est peut-être pas dû au hasard. Sans oublier la position délicate de l’entraîneur, qui aimerait savoir où il en est.

Le match entre le Club Bruges et Genk de dimanche dernier fut le reflet exact des bonnes et des mauvaises choses des derniers mois. Quand la grinta, la passion et l’énergie sont là, le Club Bruges peut battre n’importe qui : Anderlecht (2-1), Gand (0-4), l’Antwerp (5-1), le Racing Genk (3-1), Monaco (0-4) et Salzbourg (2-1).

Mais quand, pour l’une ou l’autre raison, ces ingrédients ne sont pas là (parce que les joueurs pensent à autre chose, comme la Coupe d’Europe, par exemple), ça peut mal tourner. C’est ainsi que, quelques jours avant la visite de Monaco, le Club avait dû se contenter d’un nul à domicile face à Waasland-Beveren (1-1). Et que quelques jours après la victoire au pied du Rocher, il a été battu à Charleroi (2-1).

D’un point de vue statistique, il avait pourtant tiré aussi souvent au but que d’habitude (22 fois contre Waasland-Beveren, dont 8 tirs cadrés ; 11 fois à Charleroi, dont 5 tirs cadrés). Mais il n’a marqué qu’une fois. À l’inverse, Waasland-Beveren a transformé son seul tir cadré en but (par Vellios). Charleroi, lui, a tiré sept fois dans le cadre. Humainement, il est normal qu’une équipe ne soit pas au top chaque semaine. Mais en football, cela se paye parfois cash.

Dans ces moments-là, on parle de relâchement, de manque de concentration. Mais c’est une question de perception, une impression. Que disent les chiffres, maintenant qu’on peut en consulter de plus en plus en Belgique aussi ?

Des résultats en dents de scie

Ils sont intéressants et donnent une autre image. Ils nous apprennent par exemple que le Club a pris un excellent départ en championnat (25 sur 30). Puis l’aventure européenne a débuté, avec ses voyages, la fatigue engendrée, les premières blessures ( Danjuma, Vlietinck), les premiers changements tactiques ( LeticaHorvath au but), les retours de quelques joueurs qui n’avaient pas pu participer à toute la préparation et manquaient donc de fond ( Nakamba, Mata).

Benoît Poulain s'impose dans le trafic aérien devant Ally Samatta.
Benoît Poulain s’impose dans le trafic aérien devant Ally Samatta.© BELGAIMAGE

Les résultats se sont fait plus capricieux : 15 sur 33 en championnat mais un excellent parcours européen avec 3 nuls et une victoire qui ont permis de passer l’hiver au chaud, ce qui n’était plus arrivé au Club Bruges depuis 2006.

Les résultats ont-ils pâti de la succession des matches ? Un peu. Analysons les données offensives : 161 tirs au but (dont 68 cadrés) au cours des dix premiers matches de championnat et seulement 151 (dont 61 cadrés) au cours des onze suivants.

Contre Zulte Waregem, à domicile, Bruges n’a adressé que deux tirs cadrés. Parce que ses joueurs avaient déjà la tête à Dortmund, où ils se rendaient quelques jours plus tard ?

En 2019, on a entamé une nouvelle période, au cours de laquelle Bruges n’a pris  » que  » 8 points sur 15. Bien qu’il y ait moins de matches, la moyenne reste donc identique à celle d’avant le Nouvel An.

Ivan Leko l’a souvent répété ces dernières semaines : si crise il y a, elle a trait au nombre de points. Et les statistiques lui donnent raison : lors des 5 derniers matches, le Club Bruges a cadré 34 fois.

On ne peut donc pas parler de crise dans la manière car, ces statistiques constituent une bonne moyenne. Depuis la reprise, Bruges centre même davantage qu’en novembre ou en décembre. Ce qui est logique dans la mesure où Diatta et Dennis sont de retour.

Un manque d’efficacité

Les équipes efficaces n’ont besoin que de quelques tirs au but pour marquer. Comme Waasland-Beveren au stade Jan Breydel ou comme le Club Bruges à Genk (3 tirs cadrés mais un but et un point ramené). Mieux encore : Zulte Waregem à Bruges (victoire 1-3 avec seulement 4 tirs cadrés). Mais quand les attaquants manquent d’efficacité, il faut tirer plus souvent au but.

Quel est le pourcentage d’efficacité des Brugeois en matière de tirs et de centres ? Combien de buts ont-ils rapporté ? Entre la première et la dixième journée, le Club a inscrit 32 buts. De la 11e à 21e, il a marqué 20 fois. Et de la 22e à la 26e, 8 fois.

C’est donc là que le bât blesse. L’animation est bonne mais Bruges manque d’efficacité. Au cours des dix premiers matches, il a adressé 68 tirs cadrés, pour 32 buts inscrits. Au cours des onze matches suivants, 61 tirs cadrés n’ont rapporté  » que  » 20 buts. Et après le Nouvel An, 34 tirs cadrés ont permis d’inscrire 8 buts.

Bref : Bruges est obligé de tirer de plus en plus souvent au but pour gagner. En 2018, il lui suffisait de 15 tentatives (cadrées ou non) pour gagner un match. Cela lui a rapporté 25 points sur 27. Depuis le Nouvel An, il a presque toujours tiré plus de 16 fois au but (sauf contre Genk, 11 fois) mais n’a récolté que 8 points sur 15.

Alors, quelle crise ? Ivan Leko a raison : malgré un programme plus chargé et davantage de blessures que l’an dernier, le niveau de jeu reste bon. La perception de crise n’est due qu’au manque d’efficacité à la conclusion.

Et puis, il y a les hommes. Contre Genk, Wesley a livré une grande prestation, il a même été l’homme du match mais il a loupé quelques occasions. Pareil pour Openda, qui l’a remplacé en fin de match et qui est encore jeune. Ça viendra peut-être (sans doute) mais, entre-temps, cela lui est déjà arrivé quelques fois en Coupe d’Europe et en championnat.

Moins de certitudes

Ce qui manque au Club Bruges et à Leko, c’est un Harbaoui ou un Diaby. Le Bacca d’avant ou Vossen, blessé depuis un bout de temps. Avec eux, on n’aurait peut-être jamais parlé de crise. La saison dernière, au cours des play-offs, Diaby a inscrit 4 buts, soit un toutes les 143 minutes. Cette saison, avant de se blesser, Vossen a marqué en moyenne toutes les 88 minutes.

Hans Vanaken aux prises avec son ancien coéquipier à Lommel, Leandro Trossard.
Hans Vanaken aux prises avec son ancien coéquipier à Lommel, Leandro Trossard.© BELGAIMAGE

Wesley, lui, n’avait marqué que toutes les 252 minutes la saison dernière. Il fait un peu mieux cette fois (un but toutes les 213 minutes) mais ça reste faible. Le seul qui, après un temps d’adaptation, approche la moyenne de Vossen, c’est Siebe Schrijvers : un but toutes les 130 minutes. Contre Genk, il a marqué pour la dixième fois cette saison.

Le manque d’efficacité ou de chance se retrouve aussi dans les statistiques défensives. Là aussi, les certitudes ont disparu au fil du temps. Au cours des 21 matches précédant le Nouvel An, le Club a concédé 235 tirs au but (soit 11,2 par match, dont 67 cadrés et 22 au fond des filets). Si on établit une moyenne, on constate qu’un tir adverse sur 10,7 (1 sur 3 cadrés) s’est transformé en but.

Après le Nouvel An, le Club a concédé 35 tirs au but (7 par match, soit moins qu’avant la trêve). Seize d’entre eux étaient cadrés et six se sont soldés par un but. Conclusion : 1 tir sur 5,8 (1 sur 2,6 cadré) est arrivé au fond des filets alors que Bruges a changé de gardien et que tant Denswil que Mechele ont livré des bons matches. Ça veut dire qu’après le Nouvel An, les adversaires qui tiraient au but avaient plus de chances de marquer qu’avant. Étonnant, non ?

On peut donc dire qu’au cours des sept dernières semaines, le Club Bruges n’a pas été suffisamment performant. Il a inscrit moins de buts que ce qu’on pouvait attendre de lui sur base des statistiques précédentes et il en a encaissé davantage. La différence se paye en points. Sur base des attentes statistiques en matière de buts marqués et encaissés, le Club aurait dû signer un 21 sur 21 entre la 19e et la 25e journée. Il n’a fait que 12 sur 21.

Restaurer la confiance

Qu’a fait Leko pour sortir de cette crise ? Il a tenté de faire en sorte que les joueurs se sentent bien à l’entraînement. Ils ont beaucoup travaillé la finition sous forme de petits jeux, avec des buts faciles, dans l’espoir que cela leur permette de retrouver leur efficacité. Car au niveau de l’animation du jeu, c’est bon, même en comparaison de la saison dernière. Les joueurs courent plus et tirent presque autant au but que l’an dernier (14 fois par match en moyenne contre 15 la saison dernière).

Sur papier, la défense est plus stable (3 tirs cadrés de moyenne cette saison contre 4 la saison dernière). Le pourcentage de possession de balle a certes un peu baissé (52 % au lieu de 54 % en moyenne) mais c’est sans doute dû à la fatigue européenne car, depuis le Nouvel An, il est remonté à 62,4 %, ce qui est impressionnant. Mais Bruges ne marque pas suffisamment.

Le reste n’est que perception. L’énervement de Vormer (au-dessus du lot la saison dernière et confiné à un rôle plus altruiste cette saison) après son remplacement contre Gand, par exemple. Le lendemain, il est venu s’excuser auprès de l’entraîneur mais le mal était fait. Pareil au sujet de la réaction de Wesley (puissant mais nonchalant) au cours du même match.

Ce qui ne relève pas de la perception, par contre, c’est l’inquiétude de Leko (et par conséquent de son staff) quant à son avenir. Cela se ressent lors de pratiquement chaque conférence de presse et probablement aussi sur le terrain. Leko est fier du parcours qu’il a accompli à la tête du Club Bruges : champion l’an dernier, deux fois Entraîneur de l’Année, deux de ses joueurs élus Soulier d’or, cinq matches européens consécutifs sans défaite et peut-être un nouveau titre.

La saison dernière, pendant les play-offs, le Club n’a pas été bon mais cette fois, les signes avant-coureurs sont plus prometteurs. En phase classique, il n’a perdu qu’un match au sommet : au Standard, lorsque Dennis a fait de mauvais choix et a manqué des occasions.

Quid de Leko ?

Il est peut-être temps que la direction brugeoise fasse preuve de clarté envers Leko.
Il est peut-être temps que la direction brugeoise fasse preuve de clarté envers Leko.© BELGAIMAGE

Devant, Leko doit se débrouiller avec des jeunes. Openda et Diatta ont 19 ans ; Dennis, 21 ; Wesley, Danjuma et Schrijvers, 22. Ils manquent encore d’efficacité, d’autant que Rezaei (26) éprouve des difficultés à s’adapter dans une équipe qui domine. À Charleroi, sous Mazzù, l’Iranien était surtout très fort en contre-attaque.

Pourtant, à Bruges, on n’est pas du tout sûr que Leko va rester. Pire : l’entraîneur a parfois l’impression que pour lui, c’est terminé. Et ça l’énerve, comme quand on critique ses choix.

Il est peut-être temps que la direction brugeoise fasse preuve de clarté. Qu’elle prenne une décision en faveur de Leko ou à son encontre. En attendant, Bruges se rend à Anderlecht dimanche. Il ne s’est plus imposé à Bruxelles depuis le 9 septembre 1998 et se voit donc offrir une belle occasion de marquer un grand coup.

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